Les extrémophiles sont des organismes qui ont évolué afin de prospérer dans des conditions environnementales extrêmement hostiles. La capacité de survie de ces organismes dans ces milieux et, surtout, la faculté des appendices extracellulaires, comme les pili, à rester stables, ont toujours laissé les scientifiques perplexes. Des chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec des confrères de l’Université de Virginie, ont démontré que la quasi-indestructibilité des pili était liée aux sucres. Leurs conclusions ont été publiées dans la revue Nature Microbiology.
Les virus infectant les archées (organismes unicellulaires) extrémophiles sont sans équivalents au sein de la virosphère à laquelle ils appartiennent. Il était donc probable que leur mode d’interaction avec leurs hôtes soit également unique. Des chercheurs de l’unité Biologie moléculaire du gène chez les extrémophiles de l’Institut Pasteur ont découvert que l’un de leurs virus modèles reconnaissait sa cellule hôte en se fixant aux pili de type IV de sa surface. Ils n’ont cependant pas été en mesure d’identifier la protéine constitutive de ces pili via des techniques classiques comme la spectrométrie de masse. L’identité de cette protéine a donc été directement déterminée par association de la cryo-microscopie à des analyses bioinformatiques.
Une protection de sucre autour des pili
Les chercheurs, en collaboration avec une équipe de l’Université de Virginie (États-Unis), ont reconstruit la structure du pilus à une résolution de 4,1 Å, expliquant la grande stabilité de ce dernier et sa résistance aux analyses protéomiques. Les données structurales ont montré que la glycosylation (enrobage de sucre) était responsable de la solubilité du pilus hautement hydrophobe, mais également de son extrême stabilité.
« Les pili de type IV sont également répandus dans les bactéries, dont les pathogènes humains, tels que Neisseria gonorrhoeae et Pseudomonas aeruginosa. Toutefois, contrairement à leurs homologues extrémophiles, les pili bactériens ne sont pas aussi bien protégés et ne survivraient pas longtemps à des conditions extrêmes », déclare Mart Krupovic, chef de groupe au sein de l’unité Biologie moléculaire du gène chez les extrémophiles de l’Institut Pasteur. « L’important enrobage de sucre des extrémophiles compte parmi les nombreuses adaptations qu’ils ont développées pour résister aux conditions les plus hostiles.Nous avons encore beaucoup à apprendre d’eux », ajoute-t-il.
Vers une enveloppe protéique indestructible
Les recherches expliquent comment les complexes macromoléculaires restent stables en présence d’une température particulièrement élevée et d’un pH hautement acide. Ces résultats constituent une première étape dans l’exploitation des solutions moléculaires inventées par les extrémophiles pour améliorer la stabilité des protéines utilisées dans différentes applications de biologie moléculaire, diagnostic et biomédecine.
NB : ces recherches ont reçu le soutien des Instituts nationaux de santé (NIH) – subventions GM122510 et GM123089 –, ainsi que celui de l’Agence nationale de la recherche, projet ENVIRA, subvention ANR-17-CE15-0005-01. M. Kreutzberger a bénéficié de la subvention T32 GM080186 des NIH.
Source
An extensively glycosylated archaeal pilus survives extreme conditions, Nature Microbiology, May 20th, 2019
Fengbin Wang1, Virginija Cvirkaite-Krupovic2, Mark A. B. Kreutzberger1, Zhangli Su1, Guilherme A. P. de Oliveira1, Tomasz Osinski1, Nicholas Sherman3, Frank DiMaio4, Joseph S. Wall5, David Prangishvili2, Mart Krupovic2* and Edward H. Egelman1*
1 Department of Biochemistry and Molecular Genetics, University of Virginia, Charlottesville, VA, USA
2 Unité de Biologie Moléculaire du Gène chez les Extrêmophiles, Institut Pasteur, Paris, France
3 Department of Microbiology, Immunology and Cancer Biology, University of Virginia, Charlottesville, VA, USA
4 Department of Biochemistry, University of Washington, Seattle, WA, USA
5 Brookhaven National Laboratory, Upton, NY, USA
* corresponding authors.