Le ministère chargé de la santé a annoncé, le lundi 30 avril 2018, la surveillance renforcée du moustique tigre, Aedes albopictus, qui est actuellement présent dans 42 départements français, soit deux fois plus de départements qu’il y a deux ans. Quel danger représente ce moustique, vecteur de maladies telles que la dengue, le chikungunya ou le zika ?
La colonisation du territoire français par le moustique tigre (lire Qui est le "moustique tigre", ou Aedes albopictus ?) s’étend et concerne aujourd’hui 62 départements, comme l’a annoncé en avril la direction générale de la santé. 42 départements sont en vigilance rouge, 20 en vigilance orange (voir cartes ci-dessous). Le ministère chargé de la santé vient d’ailleurs d’indiquer, le 30 avril 2018, la surveillance renforcée du moustique tigre, pour ralentir sa progression et « limiter le risque d’importation et de circulation des virus dont il peut être le vecteur en métropole ».
Pourquoi Aedes albopictus gagne-t-il du terrain en France ?
Il y a plusieurs facteurs. D’une part Aedes albopictus est un colonisateur hors pair. Comme tous les moustiques, il se reproduit facilement et vite. Quand la femelle est mature et que la température ambiante est favorable à ses activités, elle s’accouple. Si comme le mâle, elle se nourrit de sucs d’origine végétale, pour se reproduire, elle a alors besoin de sang. On la dit hématophage. Une fois qu’elle a piqué un animal ou un homme, elle part en quête d’un habitat humide pour pondre ses œufs. Certains moustiques apprécient les grands espaces comme les bords de lacs ou les bras morts de grands fleuves, mais Aedes albopictus préfère déposer ses œufs dans des gîtes larvaires plus petits : un trou d’arbre, une soucoupe de pot de fleur, un pneu, etc. Les œufs vont alors progressivement éclore et donner des larves qui se transforment en nymphes puis en moustiques adultes.
L’absence d’eau peut donc leur nuire ?
Malheureusement non. Si pour certaines espèces, l’absence d’eau est fatale à leur descendance, Aedes albopictus sait s’en accommoder. En effet, ses œufs peuvent attendre en milieu sec sans éclore, pendant plusieurs mois. Un ou deux jours après leur mise en eau, ils éclosent et se développent selon un cycle normal qui dure de 10 à 15 jours. Enfin, une fois « adulte », le moustique va vivre de trois semaines à plusieurs mois. Sachant qu’une femelle pond tous les cinq jours 100 à 200 œufs, dont la moitié est des femelles, on comprend pourquoi il est un très bon colonisateur.
Les températures douces favorisent l’installation du moustique, mais augmentent-elles le risque de transmission de maladies ?
Oui, plus il fait chaud, plus les virus se multiplient vite. Les moustiques deviennent contagieux plus tôt. Les zones tropicales restent donc généralement plus exposées que les tempérées. Lorsqu’il fait chaud, les gens vivent aussi beaucoup dehors. En toute logique, ils sont plus en contact avec les moustiques qui sont actifs surtout le matin et à la tombée du jour. Les niveaux socio-économiques influent également. L’absence de services de voirie et de démoustication favorise leur expansion. Dans le même esprit, Aedes albopictus (tout comme Aedes aegypti, d’ailleurs) qui adore les petits recoins pour se reproduire, trouve dans les zones urbanisées mal entretenues de nombreux gîtes larvaires à sa disposition. Enfin, en présence d’une forte densité de population humaine et de fortes densités de moustiques, le risque de transmission s’amplifie.
Pourquoi Aedes albopictus n’entraîne-t-il pas systématiquement d’épidémie en Europe ?
En Europe, les conditions sont encore loin d’être favorables à une épidémie. Cependant, nous savons que le moustique tigre est désormais implanté dans la moitié de la France. Il nous faut donc être vigilants car nous sommes toujours un peu inquiets sur ce qu’il va se passer quand les œufs vont éclore dès les premières pluies du printemps.
Quelles sont les pistes envisagées pour se débarrasser de ces moustiques ?
Le principal problème est qu’Aedes albopictus (comme Aedes aegypti) est devenu résistant aux insecticides. Il faut donc explorer d’autres voies. L’une d’elles consiste à tuer les moustiques. Par exemple, on irradie les mâles afin que leurs spermatozoïdes soient déficients et que leur descendance ne soit plus viable. On peut aussi les modifier génétiquement et provoquer une dépendance à un antibiotique. Leur descendance étant aussi dépendante, elle s’éteindra faute d’antibiotique disponible dans leur milieu de vie naturel. Enfin, des moustiques porteurs d’une bactérie inoffensive pour l’homme qui empêche l’éclosion des œufs, sont évalués à petite échelle. La principale limite de toutes ces techniques est que la nature ayant horreur du vide, les populations de moustiques éliminés seront remplacées par d’autres. Par exemple, à la Réunion, Aedes aegypti a été éradiqué des villes, mais Aedes albopictus qui était cantonné jusque-là en forêt, a pris sa place.
C’est pourquoi, nous étudions un moyen de rendre les moustiques incapables de transmettre le virus. L’idée est de stimuler leur système immunitaire afin que les virus soient détruits avant qu’ils atteignent la salive, prêts à être injectés à l’homme lors de la piqure. Bien sûr, ils pourraient trouver la parade, mais en fait, c’est une course à l’armement qui s’est engagé entre le virus et le moustique.
Lire le dossier complet "Géopolitique du moustique"
Cartes de présence du moustique tigre (Aedes albopictus) en France métropolitaine
Le moustique tigre est essentiellement urbain. Son caractère anthropophile (qui aime les lieux habités par l’homme) explique qu’une fois installé dans une commune ou un département, il est pratiquement impossible de s’en débarrasser : les départements dans lesquels le moustique tigre est implanté et actif, c’est à dire durablement installé et se multipliant sont classés au niveau 1 du plan national anti-dissémination du chikungunya, de la dengue et du Zika. A ce jour, aucun département classé au niveau 1 n’est redescendu aux niveaux 0a ou 0b. Le niveau d’implantation du moustique tigre est déterminé par les experts des opérateurs publics de démoustication (OPD).
Situation en janvier 2018
Evolution de 2004 à 2017
Source : ministère chargé de la santé.
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