Cholera : comment un parasite rend une bactérie pathogène ?

Communiqué de presse
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Le vibrion cholérique, la bactérie responsable du choléra, est rendu pathogène par un de ses parasites, le virus CTX. Ce virus rend le vibrion capable de produire une toxine qui provoque les diarrhées mortelles du choléra. Des chercheurs du CNRS et de l'Institut Pasteur viennent de montrer, dans un travail publié dans Molecular Cell, quelle méthode astucieuse a adopté le bactériophage CTX pour se propager avec une grande efficacité au sein des bactéries responsables du choléra. Cette découverte ouvre des perspectives pour le développement de nouveaux outils thérapeutiques.

 

 

Communiqué de presse
Paris, le 6 septembre 2005

 

 

Le vibrion cholérique est la bactérie responsable du choléra. Tous les Vibrio cholerae ne sont pas pathogènes. Pour devenir pathogène, le vibrion doit notamment acquérir la capacité à produire la toxine cholérique, qui est responsable des diarrhées mortelles du choléra. La capacité à produire cette toxine est transmise à la bactérie par un parasite astucieux, le bactériophage CTX.

Les bactériophages sont des virus qui infectent les bactéries. Pour parasiter le vibrion cholérique, le bactériophage CTX intégre l’ensemble de son génome dans celui de la bactérie, ce qui lui permet de profiter de la multiplication de son hôte pour se propager. En « échange », le vibrion acquiert la capacité à produire la toxine cholérique qui est encodée dans le génome du phage.

Le génome de la plupart des bactéries, et notamment celui du vibrion cholérique, est composé de chromosomes circulaires d’ADN double brin. Le génome du phage CTX se présente lui sous la forme d’un ADN circulaire simple brin. Les chercheurs du CNRS et de l’Institut Pasteur viennent de montrer par quel mécanisme le phage CTX « pirate » la machinerie cellulaire de la bactérie pour permettre l’intégration de son génome malgré cette différence de structure.

Ils ont mis en évidence qu’une région de l’ADN viral simple brin se replie sur elle-même pour former une tige d’ADN double brin. Cette tige imite le site d’action d’enzymes bactériennes spécialisées dans la recombinaison de l’ADN double brin et qui servent normalement au maintien de l’intégrité du génome du vibrion. Ces enzymes sont capables d’échanger les extrémités de deux fragments d’ADN distincts. On parle de croisement d’ADN ou « crossing over ». Leurrées par l’imitation du virus, les enzymes vont croiser l’ADN viral simple brin avec le génome bactérien double brin, induisant ainsi l’intégration du génome viral dans un des deux brins d’ADN du génome bactérien. Ensuite, la bactérie copie la région d’ADN viral sur le brin opposé pour rétablir la structure double brin de son génome, ce qui va masquer la tige d’ADN viral qui a servi de cible de recombinaison. Les enzymes de la bactérie responsables du croisement ne pourront alors plus extraire l’ADN viral du génome bactérien par un croisement inverse. Le phage réussit ainsi une modification génétique de la bactérie à sens unique. C’est là tout l’intérêt de ce mécanisme d’intégration pour le virus.

Tout comme le bactériophage CTX, de nombreux autres « parasites » des bactéries sont responsables de la dissémination dans les bactéries de gènes les rendant infectieuses ou résistantes à des antibiotiques. Le mécanisme d’intégration du phage CTX pourrait s’appliquer à bon nombre de ces parasites. Les chercheurs de l’Institut Pasteur ont notamment montré qu’un mécanisme similaire expliquerait l’acquisition de multiples résistances par les bactéries à Gram negatif, telles que les enterobactéries, les pseudomonades et les vibrions. Ces travaux pourraient permettre de développer de nouveaux outils thérapeutiques contre les bactéries pathogènes et de lutter contre la propagation de souches microbiennes multirésistantes.

Les recherches ont été effectuées par des chercheurs du Centre de génétique moléculaire (CNRS), du Laboratoire de microbiologie et de génétique moléculaires (CNRS/ Université Toulouse 3) et du Laboratoire génétique des génomes (Institut Pasteur/CNRS) en collaboration avec des chercheurs cubains et anglais

Sources

"The single-stranded genome of phage CTX is the form used for integration into the genome of Vibrio cholerae " Molecular Cell 19 apût 2005.
Marie-Eve Val (1,2), Marie Bouvier (3), Javier Campos (4), David Sherratt (5), François Cornet (2), Didier Mazel (3), François-Xavier Barre (1,2)

1. Centre de Génétique Moléculaire, CNRS Gif sur Yvette Cedex, France
2. Laboratoire de Microbiologie et de Génétique Moléculaires, CNRS Toulouse , France
3. Unité Postulante Plasticité du Génome Bactérien, CNRS-Institut Pasteur, France
4. Departamento de Genetica, Centro Nacional de Investigaciones Cientificas, Havana, Cuba
5. Division of Molecular Genetics, University of Oxford, United Kingdom

Contact presse

Service de presse de l’Institut Pasteur
Nadine Peyrolo - Bruno Baron
01 44 38 91 30 -  bbaron@pasteur.fr

Service de presse du CNRS
Gaëlle Multier
01 44 96 46 06 - gaelle.multier@cnrs-dir.fr

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