Les cellules Natural Killer (NK) constituent un type unique de cellules immunitaires, connues pour jouer un rôle important dans la protection contre les cellules tumorales et les virus. On sait que les cellules NK possèdent des propriétés de mémoire immunitaire, mais leur rôle à long-terme après une inflammation majeure reste inconnu. Dans de récents travaux, des chercheurs de l’Institut Pasteur ont mis en lumière les mécanismes qui assurent aux cellules NK une réponse plus forte lors d’un deuxième épisode inflammatoire. Cette découverte ouvre la voie à de potentielles stratégies thérapeutiques pour restaurer une fonction immunitaire affaiblie.
L’inflammation systémique est associée à de nombreuses situations cliniques comme la traumatologie, les chocs hémorragiques, les brûlures graves, l’arrêt cardiaque réanimé ou la septicémie, tous nécessitant des soins intensifs (lire notre fiche maladie sur la septicémie/le sepsis). Il s’agit là d’évènements potentiellement mortels. Cependant, même lorsque les patients survivent, les conséquences à long terme sur la qualité de la vie sont notables. Parmi les effets à court et long terme, des études ont démontré que le système immunitaire est sévèrement affecté, ce qui conduit à un état qui peut prédisposer à de futures infections.
La réponse des cellules NK à une septicémie
Les cellules Natural Killer, ou NK, jouent un rôle unique dans l’immunité dite innée. Cette « immunité innée » est le nom donné à la réaction rapide de défense à une première rencontre avec un agent infectieux (bactérie, virus, champignon…) pour éventuellement l’éliminer. L’étude des cellules NK constitue une piste de recherche intéressante en immunothérapie, une thérapie visant à mobiliser les défenses immunitaires d’un patient contre sa maladie. En utilisant un modèle animal d’inflammation systémique, les chercheurs se sont intéressés à la réponse à long terme des cellules NK à la suite d’un événement retrouvé lors d’une septicémie par exemple. « Nous avons constaté que les cellules NK peuvent, "se souvenir" de l’inflammation systémique en acquérant des réponses semblables à celles d’une mémoire immunitaire » explique Mélanie Hamon, responsable du groupe à 5 ans* Chromatine et infection de l’Institut Pasteur. En effet, lors d’une stimulation secondaire, les cellules NK répondent plus fortement que lors d’une stimulation primaire. « De plus, nous avons montré que des cellules NK mémoires peuvent sauver les modèles animaux d’une infection à E. coli, par ailleurs mortelle », poursuit Mélanie Hamon.
*Groupe à 5 ans ou G5 : groupe de recherche destiné à des jeunes scientifiques, créé pour cinq ans.
Un premier pas vers une piste thérapeutique
Les chercheurs ont aussi identifié un nouveau mécanisme de la mémoire des cellules NK. Il s’avère que les cellules NK peuvent « se souvenir » d’une infection passée, en modifiant la structure de leur ADN au niveau des gènes qui s’expriment plus fortement au cours de la réponse mémoire. Les chercheurs ont découvert une modification spécifique de certaines protéines au niveau de régions régulatrices appelées enhancer, qui n’apparaît que dans les cellules NK mémoires. Cette modification peut être ciblée par un composé chimique ce qui a pour effet d’effacer la mémoire. « Nos résultats montrent que le système immunitaire n’est pas seulement réprimé après une inflammation systémique, mais qu’il peut réagir avec une fonction accrue au niveau des cellules NK. De plus, nous montrons que nous avons la capacité de moduler cette réponse en utilisant des composés chimiques », explique Mélanie Hamon. Cette propriété pourrait être exploitée pour restaurer une fonction immunitaire affaiblie après une septicémie ou toute autres agressions majeures.
Source
H3K4me1 supports memory-like NK cells induced by systemic inflammation, Cell Reports, 17 décembre 2019
Orhan Rasid1,2, Christine Chevalier1, Tiphaine Marie-Noëlle Camarasa1,3, Catherine Fitting2, Jean-Marc Cavaillon2, Mélanie Anne Hamon1
1 G5 Chromatine et Infection, Institut Pasteur, Paris, France
2 Unité Cytokines & Inflammation, Institut Pasteur, Paris, France
3 Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris, France