Une bactérie porte son nom. Il reçut il y a tout juste 100 ans un prix Nobel pour ses travaux sur l’immunité. Découvreur en série, l’homme était aussi réputé pour sa grande modestie et son humanité.
Grâce à une bourse du gouvernement belge, Jules Bordet entre à 24 ans à l’Institut Pasteur dans le laboratoire d’Elie Metchnikoff, un pionnier de l’immunologie. Nous sommes en 1894, année faste pour les pasteuriens : Yersin découvre le bacille de la peste, Roux la sérothérapie antidiphtérique, Calmette celle contre les venins. Le jeune médecin belge, vite adopté par le premier cercle des pasteuriens, veillera l’année suivante Louis Pasteur sur son lit de mort.
Des découvertes majeures en immunologie
Très vite, il fait des découvertes majeures en immunologie, aux nombreuses applications médicales, qui forgent sa renommée. En 1900, il retourne en Belgique sur proposition du Conseil provincial du Brabant comme premier directeur de l’Institut antirabique et bactériologique de la province, bientôt rebaptisé « Institut Pasteur du Brabant », et reviendra régulièrement donner des cours à l’Institut Pasteur de Paris. Il découvre la bactérie de la coqueluche en 1906 (lire plus bas « Le bacille de Bordet père… et fils »).
En savoir plus sur Jules Bordet de 1894 à 1919.
Le prix Nobel de médecine 1919
Autre date importante : 1919. En mission aux États‑Unis, en 1920, Jules Bordet apprend que le prix Nobel de médecine 1919 lui a été attribué pour la mise en évidence du rôle des anticorps et du complément (le complément est constitué par un ensemble de protéines et glycoprotéines, dont la plupart se trouvent dans le sérum sanguin).
Pour ce prix Nobel lui a-t-il été attribué et remis un an plus tard ? « Durant le processus de sélection en 1919, le comité Nobel de physiologie ou de médecine décida qu’aucune des nominations de l’année en cours ne répondait aux critères énoncés dans le testament d’Alfred Nobel. Selon les statuts de la Fondation Nobel, le prix Nobel peut dans ce cas être réservé jusqu’à l’année suivante », peut-on lire sur le site officiel des Prix Nobel. En application de ce statut, Jules Bordet ne reçoit qu'en 1920 le prix Nobel de 1919.
Son traité de l’immunité dans les maladies infectieuses, une bible de l’immunologie
Premier Belge à recevoir cette récompense, il est accueilli en héros à son retour au pays. Puis paraîtra son Traité de l’immunité dans les maladies infectieuses, longtemps considéré comme la bible de l’immunologie. De 1934 à 1940, il est appelé à présider le Conseil scientifique de l’Institut Pasteur à Paris. C’est un de ses trois enfants, Paul, qui lui succède ensuite à la direction de l’Institut Pasteur à Bruxelles. Pour les 80 ans du grand homme de science, un hommage mémorable lui est rendu en présence de la reine Elisabeth de Belgique.
Et on retient aussi de Jules Bordet l’homme de cœur, qui œuvra pour la protection de l’enfance ou contribua à la création d’une fondation pour l’accès à l’université de jeunes belges défavorisés. Mort à 91 ans, il était resté le dernier des grands disciples de Louis Pasteur.
Le bacille de Bordet père… et fils
En 1900, à l’Institut Pasteur à Paris, Jules Bordet observe un bacille de très petite taille présent en abondance dans les expectorations recueillies lors des quintes de toux d’un enfant coquelucheux. Mais il ne parvient pas à le cultiver. Six ans plus tard, à Bruxelles, son fils Paul (celui‑là même qui lui succédera à la tête de l’Institut Pasteur du Brabant), âgé de quelques mois, est à son tour atteint de coqueluche. Son père réussit cette fois à isoler le germe, grâce à un milieu de culture conçu avec son collègue Octave Gengou. Il montre aussi que la bactérie contient une toxine nécrosante responsable des lésions des voies respiratoires à l’origine de la toux si caractéristique de l’infection, qui évoque le chant du coq. La découverte du bacille coquelucheux, plus tard baptisé Bordetella pertussis, permettra rapidement la mise au point d’un vaccin efficace…
Repères
- 13 juin 1870
Naissance à Soignies (Belgique). - 1886
Études de médecine à l’Université Libre de Bruxelles. - 1892
Docteur en médecine. - 1894-1901
Entre à l’Institut Pasteur à Paris, dans le laboratoire d’Elie Metchnikoff, un pionnier de l’immunologie.
Fait des découvertes majeures sur l’immunité, notamment le rôle du “complément”.
Met au point des méthodes de sérodiagnostic et le diagnostic médico‑légal des tâches de sang. - 1897
Mission sur la peste bovine au Transvaal (Afrique du Sud).
Participe à la mise au point d’une méthode d’immunisation contre cette maladie. - 1901-1940
Directeur de l’Institut antirabique et bactériologique du Brabant à Bruxelles, rebaptisé Institut Pasteur en 1903. - 1901-1903
Une méthode conçue avec Octave Gengou est appliquée au diagnostic de la fièvre typhoïde, de la peste, du charbon et du rouget du porc. - 1906
Isole le bacille de la coqueluche (Bordetella pertussis). - 1914-1920
Rédige et publie son Traité de l’immunité dans les maladies infectieuses. - 1919
Prix Nobel pour ses travaux sur l’immunité. - 1930
Préside le 1er congrès international de microbiologie, à Paris. - 1938
Grand‑Croix de la Légion d’honneur pour services rendus à la culture française. - 1934-1940
Préside le Conseil scientifique de l’Institut Pasteur à Paris. - 1950
Manifestation d’hommage organisée par les Instituts Pasteur de Paris et du Brabant, et l’Université Libre de Bruxelles, en présence de la Reine Elisabeth de Belgique. - 6 avril 1961
Décès à Bruxelles. Funérailles nationales.