Des chercheurs ont identifié, dans de nombreux plasmides de bactéries pathogènes, une séquence qui permet à la conjugaison bactérienne de s’effectuer par auto-stop. Cette découverte est importante, car elle permet de mieux comprendre ce processus et ses contributions à l'antibiorésistance.
Les bactéries sont des procaryotes, c’est-à-dire des êtres vivants dépourvus de noyau. Outre l’ADN qui leur permet de vivre et de se développer, les bactéries contiennent également des petites molécules d’ADN libres nommées plasmides. Par un processus nommé conjugaison bactérienne, les plasmides sont susceptibles d’être répliqués puis transmis d’une bactérie à une autre. Il est alors facile d’imaginer qu’un tel processus puisse permettre à une bactérie de transmettre à une autre des capacités nouvelles. C’est le cas des gènes codant pour l’antibiorésistance, qui sont souvent portés et transmis par des plasmides. Plus de la moitié des plasmides connus ne contiennent pas les gènes nécessaires à provoquer la conjugaison, mais en sont tout de même capables. Comment font-ils ?
Une séquence particulière du plasmide permet la conjugaison
Des chercheurs de l’unité Génomique évolutive des microbes de l’Institut Pasteur, dirigée par Eduardo Rocha, ont analysé des milliers de génomes bactériens. Ils ont alors montré que la plupart des plasmides dont on ignorait le mécanisme de transfert, contiennent de petites séquences d’ADN qui ne codent pas pour des protéines. En revanche, ces séquences permettent à elles seules à la conjugaison de s’effectuer par auto-stop, c’est-à-dire en détournant la machinerie d’autres plasmides. « Ces plasmides sont des hyperparasites, c'est-à-dire des parasites de parasites, car ils détournent les protéines d’'autres plasmides pour se transférer entre les cellules », explique Eduardo Rocha. Avec les résultats de cette étude, il est désormais possible de prévoir les mécanismes de transfert de 90% des plasmides connus chez les bactéries.
La conjugaison contribue à l’antibiorésistance
Chez les bactéries pathogènes Escherichia coli et Staphylococcus aureus, ces plasmides hyperparasites contiennent un grand nombre de gènes codant pour l’antibiorésistance. Or, un plasmide qui confère à sa bactérie la capacité de résister à un environnement hostile (comme à un antibiotique) peut se répliquer puis être transmis à une autre bactérie par conjugaison, et ce théoriquement à l’infini. « Cette facilité d'adaptation peut les transformer en menaces sanitaires majeures, comme en témoigne le nombre grandissant de décès associés aux bactéries multirésistantes dans le monde », affirme Manuel Ares-Arroyo, chercheur au sein de l’unité.
Chaque année dans le monde, cinq millions de personnes décèderaient des suites d’une infection d’origine bactérienne.
Source
Manuel Ares-Arroyo, Charles Coluzzi, Eduardo P.C. Rocha, Origins of transfer establish networks of functional dependencies for plasmid transfer by conjugation, Nucleic Acids Research, 2022: gkac1079
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Résistance aux agents antimicrobiens du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.