Plus d’une centaine de maladies sont transmises par des moustiques, telle que la dengue, qui affecte plus de 50 millions de personnes chaque année, ou encore le chikungunya. Ce sont des arbovirus, des virus transmis entre vertébrés par l’intermédiaire de la piqûre d’un vecteur hématophage. Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont développé un moustique capable de reconnaître les virus de la dengue et du chikungunya, afin de limiter l’infection virale. Il s’agit d’une méthode alternative de contrôle des arbovirus en modifiant génétiquement des moustiques vecteurs.
Les moustiques sont les vecteurs principaux de nombreux agents pathogènes responsables de maladies chez l’homme : le paludisme, la dengue, le chikungunya, la fièvre jaune… A titre d’exemples, on compte 600 000 morts du paludisme chaque année et 30 000 cas mortels liés à la dengue, sans compter le fardeau qui pèse sur l’économie des pays affectés (voir notre dossier Géopolitique du moustique).
Les femelles de moustiques en se nourrissant sur l’homme peuvent ingérer le virus qui est mêlé au sang absorbé. Si le moustique est « compétent » pour ce virus, le virus pourra franchir avec succès les différents obstacles (barrières anatomiques, réponses immunitaires du moustique) pour être au final transmis par le moustique lors de la piqûre.
Tirer profit des propriétés des micro-ARN
« Une fois infecté, le moustique le demeure durant toute sa vie », explique Pei-Shi Yen, chercheur de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs, dirigée par Anna-Bella Failloux à l’Institut Pasteur. « Néanmoins, le moustique réagit à l’infection en déclenchant différentes réponses antivirales pour limiter l’infection », poursuit-il. Par exemple, des micro-ARN (ou miARN) peuvent être synthétisés pour contrecarrer la réplication du virus dans les cellules de l’hôte. Ces miARN participent classiquement à la régulation de l’expression des gènes.
Devant l’efficacité limitée des méthodes de contrôle des populations de moustiques, il est devenu urgent de penser à des stratégies alternatives de lutte. « Nous avons ainsi tiré profit des propriétés des miARN pour développer un moustique capable de limiter l’infection virale, poursuit le chercheur. Nous avons transformé génétiquement le moustique en intégrant dans son génome des miARN antiviraux capables de reconnaître les virus de la dengue et du chikungunya. »
Une efficacité prouvée
Les miARN synthétisés vont s’apparier avec les ARN viraux portant une séquence homologue et conduire à leur dégradation. « Nous avons pu démontrer que les moustiques ainsi génétiquement transformés étaient moins efficaces à transmettre le virus : 77,33% de réduction d’efficacité de transmission du chikungunya et 100% pour le virus de la dengue », conclut Pei-Shi Yen. Cette étude propose ainsi une méthode alternative de contrôle des arbovirus en modifiant génétiquement des moustiques vecteurs.
Source
Synthetic miRNAs induce dual arboviral-resistance phenotypes in the vector mosquito Aedes aegypti, Communications Biology, 8 février 2018.
YEN Pei-Shi1, JAMES Anthony2, LI Jian-Chiuan3, CHEN Chun-Hong3, FAILLOUX Anna-Bella1.
1. Institut Pasteur, Department of Virology, Unit of Arboviruses and Insect Vectors, Paris 75015, France.
2. Departments of Microbiology & Molecular Genetics and Molecular Biology & Biochemistry, University of California, Irvine, CA 92697, USA.
3. National Institute of Infectious Diseases and Vaccinology, National Health Research Institutes, Zhunan, Miaoli 35053, Taiwan.