Jour de grève sur Paris, la capitale est presque paralysée, mais qu’importe : Sandrine Etienne-Manneville sera à l’heure pour expliquer ses travaux scientifiques.
Enthousiaste et rompue à l’exercice, elle apprécie d’exposer les recherches qu’elle mène avec toute son équipe de l’unité « Polarité cellulaire, Migration et Cancer ».
Apprendre des autres et apprendre aux autres
Au collège, Sandrine a déjà une grande soif d’apprendre. Elle dévore ses ouvrages de biologie bien avant que le professeur entame le moindre chapitre. Ses précieux livres lui ouvrent la porte de la connaissance du vivant et répondent aux nombreuses questions qu’elle se pose.
Après un doctorat à l’Institut Cochin, un post-doctorat à Londres et un poste de chercheuse à l’Institut Curie, Sandrine dirige aujourd'hui sa propre équipe à l’Institut Pasteur (depuis 2006), qui se focalise sur la migration et l’invasion des cellules normales et tumorales.
« Lorsque l’on travaille sur une thématique de recherche, on est tellement spécialisé dans un domaine, que seule une centaine de scientifiques dans le monde comprennent précisément nos articles scientifiques. On pourrait perdre de vue le sens général et l’impact de nos travaux. Transmettre nos connaissances au plus grand monde possible m’oblige à les replacer dans un contexte plus vaste et à ne pas perdre de vue que nous travaillons avant tout pour mieux comprendre et mieux soigner des pathologies.
J’ai enseigné la biologie pendant douze ans à l’école Polytechnique et j’essaie maintenant d’enseigner à tous les niveaux en intervenant de l’école primaire jusqu’aux écoles doctorales et aux classes préparatoires à l’agrégation. Je trouve essentiel et aussi très plaisant de revenir aux connaissances essentielles en biologie et de les partager avec les étudiants, mais aussi avec le grand public ! Par leurs questions, ils nous donnent envie de faire toujours plus !
Diriger une équipe internationale mobilisée sur les cancers du cerveau
Dans cette équipe de l’Institut Pasteur, douze chercheurs, techniciens, post-doctorants et doctorants travaillent à élucider les mécanismes responsables des propriétés invasives des cellules de glioblastomes, qui rendent cette tumeur cérébrale particulièrement agressive et incurable.
Si les glioblastomes sont peu fréquents par rapport à d’autres cancers chez l’adulte, ils représentent le deuxième cancer pédiatrique en France et la première cause de mortalité due au cancer chez l’enfant.
Diriger une équipe de recherche, c’est l’opportunité d’explorer plusieurs pistes de recherche en même temps. L’avantage : les résultats et les observations rapportés par chacun des membres de l’équipe se complètent et poussent encore plus loin la compréhension des mécanismes de l’invasion tumorale. »
Mon équipe est constituée de collaborateurs extrêmement variés, qu’il s’agisse de leur âge, de leur culture ou de leurs centres d’intérêt. Cette diversité de points de vue se ressent autant dans l’interprétation de leurs résultats que dans leur façon de concevoir un projet de recherche.
Le cerveau, un organe à partAu cours de ses études et de la découverte des différentes facettes de la biologie, Sandrine Etienne-Manneville a été particulièrement attirée par la notion de communication entre cellules, tissus et organes. Son intérêt s’est porté sur l’étude de systèmes intégrés comme le système immunitaire et le système nerveux ainsi que sur la relation entre ces différents systèmes. Le cerveau est un organe un peu à part qui se régénère peu. Il est relativement isolé du reste de l’organisme par la barrière hémato-encéphalique et les méninges. De ce fait, il présente des interactions avec le système immunitaire et des mécanismes de défense très singuliers contre les pathologies. Le cerveau est constitué de cellules spécifiques : les neurones bien sûr, mais aussi les cellules gliales qui gèrent de nombreuses tâches utiles au bon fonctionnement et à la protection des neurones. Parmi les cellules gliales, les astrocytes - étymologiquement « cellules en formes d’étoiles » - occupent un rôle fondamental. Elles nourrissent les neurones et facilitent la bonne communication entre eux. Elles génèrent également la cicatrice gliale qui permet d’isoler les régions cérébrales lésées notamment lors d’un traumatisme, un accident vasculaire cérébral, par exemple, ou à la suite d’une intervention chirurgicale. |
Quand les cellules s’emballent
Sandrine a réalisé sa thèse sur les mécanismes d’entrée des cellules immunitaires dans le cerveau, et sur le rôle joué par les astrocytes dans le contrôle très étroit de ce processus.
Elle s’est ensuite concentrée sur l’étude des astrocytes. Quand les astrocytes deviennent cancéreuses et qu’elles commencent à se multiplier dans le cerveau, leur propagation est terriblement invasive et diffuse. Le laboratoire de Sandrine a donc ciblé ses recherches sur les mécanismes de déplacement de astrocytes sains puis, plus récemment, des cellules de glioblastomes qui dérivent des cellules gliales. Les questions auxquelles elle tente de répondre avec son équipe sont : comment une cellule tumorale acquiert des propriétés invasives ? comment freiner, accélérer ou arrêter le déplacement des cellules saines et tumorales ?
« En pratique, les hôpitaux nous envoient des échantillons purifiés de cellules de patients atteints par des glioblastomes. Au laboratoire, nous tentons de comprendre comment ces cellules se déplacent et nous cherchons aussi des cibles qui pourraient les freiner. Nous travaillons également sur des petits poissons nommés Zebra fish : l’avantage de ce modèle est la transparence de leurs tissus qui nous permet d’observer et de filmer le mouvement cellules vivantes, in vivo, au sein du tissu cérébral. »
Grâce à l’identification des caractéristiques moléculaires qui différencient les cellules non invasives des cellules très invasives, il sera possible d’identifier chez les patients les cellules les plus invasives et d’améliorer le diagnostic et donc la stratégie thérapeutique à la fois chez les adultes et chez les enfants.
Légende de la vidéo : Les cellules de glioblastomes expriment une protéine fluorescente qui permet de visualiser la dynamique des microtubules (filaments de la cellule nécessaires à l’invasion des cellules de glioblastomes) alors que les cellules envahissent le tissu cérébral de la larve de poisson zébré. Les cellules des vaisseaux sanguins du poisson sont visibles en vert.
© Florent Péglion, Institut Pasteur
Sandrine Etienne Manneville en quelques dates
1991-1995 : Ecole Normale Supérieure, Paris
1998 : Doctorat en Immunologie, Institut Cochin, Paris, France
1999-2003 : Stage Post-doctorat, MRC-LMCB, Londres, Royaume-Uni
2003 : Nommée Chargée de Recherche (CNRS CR2), Institut Curie, Paris, France,
2006 : Nommée Cheffe d’équipe, Institut Pasteur, Paris, France
Distinctions
- Nommée membre de l'EMBO, 2015
- Nommée Chevalier de l’ordre du mérite, 2015
- Prix Vallery-Radot, 2015
- Jeune chercheur de l'EMBO, 2007
- Médaille de Bronze du CNRS, 2006
- ATIPE CNRS-G5 Institut Pasteur, 2006