Une équipe de l’Institut Pasteur a décrit une nouvelle espèce bactérienne, de la famille des corynebactéries, capable de provoquer la diphtérie. Jusque-là confondue avec une autre espèce, son identification va permettre de mieux la surveiller pour éviter qu’elle ne provoque la maladie.
Maladie historiquement souvent mortelle, la diphtérie reste particulièrement surveillée de nos jours, en complément de la vaccination de la population. Si elle est le plus souvent provoquée par la bactérie Corynebacterium diphtheriae, des chercheurs de l’Institut Pasteur ont récemment identifié une nouvelle espèce bactérienne pouvant causer la maladie, qu’ils ont nommée Corynebacterium ramonii. Cette espèce était auparavant confondue avec une autre bactérie, C. ulcerans, qui provoque aussi la diphtérie. « Il ne s’agit donc pas d’une espèce émergente de corynébactérie », précise Sylvain Brisse, responsable de l’unité Biodiversité et épidémiologie des bactéries pathogènes et du Centre national de référence (CNR) de la diphtérie, à l’Institut Pasteur. « C’est une espèce nouvellement décrite, qui se distingue génétiquement de C. ulcerans, mais nous avons des archives d’infections par cette espèce qui remontent aux années 1950 ».
Mieux connaître les corynébactéries pour mieux les surveiller
Préciser la taxonomie des espèces bactériennes permet de mieux en assurer la surveillance. « Nous soupçonnons que cette espèce puisse se transmettre d’humain à humain, contrairement à C. ulcerans avec laquelle elle était confondue et qui est transmise par les animaux », explique Chiara Crestani, qui a mené les analyses de cette nouvelle espèce. Bien que cette bactérie soit rare, il est donc important de pouvoir l’identifier pour prévenir une potentielle émergence. Les chercheurs se montrent cependant rassurants : « la toxine diphtérique produite par C. ramonii est très proche de celle que vise le vaccin antidiphtérique, sa protection couvre donc aussi cette nouvelle espèce. » Pour les mêmes raisons, les scientifiques ont peu de raison de penser que l’infection par cette nouvelle bactérie entraîne des symptômes différents de ceux de la diphtérie habituelle, et elle ne semble pas non plus présenter de résistance aux antibiotiques.
Légende : Corynebacterium ramonii, une nouvelle espèce bactérienne pouvant causer la diphtérie ; auparavant considérée comme lignée (lineage) 2 de C. ulcerans. Il ne s’agit pas d’une espèce émergente de corynebactéries, elle est à l’origine d’infections au moins depuis les années 1950 mais elle était jusqu’ici confondue avec C. ulcerans dont elle est proche. - ©Institut Pasteur / Chiara Crestani
Un hommage à Gaston Ramon
Cette description d’une nouvelle espèce prolonge le travail déjà mené pour clarifier la taxonomie des corynébactéries : « Nous avions déjà distingué dans de précédents travaux les espèces C. rouxii et C. belfantii qui étaient auparavant confondues avec C. diphteriae », explique Sylvain Brisse.
Cette fois-ci, c’est l’occasion de rendre hommage à Gaston Ramon, chercheur à l’Institut Pasteur formé à l’École vétérinaire d’Alfort, qui a développé les vaccins contre la diphtérie et le tétanos dès 1923. Ces vaccins ont sauvé des millions de vie à partir des années 1950. Exactement 100 ans après ses travaux, l’Institut Pasteur poursuit ainsi sa mission de surveillance et de santé publique autour de la diphtérie, notamment grâce au Centre national de référence de la diphtérie.
Source : Corynebacterium ramonii sp. nov., a novel toxigenic member of the Corynebacterium diphtheriae species complex, Research in Microbiology, 14 septembre 2023