Le cancer est la première cause de mortalité en France. Ces 40 dernières années, le taux de survie de plusieurs types de cancer, comme ceux du sein ou de la prostate, a augmenté. Le cancer du cerveau demeure, lui, incurable, car il entraîne généralement une résistance aux traitements et une rechute dans un délai relativement court. Dans la plupart des cas, il a pour pronostic le décès inéluctable du patient. Une équipe de chercheurs dirigée par Chiara Zurzolo à l’Institut Pasteur a étudié les « tunneling nanotubes » du glioblastome, la tumeur cérébrale la plus agressive.
Le glioblastome (GBM) est la tumeur du système nerveux central la plus agressive, invasive et mortelle. Son incidence est de 3 cas pour 100 000 habitants. Forme incurable de cancer, sa survie médiane est de 14,6 mois. Malgré les traitements actuels, reposant sur une chirurgie suivie d’une radiothérapie et d’une chimiothérapie concomitantes, la rechute de GBM est presque inévitable et relève, dans la plupart des cas, de la population de cellules souches de glioblastome (CSG).
« tunneling nanotubes » et « tumor microtubes » : les moyens de communication des cellules cancéreuses du glioblastome
S’agissant des cancers invasifs, le mode de communication des cellules se révèle une piste prometteuse pour la recherche thérapeutique. Depuis peu, un intérêt croissant est porté à un nouveau type de communication intercellulaire appelé « tunneling nanotubes » (TNT). Les TNT sont de fins canaux ouverts reliant des cellules éloignées et permettant une communication longue distance entre elles. La présence de TNT dans plusieurs cancers a été associée à un phénotype tumoral plus malin. Les TNT peuvent également se loger dans différentes cellules normales et être détournés par des pathogènes, tels que des bactéries, des virus et des prions. On a récemment découvert que les glioblastomes formaient un réseau multicellulaire propageant des signaux électriques via des « tumor microtubes » (TM), c’est-à-dire des extensions cellulaires similaires aux TNT, mais incapables de transférer le matériel cellulaire. Fait intéressant, une corrélation a été établie entre l’étendue de ce réseau et l’importante résistance au traitement.
Rôle possible des connexions TNT entre les CSG dans la résistance et la progression des tumeurs
Pour étudier ces mécanismes, les chercheurs ont utilisé des cellules souches de glioblastome (CSG) de plusieurs patients et de différentes zones tumorales. En associant microscopie à fluorescence et TM, ils ont observé les connexions TNT entre des CSG cultivées dans des organoïdes tumoraux tridimensionnels. Ils ont également démontré leur impressionnante capacité de transport, notamment des mitochondries. Les mitochondries sont des organites liés à double membrane qui contrôlent la vie et la mort cellulaires de par leur rôle de « centrale énergétique » des cellules. La capacité des TNT à transmettre cette source d’énergie peut donc être à l’origine d’une poussée pro-tumorale dans plusieurs formes de cancer. Les chercheurs ont remarqué que la communication basée sur les TNT était très résistante à la radiothérapie. La présence de TNT pourrait donc profiter aux cellules cancéreuses, les rendant plus agressives ou moins vulnérables au stress cellulaire induit par les traitements.
Structures de type TNT et extensions de type TM dans un organoïde tumoral de CSG
Les organoïdes tumoraux constituent une méthode de culture tridimensionnelle ad hoc, qui permet une croissance cellulaire à long terme tout en préservant l’identité des cellules souches et en reconstituant, dans une certaine mesure, l’hétérogénéité morphologique et phénotypique de la tumeur d’origine. Image à fluorescence représentative d’un organoïde tumoral de CSG après 23 jours de culture, coloré pour l’anti-tubuline alpha (microtubules, blanc) et la phalloïdine (actine, rouge). Différents types de connexions sont présents et coexistent à l’intérieur de l’organoïde. Copyright : Institut Pasteur/Chiara Zurzolo
Ces données montrent pour la première fois dans des organoïdes de tumeurs de patients que les TNT participent à la formation du réseau tumoral du GBM servant au transfert de cargaisons, ce qui pourrait favoriser la progression des tumeurs et la résistance au traitement. Par ailleurs, la communication basée sur les TNT pouvant être altérée par les médicaments, les TNT pourraient constituer une cible thérapeutique majeure.
Ce travail a pu être mené grâce au legs de Mme Marguerite Michel.
Source
Patient-derived glioblastoma stem cells transfer mitochondria through tunneling nanotubes in tumor organoids, biochemical journal, 8 Janvier 2021
Giulia Pinto1,2,*, Inés Saenz-de-Santa-Maria1,*, Patricia Chastagner1, Emeline Perthame3, Caroline Delmas4, Christine Toulas4, Elizabeth Moyal-Jonathan-Cohen4, Christel Brou1,* and Chiara Zurzolo1,*
1Unité de Trafic Membranaire et Pathogenèse, Institut Pasteur, UMR3691 CNRS, 28 rue du Docteur Roux, F-75015 Paris, France;
2Sorbonne Université, ED394 — Physiologie, Physiopathologie et Thérapeutique, F-75005 Paris, France;
3Hub de Bioinformatique et Biostatistique — Département Biologie Computationnelle, Institut Pasteur, USR 3756 CNRS, F-75015 Paris, France;
4Cancer Research Center of Toulouse (CRCT), Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), UMR 1037, Institut Claudius Regaud, Université Toulouse III Paul Sabatier, Toulouse F-31000, France
*Ces auteurs ont contribué de manière équivalente à ce travail.
Cette étude entre dans le cadre de l’initiative Cancer du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.