Des chercheurs de l’Institut Pasteur proposent ShareLoc, une plateforme d’accès à de grandes collections d’images produites par microscopie super-résolutive. Grâce à l’accumulation progressive des données dans ShareLoc, une intelligence artificielle pourra être entrainée, notamment pour accélérer l’imagerie super-résolutive.
De nos jours, les microscopes dits super-résolutifs permettent d’observer des structures biologiques à l’échelle moléculaire ou presque. C’est particulièrement le cas de la microscopie super-résolutive à localisation de molécules uniques, ou SMLM. Bien que cette technique de microscopie soit très utilisée dans les sciences de la vie, la grande majorité des images SMLM produites ne sont pas partagées avec la communauté scientifique. Or, ces données sont très précieuses, entre autres car elles permettraient d’entraîner des algorithmes, par exemple destinés à accélérer l’imagerie super-résolutive ou à analyser des structures moléculaires. Des chercheurs de l’Institut Pasteur proposent donc ShareLoc, une plateforme qui permet de regrouper toutes les images produites par la microscopie SMLM.
L’intelligence artificielle face à la lenteur de la microscopie super-résolutive
Pour bien comprendre l’utilité aujourd’hui de ShareLoc, il faut remonter à un défaut majeur de la technique SMLM : la lenteur extrême de capture des images (typiquement de l’ordre de la minute voire de l’heure, du fait qu’il faut acquérir des dizaines de milliers d’images de résolution classique pour obtenir une seule image super-résolutive). Afin de pallier cela, Christophe Zimmer et son équipe de l’unité Imagerie et modélisation à l’Institut Pasteur, avaient déjà développé en 2018 la méthode ANNAPALM. Basée sur le deep learning (« apprentissage profond » en français), elle consiste à entraîner un programme à reconstruire des images SMLM à partir de données obtenues en un temps beaucoup plus court que dans la microscopie super-résolutive classique. Tellement que « nous avons à l’époque accéléré l’imagerie super-résolutive des microtubules d’environ 100 fois », explique Christophe Zimmer.
Mais il y a un hic. « La performance des méthodes d’apprentissage profond dépend très fortement de la quantité et variété des données d’apprentissage. », reprend le chercheur. Or, comme indiqué plus haut, les données issues de la SMLM, bien que nombreuses, sont rarement partagées par les laboratoires ; à cause, entre autres, de la taille importante de chaque fichier (de l’ordre d’un DVD pour chaque image super-résolutive). Comment donc faciliter le partage de données ?
Le partage de données au secours du deep-learning
Les chercheurs ont eu l’idée de proposer une plateforme en ligne qui permet de visualiser, annoter, et partager des images SMLM en 2D ou 3D. Pour éviter des temps de chargement qui peuvent parfois dépasser l’heure, les images sont visualisées selon un principe de chargement dynamique, similaire à celui de Google Maps.
À ce jour, des centaines d’image en provenance de six laboratoires sont déjà disponibles sur ShareLoc et l’équipe espère maintenant en collecter des milliers. L’objectif à terme sera non seulement d’entraîner ANNAPALM et d’autres logiciels similaires, mais aussi de proposer une collection de structures moléculaires à haute résolution utiles à d’autres fins de recherche, comme par exemple la recherche de structures similaires provenant d’autres molécules ou espèces biologiques. Christophe Zimmer avance notamment qu’« à terme, ShareLoc pourra servir de base à des algorithmes permettant de prédire la fonction de molécules mal connues à partir de leurs images super-résolutives. »
Source
ShareLoc – an open platform for sharing localization microscopy data, Nature Methods, 21 octobre 2022
Wei Ouyang1,2#*, Jiachuan Bai1,3#, Manish Kumar Singh1,4, Christophe Leterrier5, Paul
Barthelemy6, Samuel F.H. Barnett8,9,10, Teresa Klein7, Markus Sauer7, Pakorn
Kanchanawong8,9, Nicolas Bourg6, Mickael M. Cohen4, Benoît Lelandais1, Christophe
Zimmer1*
1Institut Pasteur, Université de Paris Cité, Unité Imagerie et Modélisation, F-75015 Paris, France
2Science for Life Laboratory, School of Engineering Sciences in Chemistry, Biotechnology and Health, KTH – Royal Institute of Technology, Stockholm, Sweden
3Sorbonne Université, Collège Doctoral, F-75005 Paris, France
4Laboratoire de Biologie Moléculaire et Cellulaire des Eucaryotes, Sorbonne Université, CNRS, UMR8226, Institut de Biologie Physico-Chimique, 75005 Paris, France.
5Aix Marseille Université, CNRS, INP UMR7051, NeuroCyto, Marseille 13005, France
6Abbelight, Cachan, France
7Department of Biotechnology and Biophysics Biocenter, University of Würzburg, Würzburg, Germany.
8Mechanobiology Institute, National University of Singapore, Singapore 117411, Singapore.
9Department of Biomedical Engineering, National University of Singapore, Singapore 117411, Singapore.
10present address: Max Planck Institute for Medical Research, Heidelberg 69120, Germany
#Equal contribution
*Correspondence : W. Ouyang & C. Zimmer