En analysant les échantillons bactériens issus de nourrissons atteints de coqueluche, des scientifiques du CNR de la coqueluche et autres bordetelloses ont mis en évidence que les formes les plus graves de la maladie étaient associées à des souches spécifiques, exprimant un antigène vaccinal clé. Cette découverte suggère que la vaccination de masse pourrait avoir favorisé l’évolution de la bactérie vers des formes moins virulentes et donc moins dangereuses.
Surnommée parfois “toux des 100 jours”, la coqueluche est une infection respiratoire hautement contagieuse, potentiellement grave chez le jeune nourrisson. Plusieurs facteurs peuvent expliquer en 2024 l'épidémie de coqueluche la plus importante depuis au moins 25 ans en France. Si la vaccination généralisée contre cette maladie a permis de drastiquement diminuer le nombre de cas observés, cette mesure préventive absolument essentielle est néanmoins une solution imparfaite. En effet, la protection apportée par la vaccination s’affaiblit avec le temps, nécessitant des rappels réguliers. Par ailleurs, depuis une dizaine d’année, les scientifiques du centre national de référence (CNR) de la coqueluche et autres bordetelloses surveillant la bactérie responsable de la coqueluche, Bordetella pertussis (B. pertussis), ont observé une augmentation des souches n’exprimant pas l’un des antigènes vaccinaux, la pertactine. Cela reflète une adaptation de l’agent pathogène à la vaccination généralisée avec les vaccins acellulaires : les souches ne produisant pas la pertactine échappent partiellement à la réponse immunitaire des personnes vaccinées et se transmettent plus efficacement que les souches ancestrales exprimant cet antigène.
La pertactine, une protéine associée aux formes graves de la coqueluche
Dans un récent travail coordonné par l’Institut Pasteur, des scientifiques du CNR de la coqueluche et autres bordetelloses, en collaboration avec leurs collègues pédiatres de plusieurs centres hospitaliers français, ont étudié dans quelle mesure les souches de B. pertussis exprimant encore la pertactine sont associées à la coqueluche maligne, la forme la plus grave de la maladie chez les nourrissons. Pour cela, ils ont analysé entre 2008 et 2019, les isolats bactériens retrouvés chez 361 enfants âgés de moins de six mois atteints de coqueluche.
“Nos recherches confirment que l’âge des nourrissons, la prématurité et l’absence de vaccination contre la coqueluche sont, indépendamment les uns des autres, des facteurs de risque de la coqueluche maligne. De plus, et c’est la nouveauté majeure de notre étude, nous montrons que les souches produisant encore la pertactine sont associées aux formes les plus graves de la coqueluche chez les nourrissons” détaille la Pr Julie Toubiana, directrice adjointe du CNR de la coqueluche et autres bordetelloses et chercheuse dans l’unité Biodiversité et épidémiologie des bactéries pathogènes.
Une bactérie moins virulente, grâce à la vaccination ?
Ces analyses suggèrent un autre rôle majeur de la vaccination. L'association entre les formes les plus graves de la coqueluche et la présence de pertactine suggère que la vaccination, en exerçant une pression sélective sur B. pertussis, favorise l’évolution de la bactérie vers des souches moins virulentes, dépourvues de pertactine. En d’autres termes, la vaccination généralisée pourrait réduire la gravité de la maladie et diminuer le risque de coqueluche grave chez les nourrissons.
Ces recherches, en montrant un avantage indirect de la vaccination, loin d’être négligeable, pourraient influencer les décisions de santé publique et améliorer les futures stratégies vaccinales contre la coqueluche.
Association between pertactin-producing Bordetella pertussis and fulminant pertussis in infants: a multicentre study in France, 2008-2019, Clinical Microbiology and Infection, 19 septembre 2024
Pauline Leroux1, y, Soraya Matczak1, y, Valerie Bouchez1, 2, Stevenn Volant3,Antoine Ouziel4, Elise Launay5, Albert Faye6, Valerie Rabier7, Jean Sarlangue8,Eric Jeziorski9, Zoha Maakaroun-Vermesse10, Fouad Madhi11, Didier Pinquier12,Mathie Lorrot13, Marie Pouletty14, Aymeric Cantais15, Etienne Javouhey 4, Fatima Aït Belghiti16, Sophie Guillot2, Carla Rodrigues2, Sylvain Brisse 1, 2, Jérémie F. Cohen 17, 18, Julie Toubiana 1, 2, 17,*
1Institut Pasteur, Université Paris Cité, Biodiversity and Epidemiology of Bacterial Pathogens, Paris, France
2National Reference Center for Whooping Cough and Other Bordetella Infections, Institut Pasteur, Paris, France
3Institut Pasteur, Université Paris Cité, Bioinformatics and Biostatistics Hub, Paris, France
4Department of Pediatric Emergency and Intensive Care Unit, Hospices Civils de Lyon, Lyon, France
5University Hospital Center of Nantes, Department of General Pediatrics and Pediatric Infectious Diseases, Nantes, France
6Department of General Pediatrics, Hôpital Robert Debré, APHP, Université Paris Cité, Paris, France
7Department of Internal Medicine and Infectious Diseases, Center of Saint-Brieuc, France
8Department of General Pediatrics, University Hospital Center of Bordeaux, Bordeaux, France
9Department of General Pediatrics, University Hospital Center of Montpellier, Montpellier, France
10Department of General Pediatrics, University Hospital Center of Tours, Tours, France
11Department of General Pediatrics, Centre Hospitalier Intercommunal Créteil, Université Paris Est, Créteil, France
12Neonatal and Pediatric Intensive Care Department, University Hospital Center Charles Nicolle, Rouen University, Rouen, France
13Department of General Pediatrics, Hôpital Armand-Trousseau, APHP, Université Paris Sorbonne, Paris, France
14Department of Pediatric Intensive Care Unit, Necker-Enfants Malades Hospital, APHP, Université Paris Cité, Paris, France
15Department of Pediatric Emergency, University Hospital Center of Saint Etienne, Saint Etienne, France
16Unite des Infections Respiratoires et Vaccination, Santé publique France, Saint Maurice, France
17Department of General Pediatrics and Pediatric Infectious Diseases, Hôpital Necker-Enfants Malades, APHP, Université Paris Cité, Paris, France
18Obstetrical, Perinatal and Pediatric Epidemiology Research Team, Center of Research in Epidemiology and Statistics, INSERM UMR 1153, Université Paris Cité, Paris, France
*Corresponding author
y These authors contributed equally to this work