Le système immunitaire maternel régule la lactation en différenciant la glande mammaire pendant la grossesse. Une population spécifique de lymphocytes favorise la production et l’éjection du lait, améliorant ainsi la santé des nouveau-nés. Cette découverte met en lumière l’importance du statut immunitaire maternel et ouvre de nouvelles perspectives pour traiter les défis liés à la lactation. L’étude a été menée par une équipe du NIAID (NIH, États-Unis) alors qu’elle était dirigée par le Pr. Yasmine Belkaid, aujourd’hui directrice générale de l’Institut Pasteur (Paris).
Des scientifiques viennent de faire une découverte majeure autour de la régulation de la lactation. L’étude montre que le système immunitaire maternel joue un rôle clé dans la différenciation de la glande mammaire (l’organe responsable de la sécrétion de lait) au cours de la grossesse, permettant ainsi une lactation et une croissance des nouveau-nés optimales.
Ce travail a été porté et financé par le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID, NIH, Bethesda, États-Unis), dans le laboratoire dirige par le Pr. Yasmine Belkaid, aujourd’hui directrice générale de l’Institut Pasteur (Paris, France).
Mieux comprendre les mécanismes de la lactation
La grossesse représente un état physiologique unique qui requiert un remodelage majeur de l’organisme pour soutenir le développement du fœtus. Des ajustements métaboliques sont ainsi nécessaires pour assurer un apport énergétique adéquat pour la croissance du fœtus, la maintenance de l’homéostasie maternelle – processus par lequel l’organisme de la mère maintient une stabilité interne malgré les changements externes – et également la préparation à la lactation. En effet, au cours de la grossesse, les glandes mammaires subissent un remodelage massif pour devenir un organe sécréteur de lait et répondre ainsi aux besoins nutritionnels du nouveau-né dès la naissance.
La lactation est un processus crucial qui garantit que les nouveau-nés reçoivent la nutrition et la protection immunitaire dont ils ont besoin pour se développer sainement. Jusqu'à présent, les mécanismes précis régulant ce développement n'étaient pas entièrement compris.
Le système immunitaire maternel régule la différenciation de la glande mammaire pendant la grossesse
Une étude a été menée récemment par le Dan Corral (PhD), chercheur post-doctorant dans le laboratoire du Pr Yasmine Belkaid au NIAID (NIH, Bethesda). Cette étude montre que pour la première fois que ce processus de développement de la glande mammaire pendant la grossesse est régulé par le système immunitaire maternel, qui favorise une lactation optimale et donc la croissance des nouveau-nés. L’équipe a identifié des lymphocytes dits non-conventionnels, c’est-à-dire des cellules du système immunitaire qui possèdent des caractéristiques ou des fonctions des lymphocytes T et B habituels. Ces lymphocytes non-conventionnels s’accumulent et se différencient dans la glande mammaire au cours de la grossesse en étroite interaction avec les cellules sécrétrices de lait et les cellules contractiles permettant l’éjection du lait.
Les chercheurs ont identifié que cette population de cellules est issue d’un précurseur thymique auto-réactif1, un autre type de cellule immunitaire enrichi dans le thymus (organe responsable du développement des lymphocytes T) et migrant dans la glande mammaire au cours de la grossesse. Les chercheurs du NIAID ont ainsi montré que la présence de lymphocytes non-conventionnels est suffisante pour induire le développement de la glande mammaire, favorisant la différenciation des cellules sécrétrices de lait et améliorant la contraction des cellules mammaires contractiles permettant une production de lait accrue. En outre, une population similaire a également été identifiée dans des échantillons de lait maternel humain, suggérant que ces cellules pourraient être conservée dans toutes les espèces de mammifères.
Comprendre la vulnérabilité aux inflammations, ou les retards dans la production de lait…
Le travail de Dan Corral et Yasmine Belkaid révèle que la lactation optimale dépend également de l'immunité maternelle met en évidence une vulnérabilité potentielle face au statut immunitaire maternel et aux défis inflammatoires. Certaines mères connaissent des retards dans la production de lait ou même son absence, ce qui peut entraîner des difficultés dans l'allaitement et avoir un impact sur la santé de l'enfant.
Il reste à déterminer dans quelle mesure les facteurs environnementaux, tels que l'alimentation, les infections, ou bien des immunodéficiences héréditaires ont un impact sur la lactogenèse.
Source
Mammary intraepithelial lymphocytes promote lactogenesis and offspring fitness, Cell, 14 février 2025.
doi.org/10.1016/j.cell.2025.01.028