La Professeure Agnes Ullmann, s’est éteinte le 25 février 2019, à l’âge de quatre-vingt-douze ans. Proche collaboratrice de Jacques Monod et scientifique de renommée internationale, elle a participé à l’essor exceptionnel de la biologie moléculaire dans les années soixante.
« Agnes Ullmann vient de nous quitter à l’issue d’une longue maladie, laissant un vide profond chez celles et ceux qui furent ses collaborateurs et amis, au cours de ses années de recherche à l’Institut Pasteur, et parmi de nombreux collègues aux USA, en Grande-Bretagne et dans le monde de la biologie moléculaire !
D’origine roumaine, c’est en Hongrie, à l’université de Budapest, qu’elle obtient son doctorat ès sciences, et devient maître de conférences. Mais le contexte scientifique devient de plus en plus difficile pour elle et son mari, le biologiste Tom Erdös. Elle décide de fuir la Hongrie. C’est en France, à l’Institut Pasteur à Paris, dans le laboratoire de Jacques Monod, alors chef du service de Biochimie cellulaire, qu’après un périple mouvementé, elle aboutit finalement, en 1958. Jacques Monod lui conseille alors de se joindre à ma propre équipe ! Douée d’une exceptionnelle « vitalité », d’une ardeur sans pareil pour la recherche, elle ne tarde pas à prendre une part importante aux travaux concernant la biosynthèse des protéines en système cellulaire, et le mode d’action de la streptomycine.
Cependant, les années qui suivent l’arrivée d’Agnes en France, au sein du laboratoire de Jacques Monod, comme dans ceux de François Jacob et d’André Lwoff, sont contemporaines d’un essor exceptionnel des travaux pasteuriens menés, principalement, sur la régulation génétique, le modèle de l’opéron lactose, le répresseur. Agnès, de plus en plus intégrée à l’Institut Pasteur, prendra une part grandissante aux recherches concernant la régulation négative et l’allostérie, participant aux travaux sur le promoteur lactose, sur les propriétés allostériques de la phosphorylase b du muscle, et démontrera l’effet antagoniste qu’exerce l’AMP cyclique sur la répression catabolique chez Escherichia coli.
En 1966, elle acquiert la nationalité française. Nommée à la tête de l’unité de Biochimie des régulations cellulaires, elle apportera une importante contribution à l’étude de la toxine de Bordetella pertussis, l’agent de la coqueluche, une adenylate-cyclase dont certaines formes, génétiquement modifiées, permettent d’établir une immunité cellulaire contre l’agent infectieux.
Agnes Ullmann n’était pas seulement estimée de tous les pasteuriens. Elle jouissait d’une solide réputation internationale, notamment en Grande-Bretagne et aux USA, auprès de grands noms de la biologie, tels Francis Crick, Sydney Brenner, Melvin Cohn, Edmond Fischer… Les trois pasteuriens prix Nobel, Jacques Monod, François Jacob et André Lwoff, avaient pour elle une très grande estime. Elle le devait, certes, à ses travaux scientifiques, à ses remarquables ouvrages écrits dans un style direct, révélateurs d’une personnalité scientifique marquante. Mais elle le devait également à son tempérament entier, passionné, à son dynamisme incomparable, à sa générosité.
L’Institut Pasteur, ses collaborateurs et amis, perdent une grande et attachante figure. »
François Gros,
Ancien directeur général de l’Institut Pasteur de 1976 à 1982, Secrétaire perpétuel de 1991 à 2000 et Secrétaire perpétuel honoraire depuis janvier 2001 de l’Académie des sciences
Agnes Ullmann a été affiliée à la fois au CNRS (de 1962 à 1992) et à l’Institut Pasteur (1978 à 1996). Outre la direction de l’unité de Biochimie des régulations cellulaires de 1979 à 1996, elle a été directrice scientifique du développement à l’Institut Pasteur entre 1982 et 1995 sous la direction du Professeur Raymond Dedonder, puis du Professeur Maxime Schwartz. Au moment de son départ à la retraite, elle était directrice de recherche au CNRS et professeure à l’Institut Pasteur. Par la suite, chercheuse émérite, elle a continué à travailler à l’Institut Pasteur.
Elle était Chevalier de l‘Ordre National du Mérite, Chevalier de la Légion d’Honneur, récipiendaire de la médaille d’or Louis Pasteur (Académie des sciences) et membre de l’EMBO.