La légionellose a touché plus de 1000 personnes en France en 2003 et provoqué près de 130 décès. Cette maladie émergente est causée par Legionella pneumophila, bactérie environnementale qui se développe dans les circuits d'eau chaude. Une équipe de l'Institut Pasteur associée au CNRS, en collaboration avec le Centre National de Référence des Légionelles (Inserm, Lyon), a comparé le génome de la souche responsable d'une épidémie survenue dernièrement dans la région de Lens (Nord-Pas-de-Calais) avec celui d'une souche endémique en France. Ces travaux, publiés dans Nature Genetics, pourraient notamment permettre de mieux comprendre comment certaines légionelles se répandent au sein de la population à partir des aérosols des tours aéro-réfrigérantes. Ces résultats aideront aussi à identifier de nouvelles cibles en vue de mettre au point des outils pour combattre ces bactéries.
Communiqué de presse
Paris, le 4 octobre 2004
La légionellose doit son nom à une épidémie survenue en 1976 chez 200 participants du 58è congrès de la Légion américaine à Philadelphie. Depuis lors, de nombreuses épidémies ont été décrites en Amérique du Nord et en Europe : on estime que 8000 à 18000 personnes meurent de légionellose chaque année aux Etats-Unis. En France, alors que des cas sporadiques sont régulièrement recensés sur tout le territoire, huit épidémies particulièrement graves ayant pour origine des tours aéro-réfrigérantes ont également été identifiées depuis 1998. Les légionelles parasitent habituellement les amibes qui prolifèrent dans l’eau mais sont également capables de s’attaquer à l’homme, via les voies respiratoires, une fois répandues dans l’atmosphère par le biais d’aérosols.
L’équipe de Carmen Buchrieser, du laboratoire de Génomique des Microorganismes Pathogènes de l’Institut Pasteur (dirigé par Frank Kunst et Philippe Glaser) et associé au CNRS (1), en collaboration avec la Génopole® Pasteur et le Centre National de Référence des Légionelles (dirigé par Jérôme Etienne (2)), a entrepris de décrypter et de comparer les génomes de deux souches de Legionella : l’une isolée de l’épidémie nosocomiale survenue à l’Hôpital Georges Pompidou en 2000 (souche dénommée "Paris"), l’autre responsable d’une épidémie grave ayant touché 86 personnes et provoqué 17 décès dans le Nord pendant l’hiver 2003-2004 (souche dénommée "Lens"). Les chercheurs visaient ainsi à caractériser les bases génétiques de la virulence de Legionella et à comprendre ce qui différenciait ces souches, qui appartiennent au même sérogroupe, responsable à lui seul de 84 % des cas de légionellose constatés.
Carmen Buchrieser et ses collaborateurs ont démontré que la bactérie Legionella était sujette à des variations importantes puisqu’on observe 13 % de différences entre les génomes des deux souches étudiées. Ils ont identifié un grand nombre de gènes codant des protéines pouvant participer à l’adaptation de la bactérie à l’homme : des protéines proches de celles d’organismes supérieurs (des amibes à l’homme), d’autres possédant des domaines pouvant modifier la physiologie de cellules hôtes et des facteurs de virulence potentiels, notamment. Ils ont également identifié plusieurs centaines de gènes qui diffèrent entre les souches bactériennes dites "Paris" et "Lens". Leur analyse devrait permettre à terme de comprendre ce qui a rendu certaines souches particulièrement virulentes et leur a permis de se disséminer d’une manière aussi dramatique dans la population.
Ces travaux mettent en évidence l’importante évolution au cours du temps de Legionella pneumophila et devraient permettre de comprendre comment ce bacille est capable de s’adapter à des hôtes aussi différents que des amibes (microorganismes vivant en milieu aqueux), et l’homme. A terme, ces nouvelles données ouvrent également la voie à un meilleur diagnostic ainsi qu’à la conception de nouvelles armes thérapeutiques efficaces et de biocides destinés à la décontamination de l’eau.
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1 Unité Génétique des génomes, CNRS
2 Inserm E-0230, Faculté de Médecine, Lyon
Pour en savoir plus sur la légionellose
Sources
Evidence in the Legionella pneumophila genome for exploitation of host cell functions and high genome plasticity. Nature Genetics, novembre 2004 (vol 36 :1165-1173).
Christel Cazalet* (1), Christophe Rusniok (1), Holger Brüggemann, Nora Zidane (2), Arnaud Magnier (2), Laurence Ma (2), Magalie Tichit (2), Sophie Jarraud (3), Christiane Bouchier (2), François Vandenesch (3), Frank Kunst (1), Jerome Etienne (3), Philippe Glaser (1), and Carmen Buchrieser (1)
(1) Laboratoire de Génomique des Microorganismes Pathogènes, CNRS URA 2171, Institut Pasteur
(2) Plate-forme Génomique, Pasteur Génopole Ile de France, Institut Pasteur
(3) Centre National de Référence des Legionella, Laboratoire de Bactériologie INSERM E-
0230, Faculté de Médecine, IFR 62, Lyon
* Bourse CNRS -Veolia Water- Anjou Recherche
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