Avec 82 millions de personnes infectées en Afrique, le virus de l’hépatite B représente une menace sanitaire majeure. Un traitement précoce permet de fortement réduire le risque de complications liées à la maladie. Dans une récente analyse, des scientifiques remettent en cause la pertinence des tests diagnostiques utilisés en Afrique sub-saharienne et plaident pour une prise en charge plus adaptée aux populations locales.
Une hépatite est une inflammation du foie causée par des substances toxiques ou par des virus. On en dénombre aujourd’hui cinq, parmi lesquels le virus de l’hépatite B (VHB). Celui-ci est particulièrement répandu dans la population mondiale. On estime que 2 milliards de personnes ont été infectées par ce virus et que 316 millions en sont chroniquement atteintes, avec un risque élevé pour ces dernières de développer de graves pathologies hépatiques. La plupart des malades sont infectés au moment de leur naissance ou pendant l’enfance et d’importants efforts ont été entrepris ces dernières années sur la prise en charge des femmes enceintes positives au VHB ainsi que sur la stratégie vaccinale à mettre en œuvre pour les nouveaux-nés.
Malgré ces tentatives, le VHB reste endémique en Afrique : environ 82 millions de personnes y sont porteuses chroniques du virus, la plupart sans le savoir. Si l’infection par le VHB n’entraine pas nécessairement des formes pathologiques, elle peut évoluer vers des complications graves allant jusqu’au cancer du foie. Néanmoins, une prise en charge thérapeutique précoce permet de fortement réduire ce risque. Aujourd’hui, les recommandations internationales préconisent l’administration d’un traitement pour les patients développant une cirrhose ainsi que pour ceux ayant une charge virale élevée accompagnée d’une fibrose hépatique importante. Dans les pays à haut revenu, cette dernière est habituellement évaluée par une biopsie ou des techniques d’imagerie médicale, des outils diagnostiques peu disponibles dans les pays à faible revenu.
Des tests diagnostiques peu adaptés aux populations sub-sahariennes
Depuis 2015, afin de pallier l’accès difficile à ces techniques, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande, pour un diagnostic précoce des personnes à risque, l’utilisation de tests de laboratoire peu coûteux afin de détecter un biomarqueur spécifique, l’indice du rapport de l’aspartate aminotransférase-à-plaquettaire (APRI). Ces recommandations sont-elles néanmoins appropriées à la population africaine ? Suite à un vaste travail collaboratif coordonné par l’Institut Pasteur, l’Université d’Oslo, l’Université de Liverpool et l’Imperial College London, des scientifiques du consortium HEPSANET répondent par la négative. Pour arriver à cette conclusion, les chercheuses et chercheurs ont analysé les données biomédicales de plus de 3500 porteurs chroniques du VHB pris en charge dans 12 centres de soins répartis dans 8 pays d’Afrique. Résultat ? Le test APRI, développé sur des populations caucasiennes et asiatiques, présente une valeur de seuil trop élevée et pas adaptée aux populations sub-sahariennes, empêchant ainsi un diagnostic fiable. « Nous proposons d’abaisser le seuil de décision de traitement du biomarqueur APRI pour les patients africains et nous appelons à des directives sur l'hépatite B mieux adaptées au contexte africain. » explique Yusuke Shimakawa, chercheur dans l’Unité Epidémiologie des maladies émergentes.
A travers ce travail, le groupe HEPSANET plaide pour une prise en charge améliorée des millions de patients infectés par le virus de l'hépatite B en Afrique. Des tests biologiques mieux adaptés à la population d’Afrique sub-saharienne augmenteraient les chances d’atteindre l’objectif fixé par l’OMS, qui est d’éliminer l’hépatite en tant que menace de santé publique d’ici 2030. Aujourd’hui, on estime qu’environ un million de personnes décèdent chaque année d’une hépatite virale dans le monde.
Source :
Systematic review and individual-patient-data meta-analysis of non-invasive fibrosis markers for chronic hepatitis B in Africa, Nature communications, 3 janvier 2023
Asgeir Johannessen 1,2,23, Alexander J. Stockdale 3,4,23, Marc Y. R. Henrion 4,5,23, EdithOkeke6, Moussa Seydi7, Gilles Wandeler8, Mark Sonderup9, C.Wendy Spearman9, Michael Vinikoor10,11, Edford Sinkala10, Hailemichael Desalegn1,12, Fatou Fall13, Nicholas Riches5, Pantong Davwar6, Mary Duguru6, Tongai Maponga14, Jantjie Taljaard15, Philippa C. Matthews16,17,18, Monique Andersson14,16, Souleyman Mboup19, Roger Sombie20, Yusuke Shimakawa21,24 & Maud Lemoine22,24
1Department of Infectious Diseases, Vestfold Hospital, Tønsberg, Norway.
2Institute of Clinical Medicine, University of Oslo, Oslo, Norway.
3Department of Clinical Infection, Microbiology and Immunology, Institute of Infection, Veterinary and Ecological Sciences, University of Liverpool, Liverpool, UK.
4Malawi-Liverpool-Wellcome Trust Clinical Research Programme, Blantyre, Malawi.
5Department of Clinical Sciences, Liverpool School of Tropical Medicine, Liverpool, UK.
6Faculty of Medical Sciences, University of Jos, Jos, Nigeria.
7Service de Maladies Infectieuses et Tropicales, Centre Regional de Recherche et de Formation, Centre Hospitalier National Universitaire de Fann, Dakar, Senegal.
8Institute of Social and Preventive Medicine, University of Bern, Bern, Switzerland.
9Division of Hepatology, Department of Medicine, Faculty of Health Sciences, University of Cape Town, Cape Town, South Africa.
10Department of Internal Medicine, University of Zambia, Lusaka, Zambia.
11University of Alabama at Birmingham, Birmingham, AL, USA.
12Medical Department, St. Paul’s Hospital Millennium Medical College, Addis Ababa, Ethiopia.
13Department of Hepatology and Gastroenterology, Hopital Principal de Dakar, Dakar, Senegal.
14Division of Medical Virology, Stellenbosch University Faculty of Medicine and Health Sciences, Cape Town, South Africa.
15Division of Infectious Diseases, Department of Medicine, Tygerberg Hospital and Stellenbosch University, Cape Town, South Africa.
16Nuffield Department of Medicine, University of Oxford, Oxford, UK.
17The Francis Crick Institute, London, UK.
18University College London, London, UK.
19L’Institut de Recherche en Santé, de Surveillance Épidémiologique et de Formations (IRESSEF), Dakar, Senegal.
20Yalgado Ouédraogo University Hospital Center, Ouagadougou, Burkina Faso.
21Unité d’Epidémiologie des Maladies Emergentes, Institut Pasteur, Paris, France.
22Department of Metabolism, Digestion and Reproduction, Division of Digestive Diseases, Hepatology section, Imperial College London, London, UK.
23These authors contributed equally: Asgeir Johannessen, Alexander J. Stockdale, Marc Y. R. Henrion.
24These authors jointly supervised this work: Yusuke Shimakawa, Maud Lemoine.