Des doutes subsistent quant au – mode de – maintien à long terme des cellules souches neurales (CSN) dans le cerveau des vertébrés. En combinant imagerie intravitale, traçage génétique in vivo et modélisation biophysique chez le poisson zèbre adulte, des chercheurs de l'Institut Pasteur avons caractérisé quantitativement la dynamique des CSN pendant la vie adulte. Le modèle obtenu démontre que le maintien des CSN s’effectue au niveau de la population, chaque CSN adaptant son destin pour qu’un équilibre se crée avec celui des autres CSN de la niche.
Les cellules souches neurales (CSN) sont capables de générer de nouveaux neurones dans le cerveau adulte des vertébrés. Ces neurones sont importants pour la croissance ou la plasticité physiologique du cerveau, ou pour sa réparation. Il reste cependant à déterminer si la capacité de génération de neurones à long terme est la même chez toutes les CSN et si cette faculté est pré-codée dans chacune d’elles. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé comme modèle le cerveau adulte du poisson zèbre, qui héberge une importante population de CSN aux propriétés similaires à celles des CSN de mammifères. Adoptant une approche interdisciplinaire, ils ont combiné l’imagerie intravitale, pour filmer les CSN dans leur niche pendant plusieurs semaines, le traçage génétique clonal, pour quantifier le destin des CSN à long terme, et la modélisation biophysique, pour caractériser quantitativement la dynamique des CSN adultes tout au long de leur vie d’adulte. Ce travail a révélé que le maintien de la population de CSN reposait sur son organisation en une hiérarchie de sous-groupes de CSN fonctionnellement spécialisées, respectivement responsables de la croissance, de l’auto-renouvellement et de l’activité neurogénique de cette population. Ils ont également montré que les CSN étaient, globalement, équipotentes mais qu’elles choisissaient leur mode de division (par amplification symétrique, neurogénique symétrique / asymétrique) de manière stochastique. Ces décisions individuelles peuvent se traduire par un gain, un maintien ou une perte de CSN, mais un équilibre semble se créer au niveau de la population, le nombre de CSN se révélant stable dans le temps. Ce comportement, appelé « asymétrie de population », rappelle celui des cellules souches d’autres organes adultes, comme les intestins ou la peau. Tout ce travail aboutit au premier modèle capturant de manière exhaustive le destin des CSN au niveau de la cellule unique et de la population, et démontre que, dans le cerveau adulte des vertébrés, la « propriété souche » ne relève pas de cellules uniques mais de systèmes, chaque CSN étant plastique et s’adaptant aux décisions prises par les autres CSN de la population quant à leur destin. Les mécanismes de rétro-régulation impliqués dans le contrôle de cet équilibre sont encore inconnus.
Source: Science Advance, Apr 29, 2020. doi: 10.1126/sciadv.aaz5424