"Géopolitique du moustique" - Aller plus loin avec nos experts !
Après avoir exploré le coton, l’eau, le papier, Erik Orsenna, ambassadeur de l’Institut Pasteur s’attaque cette fois aux moustiques dans son nouveau livre, Géopolitique du moustique. L’occasion d’aller ici plus loin avec les chercheurs de l’Institut Pasteur pour comprendre les moustiques et les maladies qu’ils transmettent, les maladies dites « vectorielles ». Et de découvrir aussi quelques extraits du livre de notre ambassadeur.
« Quand ils nous vrombissent à l’oreille, ils ne se contentent pas de pourrir nos nuits, c’est une histoire qu’ils nous racontent : leur point de vue sur la mondialisation. Une histoire planétaire de frontières abolies, de mutations permanentes, de luttes pour survivre. L’histoire, surtout, d’un couple à trois : le moustique, le parasite et sa proie (nous, les vertébrés) », nous annonce Erik Orsenna, dans son livre Géopolitique du moustique, Petit précis de mondialisation IV, aux éditions Fayard, qui sort en librairie ce 3 avril 2017.
Suivant la trace des moustiques pour écrire ce livre, Erik Orsenna a voyagé dans certains des pays où sévissent les maladies que nous transmettent les moustiques. A ses voyages s’ajoutent des visites régulières à l’Institut Pasteur, à Paris. L’ambassadeur de l’Institut a ainsi rencontré Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs, mais aussi François Rodhain, grand entomologiste médical aujourd’hui professeur honoraire. Il s’est également rendu en Afrique, en Amérique et en Asie pour rencontrer Amadou Alpha Sall à l’Institut Pasteur de Dakar au Sénégal, Mirdad Kazandji, à l’Institut Pasteur de la Guyane (Cayenne), Didier Fontenille, à l’Institut Pasteur du Cambodge (Phnom Penh), et des confrères scientifiques comme Gilles Bœuf, professeur à l’Université Pierre-et-Marie-Curie, et Frédéric Simard du MIVEGEC (Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle) et ancien élève de Didier Fontenille. « Peu de gens sont plus passionnants à écouter », souligne Erik Orsenna. Grâce à eux, l’écrivain a tenté de comprendre les moustiques. Qui sont-ils ? Où sont-ils ? Comment s’en débarrasser ? Les experts de l’Institut Pasteur vous proposent ici d’en découvrir davantage notamment sur les moustiques Aedes, vecteurs de virus dangereux.
Plus d’une centaine de maladies transmises par des moustiques
Nombre des maladies transmissibles à l’origine d’un quart des décès dans le monde sont des maladies à transmission vectorielle (par un vecteur). Ce vecteur est un arthropode hématophage (insecte ou tique) qui assure la transmission de l’agent pathogène d’un hôte vertébré à un autre (l’homme…). Les moustiques sont les vecteurs les plus fréquents. « Plus d’une centaine de maladies sont transmises par des moustiques, telle que la dengue, qui affecte plus de 50 millions de personnes chaque année, ou encore le chikungunya. Ce sont des arbovirus, des virus transmis entre vertébrés par l’intermédiaire de la piqûre d’un vecteur hématophage », explique Anna-Bella Failloux.
Les maladies à transmission vectorielle provoquent près d’un million de décès par an. La plus sévère d’entre elles, le paludisme menace plus de la moitié de la population mondiale, mais sévit principalement en Afrique subsaharienne. Quant à la dengue, elle est présente sur la plupart des continents. Sans compter les maladies à transmission vectorielle plus localisées géographiquement comme la maladie de Chagas, les leishmanioses, la maladie du sommeil, la maladie de Lyme…
La ré-émergence d'une maladie…
L’incidence de la dengue progresse actuellement de manière très importante, et l’inscrit aujourd’hui aux rangs des maladies dites « ré-émergentes ». L’OMS estime à 50 millions le nombre de cas annuels, dont 500 000 cas de dengue hémorragique qui sont mortels dans plus de 20 % des cas. La dengue aussi appelée « grippe tropicale », est une maladie virale transmise à l’homme par les moustiques Aedes. Il existe quatre souches virales, DEN-1, DEN-2, DEN-3 et DEN-4, très différentes les unes des autres.
La dengue « classique » se manifeste tout d’abord par une forte fièvre, des maux de tête, des nausées, des vomissements, des douleurs articulaires et musculaires et une éruption cutanée ressemblant à la rougeole. Viennent ensuite des hémorragies conjonctivales, des saignements de nez ou des ecchymoses. Elle est très invalidante, mais on en guérit. En revanche, la dengue hémorragique, environ 1 % des cas, est très sévère. Outre la fièvre, les malades souffrent d’hémorragies multiples, gastro-intestinales, cutanées et cérébrales. Chez les enfants de moins de quinze ans notamment, un état de choc hypovolémique – une diminution rapide du volume sanguin – peut entraîner leur décès. On ne sait pas précisément pourquoi certains malades développent la forme hémorragique. Cependant, si on a été infecté par une des quatre souches du virus, on est protégé pour celle-ci toute sa vie, mais pas pour les autres. Or, il semblerait que les infections successives favorisent le risque de développer une dengue hémorragique.
Au niveau épidémiologique, trois milliards et demi de personnes vivent dans des zones à risque. Initialement présente dans les zones tropicales et subtropicales du monde, la dengue a désormais touché l’Europe où les deux premiers cas autochtones ont été recensés en 2010. En 2014, le moustique vecteur était implanté dans 18 départements français. Le risque de propagation sera réel si des personnes infectées arrivent en France métropolitaine.
Découvrez le programme Defeat Dengue de l'Institut Pasteur.
A l'Institut Pasteur
La dengue est une maladie très étudiée à l’Institut Pasteur. Plusieurs équipes travaillent sur des thématiques complémentaires et pluridisciplinaires dans les domaines de la recherche fondamentale comme appliquée. Ces équipes* sont rassemblées en un groupe de travail transversal, déployant une stratégie sur les différents aspects de l’épidémie dans le but de la stopper. Il s’agit de développer conjointement des outils thérapeutiques innovants : un nouveau candidat vaccin, des marqueurs de pronostic, et une stratégie de contrôle des vecteurs du virus.
*Équipes dirigées par Anavaj Sakuntabhai, Frédéric Tangy, Anna-Bella Failloux, Valérie Caro et Hugues Bédouelle.
3 546 espèces de moustiques sur Terre
Saviez-vous que pas moins de 3 546 espèces de moustiques existent sur Terre ? Une centaine seulement pique l’homme. Et parmi elles, deux espèces qui se distinguent par leur capacité à véhiculer des arbovirus, responsable de maladies comme la fièvre jaune, la dengue, le chikungunya et la maladie à virus Zika, qui tuent environ 60 000 personnes chaque année. Ce sont les moustiques Aedes, Aedes albopictus (ou moustique tigre) et son alter ego Aedes aegypti. Plus discrets que leurs cousins les anophèles, vecteurs du paludisme (435 000 morts en 2015), ils n’en sont pas moins inquiétants et sont dorénavant présents un peu partout dans le monde, y compris sur le territoire français, Aedes albopictus en métropole et Aedes aegypti dans les territoires et départements d’Outre-Mer du continent américain.
« Mais, dans notre imaginaire, c’est le Zika qui nous fait le plus trembler. Car deux de ses atteintes sont accompagnées d’images d’épouvante.
– La paralysie progressive et générale avec le syndrome de Guillain-Barré.
– La tête à jamais petite des enfants nés de femmes contaminées par le virus pendant leur grossesse. »
Erik Orsenna, Géopolitique du moustique, Ed. Fayard.
Moustiques et autres insectes en images
Aedes albopictus (moustique tigre), Aedes aegypti, mais aussi anophèles, mouches tsé-tsé et autres punaises... Une sélection d'images d'entomologie.
endif; ?>Les maladies à transmission vectorielle figurent parmi les principales causes de morbidité et de mortalité chez l’homme et les animaux.
Est-ce que le virus Zika est plus virulent aujourd’hui qu’hier ?
A priori non. C’est une question d’ampleur de l’épidémie. Plus il y a de gens malades en même temps, plus le nombre de cas exceptionnels augmente. En outre, ces manifestations extrêmes touchent les bébés et les femmes enceintes, ce qui accroit la pression médiatique. Ainsi, les 4 000 cas de microcéphalie qu’on attribue à Zika sont dramatiques. Il faut par ailleurs rappeler les 30 000 à 50 000 décès dus à la dengue.
Alors que les qu’Aedes albopictus et Aedes aegypti gagnent du terrain, pourquoi n’entraînent-ils pas systématiquement d’épidémie, notamment en Europe ?
Il y a plusieurs facteurs. D’une part, plus il fait chaud, plus les virus se multiplient vite. Les moustiques deviennent plus contagieux. Les zones tropicales sont donc plus exposées que les tempérées. Par ailleurs, dans ces endroits, les gens vivent beaucoup dehors. En toute logique, ils sont plus en contact avec les moustiques qui sont actifs surtout le matin et à la tombée du jour. Les niveaux socio-économiques influent également. L’absence de services de démoustication favorise leur expansion. Dans le même esprit, Albopictus et Aegypti qui adorent les petits recoins pour se reproduire, trouvent dans les zones urbanisées mal entretenues de nombreux gîtes larvaires. Enfin, plus la densité de population est importante, plus la transmission est rapide.
En Europe, les conditions ne sont pas favorables à une épidémie. Cependant, nous savons que le moustique tigre est implanté dans le sud de la France. Il nous faut donc être vigilants car nous sommes un peu inquiets sur ce qu’il va se passer quand les œufs vont éclore vers le mois de mai.
Quelles sont les pistes envisagées pour se débarrasser de ces moustiques ?
Le principal problème est qu’Aedes albopictus et Aedes aegypti sont devenus résistants aux insecticides. Il faut donc explorer d’autres voies. L’une d’elles consiste à tuer les moustiques. Par exemple, on irradie les mâles afin que leurs spermatozoïdes soient déficients et que leur descendance ne soit plus viable. On peut aussi les modifier génétiquement et provoquer une dépendance à un antibiotique. Leur descendance étant aussi dépendante, elle s’éteindra faute d’antibiotique disponible dans leur milieu de vie. Enfin, des moustiques porteurs d’une bactérie inoffensive pour l’homme qui empêche l’éclosion des œufs, sont évalués à petite échelle. La principale limite de toutes ces techniques est que la nature ayant horreur du vide, les populations tuées seront remplacées par d’autres. Par exemple, à la Réunion, Aegypti a été éradiqué des villes, mais Albopictus qui était cantonné jusque-là en forêt, a pris sa place.
C’est pourquoi, nous étudions un moyen de rendre les moustiques incapables de transmettre le virus. L’idée est de stimuler leur système immunitaire afin que les virus soient détruits avant qu’ils atteignent la salive et les cellules reproductrices. Bien sûr, ils pourraient trouver la parade, mais en fait, c’est une course à l’armement entre le virus et le moustique.
Une reproduction rapide et adaptée aux situations défavorables
Comme tous les moustiques, Albopictus et Aegypti se reproduisent facilement et vite. Quand la femelle est mature et que la température est favorable, elle s’accouple. Si comme le mâle, elle se nourrit de sucs d’origine végétale, pour se reproduire, elle a alors besoin de sang. On la dit hématophage. Une fois qu’elle a piqué un animal ou un homme, elle part en quête d’un habitat humide pour ses œufs. Certains moustiques apprécient les grands espaces comme les bords de lacs ou de grands fleuves, mais Albopictus et Aegypti préfèrent déposer leurs œufs dans des gîtes larvaires plus petits : un trou d’arbre, une soucoupe de pot de fleur, un pneu, etc. Les œufs vont alors progressivement se transformer en larves, en nymphes puis en moustiques ; un développement qui n’est possible que s’ils sont plongés dans l’eau. Or, si pour certaines espèces, l’absence d’eau est fatale à leur descendance, Albopictus et Aegypti savent s’en accommoder. En effet, leurs œufs peuvent attendre en milieu sec sans éclore, pendant plusieurs mois. Un ou deux jours après le retour de l’eau, ils reprennent leur cycle normal qui dure de 10 à 15 jours. Enfin, une fois « adulte », le moustique va vivre de trois semaines à trois mois. Sachant qu’une femelle pond tous les cinq jours 100 à 200 œufs, dont la moitié est des femelles, on comprend pourquoi Albopictus et Aegypti sont des colonisateurs hors pair.
L’entomologie médicale : une longue histoire
L’entomologie médicale et vétérinaire est une science holistique. Très tôt, dans l’histoire des sociétés humaines, l’homme a eu conscience d’un lien entre insectes, maladies et bien-être. Héritiers d’Aristote, les entomologistes du 21e siècle doivent savoir replacer, et même repenser, le « vecteur » dans ses environnements historiques, sanitaires, socio-économiques, environnementaux, et mobiliser de nombreuses disciplines, complémentaires, de la taxonomie à la santé publique.
Par Didier Fontenille, directeur de recherche IRD, directeur de l’Institut Pasteur du Cambodge, Vincent Robert, directeur de recherche IRD, et Gérard Duvallet, professeur de l’université Montpellier III.
Un MOOC Entomologie médicale à l’Institut Pasteur
Fidèle à sa mission de transmission de savoirs, l’Institut Pasteur dispense des formations comme ce MOOC Entomologie médicale qui s’intéresse aux insectes et arthropodes qui affectent la santé de l’être humain ainsi qu’aux maladies associées (paludisme, dengue, Zika…). Ce MOOC est coordonné par deux entomologistes médicaux, Anna-Bella Failloux de l’Institut Pasteur, et Vincent Robert de l’Institut de Recherche pour le Développement, en partenariat avec le CNAM. Le dernier MOOC vient d’avoir lieu en février-mars 2017.
Vous êtes curieux ? Vous souhaitez approfondir vos connaissances sur les moustiques ? Découvrez les vidéos de ce MOOC sur la chaine Youtube de l’Institut Pasteur ; pensez à activer la fonction « sous-titres » dans votre player.
Des moustiques grands voyageurs
« Débarquant dans les plantations de coton d’Amérique du Nord, dans les champs de canne à sucre des Caraïbes et du Brésil, les Aedes aegypti se sont adaptés à des milieux différents. Les Aedes albopictus ont quitté bien plus tard l’Asie de leur naissance, sans doute vers 1980, lorsqu’un stock de vieux pneus s’est retrouvé quelque part au sud des États-Unis, Texas ou Nouveau-Mexique. »
Erik Orsenna, Géopolitique du moustique, Ed. Fayard.
À l’origine, Aedes aegypti résidait dans la forêt africaine et Aedes albopictus en Asie. Pour leur reproduction, les femelles se nourrissaient alors exclusivement de sang animal, surtout celui des singes, jusqu’à ce que l’homme pénètre leur habitat. Cette intrusion les a poussées à s’adapter génétiquement. Elles sont devenues en partie anthropophiles. Puis la déforestation a entraîné leur mutation. Face à la réduction de leur habitat et de leurs sources de nourriture, les moustiques ont gagné les villes. Certaines lignées d’Aedes aegypti sont devenues exclusivement anthropophiles, tandis qu’Aedes albopictus a conservé des goûts plus variés. Enfin, les échanges internationaux et la capacité de leurs œufs à patienter au sec ont favorisé leur dispersion sur l’ensemble du globe. Aegypti a gagné tout d’abord l’Asie et l’Amérique du Sud, alors qu’Albopictus a fait le chemin inverse. Aujourd’hui, tous deux colonisent également l’Europe grâce notamment à l’absence de services de démoustication dans certains pays. Albopictus, présent dans le sud de la France, tend à remonter vers le nord tandis qu’Aegypti se déploie vers l’est depuis la Turquie et la Géorgie.
« Croit-il me rassurer, le directeur Didier [Fontenille, NDLR], en m’affirmant qu’en cas de naufrage nous ne risquons rien ? Aucun cas de bilharziose n’a jamais été constaté dans les parages. Quoi qu’il en soit, quelqu’un nous a protégés de la noyade, les esprits ou le logo Institut Pasteur arboré sur la portière de notre 4×4 ? »
Erik Orsenna, Géopolitique du moustique, Ed. Fayard.
Des virus adaptés à leurs hôtes
Lors de leurs différentes migrations, les moustiques Albopictus et Aegypti ne voyagent pas à vide et sont potentiellement porteurs de virus. En effet, quand une femelle Albopictus ou Aegypti pique un singe ou un homme infecté par un virus, elle ingère ce dernier. S’il s’agit du virus HIV ou celui de la grippe, elle le digère et le virus disparaît. En revanche, pour le virus Zika, celui de la dengue, du chikungunya ou de la fièvre jaune, un programme génétique leur permet de se protéger du système immunitaire des moustiques Aedes et de quitter leur estomac. Ils se répandent alors dans tout l’organisme et atteignent notamment la salive et les cellules reproductrices, ce qui leur offre deux voies de propagation. D’une part, quand elle pique un nouvel animal ou un homme, la femelle lui transmet le virus via sa salive. D’autre part, à chacune de ses pontes, un peu moins de 1 % des œufs seront porteurs du virus. En outre, les chercheurs ont constaté qu’un même moustique peut être porteur de plusieurs types de virus, par exemple la dengue et le chikungunya, et peut les transmettre ensemble lors d’une même piqûre. Enfin, ces virus persistent dans les moustiques toute leur vie.
Face à ces redoutables vecteurs, la prévention et la lutte s’appuient, d’une part sur la réduction du nombre des moustiques à la source, et d’autre part sur la recherche de vaccins et de produits diagnostics. C’est exactement l’arsenal déployé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) contre le virus Zika dans le cadre d’une riposte stratégique mondiale (voir aussi l’actu récente La modélisation pour suivre et anticiper l’épidémie de Zika en Martinique). Vu la capacité d’Aedes albopictus et d’Aedes aegypti à se propager et à résister à la démoustication traditionnelle, les scientifiques se mobilisent pour contrer les effets d’un virus dont on ne mesure pas encore toute la nocivité.
Le Chikungunya, une infection très invalidante
Le chikungunya ne tue pas, mais il handicape et peut entraîner des séquelles. Longtemps resté discret, ces dernières années, les épidémies se multiplient alors que les moustiques qui le transmettent se propagent.
Le virus chikungunya est un virus de la famille des Togaviridae, transmis par les moustiques Aedes albopictus et Aedes aegypti. Le nom de “chikungunya” vient de la langue Makondée, parlée en Tanzanie et au Mozambique, qui signifie “qui marche courbé en avant”, en référence aux symptômes de la maladie.
Et pour cause. Certes, souvent, l’infection peut passer inaperçue. Mais quand ce n’est pas le cas, la maladie est très handicapante. Après un délai d’incubation de 2 à 10 jours, surviennent de la fièvre, des atteintes au niveau des articulations des poignets, des doigts, des chevilles, des pieds, des genoux et plus rarement, des hanches et des épaules. À cela s’ajoutent des douleurs musculaires importantes, une éruption cutanée au niveau du tronc et des membres, une inflammation au niveau cervical et une conjonctivite. La plupart des symptômes disparaissent au bout de quelques jours. Cependant, les atteintes articulaires qui sont très invalidantes peuvent persister plusieurs semaines, voire se manifester de manière chronique durant des années chez certains malades.
Depuis le début des années 2000, le chikungunya touche plusieurs millions de personnes tous les ans.
En 2007, la transmission de la maladie a été enregistrée pour la première fois en Europe, au nord-est de l’Italie.
A l'Institut Pasteur
La riposte de l’Institut Pasteur face au chikungunya, dès le début de l’épidémie en 2005, illustre les capacités de mobilisation et la réactivité des chercheurs. Dès cette date, l’Institut Pasteur a lancé un vaste programme de recherches sur le virus chikungunya. Aujourd’hui, une dizaine d’équipes* se consacrent toujours à l’étude de la maladie. Ces équipes étudient entre autres les mécanismes d’évasion du virus chikungunya aux mécanismes de défense anti-virale de la cellule hôte, l’aptitude des moustiques à transmettre la maladie du chikungunya à l’homme, ainsi qu’un outil de diagnostic moléculaire. Parallèlement, un candidat-vaccin contre le virus chikungunya est en cours d’évaluation.
* Équipes dirigées par Philippe Desprès, Frédéric Tangy, Anna-Bella Failloux
Une Task Force pour répondre aux épidémies comme Zika
Les maladies infectieuses émergentes et réémergentes constituent une menace de santé publique, à l’image du SRAS en 2003, de la grippe pandémique H1N1pdm09 en 2009, du MERS-CoV en 2012, d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2013 et, actuellement, de Zika sur le continent américain. Les déplacements fréquents et l’interdépendance économique mondiale croissante n’ont fait qu’ajouter à la complexité de l’endiguement de ces menaces. L’Outbreak Investigation Task Force est la réponse de l’Institut Pasteur face à ces épidémies de maladies infectieuses émergentes et réémergentes.
Par Arnaud Fontanet, directeur de Center for Global Health (CGH).
La fièvre jaune toujours active
©Institut Pasteur/Rima Benferhat-Bayoud et Jean-Marc Panaud
La fièvre jaune, due au virus amaril, est une maladie hémorragique virale aiguë transmise par des moustiques de type Aedes. Le terme « jaune » fait référence à la jaunisse présentée par certains patients. Malgré la disponibilité d’un vaccin depuis 1932, la fièvre jaune continue de sévir et de tuer au XXIe siècle. On estime chaque année à 200 000 le nombre de cas de fièvre jaune et à 30 000 le nombre de décès dus à cette maladie dans le monde.
La maladie n’est pas systématiquement sévère. Après une période d’incubation d’une semaine, elle débute avec de la fièvre, des frissons, des douleurs musculaires et des maux de tête. Les symptômes sont ceux d’une grippe, de la dengue ou du paludisme, ce qui rend son diagnostic délicat. Généralement, les malades vont mieux au bout de trois ou quatre jours.
Cependant, selon l’OMS, 15 % d’entre eux développent, dans la foulée de cette rémission, une forme beaucoup plus sévère. Outre une très forte fièvre, les malades souffrent alors de vomissements, de saignements, d’un ictère qui a donné son nom à la pathologie, et de troubles rénaux. La moitié d’entre eux décèdent dans les 10 à 14 jours après une phase de délire, de convulsions et un coma. Le repos, l’administration de médicaments visant à limiter la fièvre, les vomissements et la douleur, ainsi que la réhydratation sont les seules armes pour combattre la maladie. La vaccination est la principale mesure de prévention de la fièvre jaune (voir l’actu récente Fièvre jaune : la modélisation pour optimiser l’utilisation des stocks de vaccins). Le vaccin antiamaril est sûr, d’un prix abordable et très efficace. Une dose unique suffit à conférer une protection à vie contre la maladie. L’Institut Pasteur de Dakar produit à lui seul l’ensemble des doses dont l’OMS a besoin pour l’Afrique.
Aujourd’hui, le virus de la fièvre jaune est endémique dans 47 pays d’Amérique et d’Afrique où vivent 900 millions d’habitants. La surveillance associée aux campagnes massives de vaccination – préventives et dès qu’un malade est diagnostiqué – limitent les épidémies. Entre 2007 et 2014, 14 pays africains ont entamé ou mené à bien des campagnes préventives de vaccination antiamarile.
A l'Institut Pasteur
Trois unités de l’Institut Pasteur sont particulièrement impliquées dans les recherches sur la fièvre jaune : les unités Interactions Moléculaires Flavivirus-Hôtes (dirigée par Philippe Desprès), Immunobiologie des systèmes dendritiques (dirigée par Matthew Albert) et Virologie structurale (dirigée par Félix Rey). Le virus fait aussi l’objet de travaux de recherche au sein du Réseau International des Instituts Pasteur, et particulièrement à l’Institut Pasteur de Dakar, au Sénégal.
Genitalia avec forceps de moustique Culex Pipiens mâle vue en microscopie électronique à balayage. Image colorisée. Vecteur West Nile.
©Institut Pasteur/Christine Schmitt, Plate-Forme Microscopie Ultrastructurale - Anna-Bella Failloux Laboratoire Arbovirus et Insectes Vecteurs - Colorisation Jean-Marc Panaud.
La rage au Cambodge
Dans son voyage autour du monde pour mieux comprendre les moustiques, et écrire son livre Géopolitique du moustique (Ed. Fayard), Erik Orsenna s’est arrêté au Cambodge. A Phnom Penh, il a visité l’Institut Pasteur du Cambodge. L’occasion pour lui de découvrir que, outre les maladies vectorielles, une maladie oubliée comme la rage continue de sévir là-bas. Près de 600 000 morsures graves sont causées par des chiens chaque année dans la population cambodgienne… Le point sur la rage au Cambodge par Didier Fontenille, qui dirige cet institut du Réseau international des instituts Pasteur.
La rage au Cambodge, par Didier Fontenille, directeur de l’Institut Pasteur du Cambodge.
La Géopolitique du moustique selon Erik Orsenna
Erik Orsenna, romancier et académicien français, ambassadeur de l’Institut Pasteur, publie son nouveau livre Géopolitique du moustique, Petit précis de mondialisation IV, aux éditions Fayard, en librairie dès le 3 avril 2017.
Erik Orsenna.