Jean-Marc Cavaillon, professeur honoraire à l’Institut Pasteur, propose une rétrospective des découvertes ayant façonné notre compréhension des toxines bactériennes.
Que signifie le terme « toxine » ? Louis Pasteur ne le savait pas encore, lorsqu’en 1880 il identifia des bactéries comme étant la cause des phénomènes de putréfactions. Dans sa revue From Bacterial Poisons to Toxins: The Early Works of Pasteurians publiée le 3 novembre dernier, Jean-Marc Cavaillon, professeur honoraire à l’Institut Pasteur, propose une rétrospective des découvertes faites par les pasteuriens ayant façonné notre compréhension des toxines bactériennes.
Le mot « toxine » a été inventé en 1888 par Ludwig Brieger, pour qualifier différents types de poison libérés par les bactéries. Pasteur avait identifié des bactéries comme étant la cause de putréfactions, mais n’a jamais utilisé le mot « toxine ».
En 1888, Émile Roux et Alexandre Yersin sont les premiers à démontrer que la bactérie responsable de la diphtérie libère une toxine mortelle. Roux proposa l'usage de la sérothérapie, initiée par Emil von Behring (premier prix Nobel de physiologie et Médecine en 1901) et sauva de nombreux enfants atteints de diphtérie.
Le Dr Roux, élève de Pasteur, découvre le remède contre la diphtérie
En 1923, Gaston Ramon a traité cette toxine avec du formol et de la chaleur, ce qui a donné le concept d’« anatoxine » comme moyen de vaccination.
Pierre Descombey, Christian Zoeller et G. Ramon ont utilisé une méthode similaire pour obtenir l’anatoxine tétanique.
Gaston Ramon et son collègue Christian Zoeller avec qui il travailla sur les vaccins associés, ici en 1925
De son côté, Elie Metchnikoff a également étudié la toxine tétanique et la toxine cholérique. Son collègue d’Odessa, Nikolaï Gamaleïa, qui devait rejoindre l’Institut Pasteur, a écrit le premier livre sur les poisons bactériens.
Pendant ce temps, d’autres pasteuriens comme Etienne Burnet, Maurice Nicolle, Emile Césari et Constant Jouan ont écrit des livres sur les toxines.
Concernant les endotoxines, Alexandre Besredka a obtenu le premier immunosérum immunitaire contre les lipopolysaccharides, et André Boivin a caractérisé la nature biochimique des endotoxines dans un travail initié avec Lydia Mesrobeanu à Bucarest.
Alexandre Besredka 1870-1940, devant le buste d'Elie Metchnikoff réalisé par Olga Metchnikoff, vers 1930/1935
L'auteur rappelle les bons rapports entre les pasteuriens et leurs concurrents allemands et leur rencontre à quelques mois du début de la première guerre mondiale.
Source
Cavaillon, J. M. (2022). From Bacterial Poisons to Toxins: The Early Works of Pasteurians. Toxins, 14(11), 759. https://doi.org/10.3390/toxins14110759