Peut-on ralentir le vieillissement et rajeunir le cerveau âgé ? Peut-on réparer un cerveau endommagé par les maladies neurodégénératives ? Ces questions, Lida Katsimpardi chercheuse en neuroscience s’y intéresse depuis maintenant une décennie. Elle a découvert que le sang jeune contient des protéines qui ont la capacité de rajeunir le cerveau âgé, et elle a identifié en laboratoire un de ces facteurs sanguins de jouvence. Aujourd’hui, en tant que chercheuse dans l’unité Perception et mémoire dirigée par Pierre-Marie Lledo, son objectif est d’arriver à décrypter ce phénomène étonnant, qui pourrait un jour, permettre d’envisager des stratégies thérapeutiques innovantes pour lutter contre les maladies neurodégénératives.
Enfant, Lida a passé beaucoup de temps dans le cabinet médical de son père, entourée de nombreux enfants, puisque qu’il exerçait la profession de médecin pédiatre-allergologue à Athènes. Si elle a envisagé dans ses premières années de devenir pompier pour sauver des vies, c’est finalement sa passion pour les sciences qui a eu raison d’elle.
Genèse d’une scientifique
C’est certainement aussi parce qu’elle a vécu la maladie d’Alzheimer de très près, dans son cercle familial. Après une scolarité suivie en Grèce, elle décide de partir pour la faculté des sciences de Montpellier, où ses parents, quelques années plus tôt, avaient eux-mêmes effectué leurs études doctorales. Ses fascinations scientifiques à la faculté se succèdent. Elle se passionne, dans un premier temps, pour la biologie du développement, c’est à dire comment se développe un être complexe à partir d’une seule cellule souche. Puis, dans le cadre du programme Erasmus, elle décide d’approfondir ses recherches sur une étape clé du développement, celle où certains gènes sont impliqués dans le développement du cerveau embryonnaire. Elle rejoint alors le département de neurogénétique de l’université de Mayence, en Allemagne. Ces nouvelles connaissances lui permettent de choisir quel sera le sujet à étudier pour la réalisation de sa thèse : identifier les gènes qui régulent les cellules souches et la neurogenèse dans le cerveau adulte, sujet qu’elle a développé à l’Institut Pasteur Hellénique, sous la tutelle de l’université de Montpellier.
Étudier le vieillissement et la neurogenèse
Cette fascination pour la régénérescence des cellules souches et des neurones ne va désormais plus la quitter. Elle décide d’entreprendre un post-doctorat dans le département Cellules souches et biologie régénérative à l’université de Harvard aux Etats-Unis. Son but est de développer des applications thérapeutiques sur la régénération du cerveau. Dans un premier temps, elle génère des neurones de la douleur à partir de cellules souches, puis elle identifie de nouvelles molécules susceptibles de diminuer la neurodégénérescence. Parallèlement, notre chercheuse se consacre à répondre à des questionnements qui lui tiennent à cœur : s’il est connu que le nombre de nos neurones diminue lors du vieillissement, est-il possible d’inverser ce processus ?
Une expérience étonnante va alors lui ouvrir un nouveau champ de recherche : en transférant des cellules sanguines d’un modèle expérimental animal jeune à un modèle plus âgé, elle constate un rajeunissement des tissus du modèle plus âgé. Le diamètre des vaisseaux sanguins ainsi que le flux sanguin augmentent. Les cellules souches neurales âgées renaissent et les fonctions cognitives s’en trouvent améliorées. Les molécules impliquées dans ce phénomène ont été identifiées, dont GDF11.
Ces résultats, publiés dans le journal Science, (Science, 9 mai 2014), ouvrent de nouvelles perspectives sur la compréhension des mécanismes de rajeunissement, dont celles du cerveau.
À partir de ces résultats, Lida a alors souhaité approfondir ses recherches en neurobiologie du vieillissement. Son choix s’est porté sur l’Institut Pasteur, pour sa multidisciplinarité, ses collaborations scientifiques à l’échelle internationale et aussi son engagement en santé publique. Depuis son arrivée, elle poursuit l’étude des facteurs sanguins de jouvence et des mécanismes de régénération du cerveau normal, âgé ou pathologique.
Les maladies neurodégénératives, et la maladie d’Alzheimer en particulier, sont en constante augmentation dans le monde. Le vieillissement et la longévité des populations rendent aujourd’hui ces recherches prioritaires, à tel point que l’Institut Pasteur en a fait un axe de recherche stratégique prioritaire dans son plan 2019-2023.
Lida nous recommande d’ailleurs quelques bonnes pratiques pour conserver un cerveau en pleine forme : adopter une alimentation saine et variée, pratiquer des activités physiques régulières car elles favorisent la neurogenèse et la vascularisation et par conséquent la possibilité de développement de nouveaux neurones.
Lida Katsimpardi chercheuse dans l'unité Perception et mémoire dirigée par Pierre-Marie Lledo
Faire fonctionner sa tête, fuir la routine et le stress autant que possible car ils ont des effets délétères. Le cerveau a une plasticité, il est capable de se modifier tout au long de la vie en fonction des expériences et de l’environnement dans lequel il évolue. Il est intimement lié à tout notre corps.
Lida Katsimpardi en quelques dates
2016 – aujourd’hui : chercheuse dans l’unité Perception et mémoire olfactive, dirigée par Pierre-Marie Lledo, Institut Pasteur, Paris, France.
2008 – 2015 : postdoctorat, département Cellules souches et biolologie régénérative, université de Harvard, États-Unis.
2004 – 2008 : doctorat, Institut Pasteur Hellénique et université de Montpellier, rôle de la molécule BM88/Cend1 dans la prolifération et la différenciation des précurseurs neuraux dérivés de la zone sous-ventriculaire de la souris adulte.