Combattre les allergies
Elles handicapent la vie de millions de Français et peuvent avoir des complications extrêmement graves. Les allergies touchent plus d’une personne sur quatre en Europe et concerneront une personne sur deux dans les pays industrialisés en 2050, selon l’Organisation mondiale de la santé. Elles sont dues à un dérèglement du système immunitaire qui « sur-réagit » à des substances de notre environnement, qu’on nomme « allergènes ». Ces allergènes peuvent être dans l’air (pollens, poils de chat, etc.), dans notre nourriture (lait, œufs, arachide, etc.), dans le venin d’insectes, dans des médicaments (pénicilline, curare, etc.), dans des objets que nous touchons (latex, nickel, etc.)… Les allergies qu’ils déclenchent peuvent avoir des manifestations cutanées (urticaire, dermatite, eczéma), respiratoires (rhinite, crise d’asthme,oedème) ou généralisées (anaphylaxie).
Une réponse immunitaire disproportionnée
Elles surviennent le plus souvent chez des personnes génétiquement prédisposées, dont un ou plusieurs membres de la famille sont allergiques. Les sujets allergiques ont une forme d’hypersensibilité, d'exagération pathologique de la réponse immunitaire, en particulier de la réaction inflammatoire, face à un allergène qu’ils respirent, avalent ou touchent. Molécule généralement étrangère à l'organisme et normalement inoffensive, l’allergène est perçu différemment par leur système de défense (système immunitaire). Quelques jours après un premier contact avec un allergène, leur organisme fabrique des anticorps particuliers spécifiques contre lui, souvent des IgE (immunoglobulines E). Cette première phase, dite de « sensibilisation », n'entraîne pas de manifestations mais permet à ces IgE de se fixer à la surface de certaines cellules de l’immunité (les basophiles et les mastocytes, voir schéma). Lors d'un contact ultérieur avec le même allergène (ou un allergène très proche) ces cellules « armées » d’IgE à leur surface vont fixer l’allergène, ce qui provoque la libération d’une substance appelée histamine et de nombreux médiateurs de l’inflammation et de la réponse immunitaire, à l’origine de la réaction allergique inflammatoire.
Principal mécanisme de l’allergie
Quelques jours après un premier contact avec un allergène, la personneallergique fabrique des anticorps spécifiques contre cet allergène, des IgE (immunoglobulines E), qui se fixent à la surface des mastocytes. Cette première phase, dite de « sensibilisation », n’entraîne pas de manifestations.
Des symptômes très divers
Les symptômes qui s’en suivent dépendent du type d’allergène et de l'endroit où la réaction se produit (nez, yeux, peau, gorge…). Ainsi une allergie aux acariens, aux pollens ou aux poils d’animaux, entraîne généralement une rhinite et/ou un asthme et/ou un eczéma et/ou une conjonctivite. Une allergie alimentaire - lait, œufs, arachide, soja, noix, poisson et fruits de mer contenant les allergènes les plus fréquents - provoque plutôt un urticaire, ou des signes digestifs (coliques chez le nourrisson). Mais une allergie respiratoire peut parfois déclencher un urticaire ou des symptômes digestifs et une allergie alimentaire se manifester par des éternuements ou une crise d’asthme, ce qui ne facilite pas le diagnostic…
Ce diagnostic souvent difficile à établir (voir entretien ci-dessous) résultera de la bonne connaissance de l’environnement et du mode de vie des patients, de tests consistant à mettre des allergènes en contact avec eux (par voie cutanée) pour évaluer leur réactivité, et de dosages sanguins de détection des IgE.
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Une personne allergique mettrait en moyenne 7 ans avant de consulter. A quoi est-ce dû ?
Il est vrai qu’il y a en matière d’allergies une errance diagnostique parfois très longue. La relation entre des symptômes et une allergie n’est pas toujours suspectée : on peut avoir le nez pris en permanence sans penser aux acariens... En dehors d’un choc anaphylactique, réaction directe la plus violente et la plus évidente de l’allergie qui, de fait, amène au diagnostic, l’existence d’un contact chronique avec un allergène n’est parfois pas du tout évidente, notamment dans les allergies de contact ou les intolérances alimentaires. Ca explique en partie ce délai. Mais pas seulement ! Il y a aussi la difficulté à accéder à une consultation d’allergologie parce que nous ne sommes pas assez nombreux ! La création de l’allergologie en tant que spécialité hospitalo-universitaire l’an dernier va dans le bon sens mais nous sommes très en retard au niveau européen.
Une fois le patient en consultation, est-il compliqué de trouver la cause de son allergie ?
C’est une enquête à la Sherlock Holmes ! Nous passons beaucoup de temps à interroger nos patients. Quand vous reconstituez la « scène » de la réaction, il n’y a pas qu’un seul acteur, il faut retracer l’histoire, s’enquérir de l’environnement et du mode de vie du patient. Cela nous oriente vers les tests à effectuer pour incriminer le ou les allergènes potentiels, des tests épidermiques indolores consistant à déposer de petites gouttes d’allergènes sur la peau. Des batteries standards contiennent une douzaine d’allergènes communs, et des tests plus précis peuvent être réalisés. Nous pouvons tester jusqu’à une trentaine d’allergènes.
Les traitements sont-ils efficaces ?
Nous avons heureusement une palette de traitements qui permettent de réduire les symptômes des patients allergiques, et parfois, par la désensibilisation, de les guérir. Je voudrais souligner qu’un des enjeux de l’allergologie est la prise en charge de l’asthme, qui a un poids, y compris économique, considérable en santé publique. La majorité des patients souffrant de cette maladie chronique très fréquente, grave et potentiellement mortelle sont allergiques, et les allergènes auxquels ils sont sensibles sont, avec les infections virales, les principaux facteurs de leurs crises.
Vous participez à des travaux de recherche menés sur le campus de l’Institut Pasteur. Quel est votre rôle ?
Notre consultation, rattachée au Centre de recherche translationnelle (CRT) de l’Institut Pasteur, est actuellement impliquée dans le recrutement de patients allergiques à la pénicilline et aux piqûres de guêpes pour que des chercheurs du campus puissent explorer leur système immunitaire et le comparer à celui de volontaires sains*. Concrètement, nous demandons à certains patients de prélever un tube supplémentaire lors de la prise de sang classiquement réalisée pour doser leurs IgE, et de remplir des questionnaires assez longs, pour avoir toutes les informations requises sur leur environnement et leur mode de vie.
*Issus de la cohorte du projet Milieu Intérieur, coordonné à l’Institut Pasteur et visant à caractériser le système immunitaire sain à partir de 1000 personnes « en bonne santé ».
En tant que médecin allergologue, qu’attendez-vous de la recherche sur les allergies ?
L’amélioration de la qualité de vie de nos patients. Cela passe par un diagnostic plus précis, avec des tests biologiques moins invasifs que les tests cutanés ou les tests d’introduction souvent pénibles pour les patients, et plus informatifs quant à leur réactivité. Côté traitement, nous espérons des techniques de désensibilisation plus efficaces et peut-être plus généralistes. Pour cela, il faut d’abord mieux comprendre les relations entre le système immunitaire, les microbiotes, les allergènes et nos réponses anti-infectieuses, car l’allergie est une réponse inadaptée à un microbe fictif, avec des mécanismes très proches de ceux en jeu dans la défense contre les microbes. L’Institut Pasteur est donc bien placé pour de telles recherches.
Granules d’histamine (violet foncé) dans un mastocyte (en jaune, le noyau). Crédit : Institut Pasteur
Une éviction parfois impossible
Une fois l’allergène identifié, l’éviction est la première mesure à prendre. Mais s’il est envisageable de ne pas prendre de pénicilline en cas d’allergie à cet antibiotique ou d’éviter le contact des chats lorsqu’on est allergique à leurs poils, il est impossible de se protéger des pollens de l’air qu’on respire et souvent difficile d’être certain que notre nourriture est dépourvue d’un allergène donné, comme l’arachide par exemple (lire plus loin). Or l’arachide est responsable d’une des allergies alimentaires les plus fréquentes et surtout des plus sévères : elle peut être à l’origine d’un choc anaphylactique, une réaction très grave potentiellement mortelle (lire plus loin). La seule parade à ce choc est l’injection d’adrénaline, et des stylos auto-injecteurs sont d’ailleurs prescrits à certaines personnes à risque – comme les allergiques aux venins d’abeille ou de guêpe – qui doivent les garder sur eux en permanence en cas d’incident.
L’allergie aux cacahuètes, de plus en plus répandue
L’allergie à l’arachide touche 1,3% des Européens et, selon certaines estimations, plus de 470 000 personnes en France. Elle est dans le trio des allergies alimentaires les plus communes chez l’enfant (après celles au lait et aux oeufs) et une des plus fréquentes chez l’adulte. Elle est surtout, quel que soit l’âge, la plus sévère : le risque de choc anaphylactique chez les personnes allergiques aux cacahuètes est beaucoup plus important que pour n’importe quelle autre allergie alimentaire (fruits de mer, noix, etc.). A l’Institut Pasteur, Laurent Reber, dans l’unité des Anticorps en thérapie et pathologie, cherche à décortiquer les mécanismes en jeu : « Grâce à une collaboration avec l’université de Stanford en Californie, qui mène actuellement une étude de phase II sur une immunothérapie contre l’allergie à l’arachide, nous travaillons sur des échantillons cliniques de patients – traités ou non – et sur des modèles expérimentaux, pour déterminer quels anticorps de l’organisme sont impliqués dans le choc allergique à l’arachide. Nous soupçonnons qu’en plus des anticorps déjà identifiés dans l’allergie – les IgE –, d’autres familles d’anticorps « pathologiques » - comme les IgG – interviennent (voir plus loin). Nos travaux pourraient donc permettre l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. Nous recherchons aussi chez les patients traités la présence d’anticorps qui pourraient avoir un rôle protecteur, et donc être utilisés en thérapie. » Des études d’intérêt majeur face à cette allergie de plus en plus répandue.
Un nouveau mécanisme dévoilé
Le choc anaphylactique est la réaction la plus sévère de l’allergie. Il peut être mortel et se manifeste dans les minutes ou les heures suivant le contact avec l’allergène par une chute de tension, un œdème de la gorge entraînant une sensation d’étouffement, parfois accompagné d’un rash cutané. Aujourd’hui, rien ne permet de le prévenir et seule une injection d’adrénaline rapidement après la survenue des premiers symptômes peut l’atténuer. Certains allergiques sont plus à risque que d’autres selon les allergènes auxquels ils sont sensibles : 60% des décès par choc anaphylactique chez l’adulte sont induits par des médicaments comme la pénicilline ou les curares et leurs dérivés - contenus dans les anesthésiants -, 15% par les venins d’insecte, près de 1% par des allergènes alimentaires, au premier rang desquels l’arachide (lire ci-dessus). A l’Institut Pasteur, des travaux menés par Friederike Jönsson et ses collègues dans l’unité des Anticorps en thérapie et pathologie, dirigée par Pierre Bruhns, ont permis la découverte d’un mécanisme alternatif impliqué dans ce choc anaphylactique. « Les anticorps IgE sont classiquement incriminés dans la réaction allergique mais nous avons démontré dans des modèles expérimentaux que lors d’un choc, une autre famille d’anticorps, les IgG, peuvent être la cause prédominante de la sensibilité », explique la chercheuse. « Ils provoquent la libération par certaines cellules immunitaires (neutrophiles, macrophages, etc.) du "facteur d’activation plaquettaire (PAF)", à l’origine des mêmes symptômes que ceux observés par la voie dépendante des IgE et de l’histamine. En collaboration avec le laboratoire du Pr Sylvie Chollet-Martin à l’Hôpital Bichat et de 11 hôpitaux d’Ile-de-France, nous avons mené une étude clinique chez des patients pour vérifier l’existence de cette voie alternative chez l’Homme. Effectivement, si ce nouveau mécanisme est confirmé par les analyses en cours, il pourrait faire évoluer le diagnostic aujourd’hui basé sur le seul dosage des paramètres dépendant des IgE. ». Parallèlement, Friederike Jönsson a lancé une étude avec le Centre médical de l’Institut Pasteur (lire aussi L’Entretien, plus haut) chez des patients allergiques aux piqûres de guêpe ou à la pénicilline, à risque de choc anaphylactique, pour déterminer les caractéristiques de leur système immunitaire comparé à celui d’individus sains.
Des traitements symptomatiques à la « désensibilisation »
Hormis ce cas particulier du choc anaphylactique, les traitements de première ligne de l’allergie sont symptomatiques. On l’a vu, l’histamine est la substance majoritairement impliquée dans la réaction allergique, et des « antihistaminiques » sont administrés pour la bloquer. Des médicaments agissant sur l’inflammation comme les corticoïdes peuvent être prescrits en complément. Cette combinaison de traitements peut considérablement atténuer les symptômes. Mais ils réapparaitront lors d’un contact ultérieur du patient avec l’allergène. En cas d’allergie sévère, un traitement curatif existe pour certaines allergies, qu’on nomme « désensibilisation ». Il s’agit de rendre l’organisme tolérant à l’allergène en administrant au patient sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et parfois à vie, de petites doses de cet allergène (extraits naturels de pollen, d’acariens, de venin d’abeille…), par injection ou par voie sublinguale. Une thérapie efficace mais contraignante, et qui n’est pas encore disponible pour les allergies alimentaires notamment, pour lesquelles des essais cliniques sont en cours. D’autres traitements – non dépourvus d’effets secondaires - consistent à bloquer les IgE à l’origine de la réaction inflammatoire*, et sont utilisés dans les cas graves (asthme sévère par exemple).
La réactivité croisée pollen de cyprès, pêches/agrumes expliquée
Certaines personnes exposées et sensibilisées dès leur plus jeune âge au pollen de cyprès manifestent une fois adultes des allergies aux agrumes et à la pêche. Pourquoi ? Une étude internationale coordonnée par Pascal Poncet, du Centre d'Innovation et Recherche Technologique de l’Institut Pasteur*, vient d’expliquer cette « réactivité croisée », en mettant en évidence de nombreuses similarités entre une molécule allergénique (allergène) du pollen de cyprès, un allergène de pêche et un allergène d’orange : tous trois appartiennent à une nouvelle famille d’allergènes respiratoires et alimentaires qui induit des symptômes parfois graves chez les patients allergiques. « Le système immunitaire d’un individu ayant développé une intolérance à l’allergène du pollen de cyprès sera donc beaucoup plus sensible à ces allergènes de la même famille contenus dans la pêche ou l’orange », souligne Pascal Poncet. « Ces allergènes nouvellement caractérisés pourraient désormais être inclus dans les batteries de tests proposés aux personnes allergiques, afin d’améliorer le diagnostic ».
*Etude en collaboration avec l’AP-HP (hôpital Armand Trousseau), des équipes de l’Université de Chimie et de Technologie de Prague (République tchèque), de l’Université d’Hokkaido (Japon) et le service de pneumo-allergie de l’hôpital La Timone de Marseille (AP-HM).
La piste du microbiote
L’équipe de Gérard Eberl, responsable de l’unité Microenvironnement et immunité à l’Institut Pasteur, est spécialisée dans l’étude des interactions entre notre système immunitaire et notre microbiote – ces cent mille milliards de microbes contenus dans notre organisme, notamment dans nos intestins (flore intestinale) et vivant en symbiose avec nous. « Nous avons montré comment certaines bactéries du microbiote bloquaient spécifiquement des réponses immunitaires impliquées dans le déclenchement des allergies », explique le chercheur. « Un déséquilibre dans la diversité du microbiote d’un individu pourrait donc favoriser les réponses allergiques. Il y a là une piste thérapeutique à explorer, qui consisterait à mimer l’action de ces bactéries particulières. » Imiter l’effet « anti-allergie » de nos « bons » microbes : un espoir de plus pour mieux combattre les allergies demain.
De la théorie de l’hygiène au réchauffement climatique
Heureusement, les études menées dans les laboratoires de recherche pour comprendre avec précision les mécanismes de l’allergie et étudier les moyens de les bloquer laissent espérer une amélioration future du diagnostic et des traitements des allergies. Et il y a urgence : la prévalence et la gravité de ces maladies ne cesse d’augmenter depuis une trentaine d’années dans les pays industrialisés.
Plusieurs explications sont avancées. La « théorie hygiéniste » suggère que les progrès de l’hygiène - s’ils ont permis d’augmenter l’espérance de vie en réduisant drastiquement la mortalité par maladies infectieuses - seraient en cause : notre système immunitaire, « désœuvré » car moins soumis à l’exposition aux microbes, s’activerait contre de fausses cibles, les allergènes. Des études épidémiologiques vont en ce sens, montrant par exemple une moindre fréquence des maladies allergiques en cas d’infections respiratoires répétées dans les premières années de vie, ou encore chez les enfants vivant à la ferme, au contact des animaux, a priori plus exposés aux microbes. La pollution atmosphérique, notamment l’ozone et les particules de diesel (qui rendent plus allergisants les grains de pollen en modifiant leur surface), est aussi incriminée dans l’augmentation de fréquence des allergies respiratoires et de leur sévérité, ainsi que le réchauffement climatique, de par un allongement de la période de pollinisation et une modification des aires de production des pollens allergisants. Les habitudes de vie interviennent également, du tabagisme passif de l’enfant aux régimes alimentaires, en passant par la consommation d’antibiotiques ou… l’implantation ornementale excessive de cyprès et de bouleaux loin de leur habitat naturel.
L’allergie est une réponse inadaptée à un microbe fictif.
Pollen de Dactyle. Graminée facteur d'allergie. Image colorisée. © Institut Pasteur
Quelle dangerosité pour l’Homme ?
Nous menons actuellement une étude sur des sérums de personnes ayant fait des chocs anaphylactiques après une piqûre de frelon asiatique, qui nous sont envoyés par des laboratoires et des hôpitaux du Sud-Ouest de la France, où cet insecte sévit le plus.
Pascal PoncetCentre d'Innovation et Recherche Technologique de l’Institut Pasteur, spécialiste en allergologie moléculaire.
Introduit en France en 2004 lors de l’importation de bonzaïs en provenance de Chine, le frelon asiatique, aujourd’hui présent sur 75% du territoire français, est perçu comme un insecte redoutable car il attaque les ruches et tue les abeilles. Mais sait-on à quel point il est dangereux pour l’Homme ? « Nous menons actuellement une étude sur des sérums de personnes ayant fait des chocs anaphylactiques après une piqûre de frelon asiatique, qui nous sont envoyés par des laboratoires et des hôpitaux du Sud-Ouest de la France, où cet insecte sévit le plus », explique Pascal Poncet, du Centre d'Innovation et Recherche Technologique de l’Institut Pasteur, spécialiste en allergologie moléculaire. « Nous voulons mieux connaître l’impact des allergènes contenus dans le venin de ce frelon asiatique et la réponse immunitaire (IgE et IgG) des patients allergiques, sachant que les venins d’hyménoptères (frelons européens, abeilles ou guêpes) contiennent une vingtaine d’allergènes différents identifiés. Nous savons d’ores et déjà que ce venin est très dangereux pour les personnes allergiques au frelon européen, qui font des réactions graves, de type choc anaphylactique, dues, entre autres, à des allergènes communs entre plusieurs espèces d’hyménoptères. Et au-delà du problème allergique, des études ont montré que le venin du frelon asiatique était plus riche en neurotoxines et en toxines interférant avec la coagulation sanguine que ceux des autres hyménoptères. » Il n’y a pas que les abeilles qui doivent s’en méfier !
Des cellules-clés à l’étude
A l’Institut Pasteur, le groupe de Rachel Golub, dans l’unité de Lymphopoïèse dirigée par Ana Cumano, est spécialisé dans l’étude de cellules immunitaires qui font partie de la première ligne de défense de l’organisme : les cellules lymphoïdes innées ou ILC, connues depuis seulement quelques années. Principalement situées dans les muqueuses de notre corps (au niveau des poumons, des intestins, de la peau…), elles réagissent à des molécules de détresse produites lorsqu’un tissu est dégradé : les biens nommées « alarmines ». Les ILC peuvent alors par exemple secréter des substances « réparatrices » du tissu. Produites dans la moelle osseuse, ces ILC passent dans la circulation sanguine puis migrent vers les tissus. En cas d’allergie, leurs capacités migratoires semblent modifiées. « Nous lançons une étude sur ce phénomène dans le cadre d’allergies alimentaires, en particulier chez les jeunes enfants chez qui l’impact de l’immunité innée est le plus fort. Nous espérons identifier des marqueurs, détectables dans le sang des patients, pour le diagnostic précoce de l’allergie et son pronostic, qui signeraient par exemple un risque d’évolution sévère », explique Rachel Golub. « Nous collaborons avec le Centre hospitalier intercommunal de Créteil pour obtenir des prélèvements de sang de jeunes patients, âgés de 6 semaines à 6 ans, allergiques au lait », précise Sylvain Meunier, post-doctorant mobilisé sur cette étude. Le "profil" de chaque ILC contenu dans le sang des patients – toutes les protéines qu’elle fabrique, tout ce qu’elle secrète – va être établi, et comparé à celui d’ILC provenant de patients « contrôles ».
« Sylvain va devoir être très réactif dès qu’un échantillon nous parvient car les ILC sont des cellules très fragiles, qu’on ne peut pas conserver, et qui devront être analysées dans les 24h ! » ajoute Rachel Golub. Résultats dans quelques mois…