Une équipe du service d'hématologie greffe de moelle de l’hôpital Saint-Louis AP-HP, d’Université de Paris et de l'Inserm (unité U976), en collaboration avec l’Institut Pasteur, a mené des travaux sur la réaction du greffon contre l’hôte (GVHD) en utilisant la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse pour étudier le métabolome* des patients allogreffés à l’hôpital Saint-Louis AP-HP. Les résultats de ces travaux mettent en évidence des modifications majeures du métabolome humain après une allogreffe, en rapport avec les altérations du métabolisme du patient et de son microbiote, et pourraient représenter de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles pour la prévention ou le traitement de la GVHD. Ils ont fait l’objet d’une publication le 13 décembre 2019 au sein de la revue Nature Communications.
L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) est un traitement curatif employé pour de nombreuses hémopathies malignes et des anomalies congénitales ou acquises de l’hématopoïèse. Malgré l’amélioration de la prise en charge des patients, l’allogreffe de CSH reste associée à des complications immunologiques sévères. La réaction du greffon contre l’hôte (GVHD) est une des principales complications pouvant survenir après une allogreffe, et se caractérise par des dommages tissulaires induits par les cellules immunitaires du donneur qui réagissent contre celles du receveur. Les progrès récents dans la compréhension des mécanismes immunologiques de la GVHD ont montré que l’activation des cellules immunitaires du donneur est étroitement régulée par le microenvironnement tissulaire ou les modifications du microbiote digestif après la greffe.
Récemment, la métabolomique a émergé comme un nouveau champ de la biologie qui reflète comment la génétique, l’environnement ou le microbiote affectent les processus biochimiques d’un individu. Dans ce projet, l’équipe du Dr David Michonneau et du Pr Gérard Socié (INSERM U976/Hôpital Saint Louis AP-HP/Université de Paris) s’est intéressée à l’étude du métabolome des patients allogreffés à l’hôpital Saint-Louis AP-HP dans le service d’hématologie-greffe adulte. En utilisant la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse à haute performance, ils ont pu étudier le métabolome de 43 patients qui développaient ou non une GVHD aigue après une allogreffe. Ces données ont pu être confirmées à l’aide d’une seconde cohorte multicentrique nationale indépendante, issue de la collection de ressources biologiques Cryostem (ANR/INCa).
Par cette approche, ils ont pu montrer que la GVHD aigue est associée à une diminution des métabolites de la voie du tryptophane et de l’arginine, ainsi que des lipides de la famille des plasmalogènes, des lysoplasmalogènes et des phospholipides. A l’inverse, les patients présentant une GVHD aigue avaient des taux élevés de lipides complexes, comme les acides gras à chaînes moyennes ou longues, les acides gras polyinsaturés et les acides biliaires. Chez les patients allogreffés, la diminution des plasmalogènes et l’augmentation des acides biliaires et des acides gras polyinsaturés pourraient contribuer à la réponse pro-inflammatoire précoce à l’origine de la GVHD aigue. Les dérivés indoles, un groupe de métabolites produits par le métabolisme microbien du tryptophane, étaient également parmi les plus diminués chez les patients atteints de GVHD aigue. Les dérivés indoles sont des ligands du récepteur d’Aryl Hydrocarbone (AhR), qui régule l’activation et la différenciation des cellules du système immunitaire, et pourraient ainsi contribuer à limiter le risque de réaction immunitaire allogénique à l’origine de la GVHD.
Ces résultats publiés au sein de la revue Nature Communications mettent en évidence les modifications majeures du métabolome humain après une allogreffe, en rapport avec les altérations du métabolisme du patient ou de son microbiote, qui pourraient représenter de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles pour la prévention ou le traitement de la réaction du greffon contre l’hôte (GVHD).
*L’ensemble des molécules produites par le métabolisme d’un individu ou de son microbiote.
Sources
Metabolomics analysis of human acute Graft-versus-Host Disease reveals changes in host and microbiota-derived metabolites, Nature communications, 13 décembre 2019
David Michonneau1,2,9, Eleonora Latis3,9, Emmanuel Curis 4,5,6, Laetitia Dubouchet2, Sivapriya Ramamoorthy7, Brian Ingram7, Régis Peffault de Latour1,2, Marie Robin1 , Flore Sicre de Fontbrune1, Sylvie Chevret6,8, Lars Rogge3,10 & Gérard Socié1,2,10
1Hematology Transplantation, Saint Louis Hospital, 1 avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris, France.
2Université de Paris, INSERM U976, 75010 Paris, France.
3Institut Pasteur, Immunoregulation Unit, Department of Immunology, 25 rue du Docteur Roux, 75015 Paris, France.
4Université de Paris, INSERM UMR-S1144, 75013 Paris, France.
5Université de Paris, Laboratoire de biomathématiques plateau iB2EA 7537–BioSTM, Faculté de pharmacie, 75006 Paris, France.
6Service de Biostatistique et Information Médicale, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, 1 avenue Claude Vellefaux, 75010 Paris, France.
7Metabolon, Inc., Morrisville, NC, USA.
8Université de Paris, INSERM U1153, Epidemiology and Biostatistics Sorbonne Paris Cité Research Center (CRESS), ECSTRA Team, 75010 Paris, France.
9These authors contributed equally: David Michonneau, Eleonora Latis.
10These authors jointly supervised this work: Lars Rogge, Gérard Socié.