Les aptamères sont des molécules d’ADN ou d’ARN qui peuvent se lier à des molécules cibles avec une grande affinité et/ou spécificité. Au vu de leurs propriétés, ces molécules présentent de nombreux avantages pour le diagnostic, la biodétection, ou encore la nanotechnologie. Les aptamères présentent toutefois des limites car ils sont constitués d’acides nucléiques naturels. Ils sont par exemple rapidement dégradés lorsqu’ils sont directement injectés chez des patients et peinent aussi à se lier ou distinguer certaines cibles en raison de leur relativement faible diversité chimique. Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont réussi à améliorer les propriétés de ces aptamères en utilisant des techniques courantes en chimie médicinales.
Les aptamères sont, en quelque sorte, des analogues d’anticorps entièrement constitués d’acides nucléiques, c’est-à-dire, d’ADN ou d’ARN. Ces structures peuvent alors former des complexes avec des cibles protéiques de manière spécifique, leur conférant diverses applications. Cependant, les aptamères présentent certaines limites, du fait de leur composition naturelle. L’introduction de modifications chimiques permet de pallier certains de ces inconvénients. Des chercheurs de l’unité Chimie bio-organique des acides nucléiques à l’Institut Pasteur, en collaboration avec la plateforme de cristallographie (Centre de Ressources et de Recherches Technologiques) ont pour la première fois utilisé des modifications chimiques totalement absentes du vivant mais courantes en chimie médicinale afin d’améliorer les propriétés des aptamères.
L’exemple du paludisme pour éclairer la compréhension des aptamères
« Nous avons utilisé une modification chimique appelée cubane pour isoler des aptamères pouvant se lier à une protéine qui est utilisée comme biomarqueur pour la détection du paludisme » explique Marcel Hollenstein, responsable de l’unité Chimie bio-organique des acides nucléiques à l’Institut Pasteur. Le paludisme est transmise par un parasite du genre Plasmodium dont quatre sont spécifiques de l’Homme. L’identification précise des espèces de plasmodium notamment de P. falciparum (la plus virulente) et de P. vivax (forme subaiguë et chronique) demeure difficile.
« L’aptamère que nous avons pu isoler se lie spécifiquement, et ceci uniquement grâce à la présence de cette modification chimique, à la protéine de P. vivax utilisée pour sa détection. Nous avons pu démontrer l’utilité de cet aptamère pour distinguer P. vivax de P. falciparum dans des tests similaires à ceux utilisés en clinique » poursuit Marcel Hollenstein.
Outre le grand potentiel de cet aptamère modifié pour la détection des espèces de plasmodium, les chercheurs ont également pu démontrer que l’introduction de cette modification chimique permettait à cet aptamère d’effectuer de nouvelles interactions avec les protéines. En combinant des méthodes de chimie médicinale et de biologie moléculaire, ils ont réussi à identifier des aptamères capables de reconnaître des espèces de plasmodium en utilisant de nouveaux mécanismes d’interaction. Cette découverte ouvre la voie au développement potentiel de nouveaux tests diagnostics.
« Cette approche pourra être développée plus globalement pour identifier des aptamères qui, munis d’autres modifications chimiques utilisées en chimie médicinale, pourront augmenter leur spécificité » conclut Marcel Hollenstein.
Source
Evolution of abiotic cubane chemistries in a nucleic acid aptamer allows selective recognition of a malaria biomarker, PNAS, 6 juillet 2020
Yee-Wai Cheung1,5, Pascal Röthlisberger2,5, Ariel E. Mechaly3, Patrick Weber3, Fabienne Levi- Acobas2, Young Lo1, Alvin W.C. Wong1, Andrew B. Kinghorn1, Ahmed Haouz3, G. Paul Savage4, Marcel Hollenstein*2, and Julian A. Tanner*1
1 School of Biomedical Sciences, LKS Faculty of Medicine, The University of Hong Kong, Hong Kong, China.
2 Institut Pasteur, Laboratory for Bioorganic Chemistry of Nucleic Acids, Department of Structural Biology and Chemistry, CNRS UMR-3523, 28, rue du Docteur Roux, 75015 Paris, France.
3 Institut Pasteur, Crystallography Platform-C2RT, Department of Structural Biology and Chemistry, CNRS UMR-3528, 25-28 rue du Docteur Roux, 75015, Paris, France.
4 CSIRO Manufacturing, Bayview Avenue, Victoria, 3168, Australia.