Des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS viennent de démontrer qu’il est possible de détruire la paroi d’une bactérie, simplement en perturbant l’assemblage de deux protéines. Ils se sont penchés sur Helicobacter pylori, une bactérie modèle pour ce type d’études. Leurs travaux ont permis d’observer la structure d’un complexe protéique, indispensable à la synthèse de cette paroi. Et ils ont apporté la preuve qu’en bloquant la formation de ce complexe, la bactérie meurt. Un scénario qui pourrait être reproduit, comme stratégie thérapeutique, pour la détruire.
Comment les bactéries synthétisent-elles leur paroi ? C’est en cherchant à répondre à cette question que des équipes de l’Institut Pasteur et du CNRS travaillent sur Helicobacter pylori, une bactérie connue pour infecter la muqueuse gastrique (voir dossier Les cancers d’origine infectieuse) et dont la structure externe est particulièrement étudiée : « C’est une bactérie modèle, simple à observer », souligne Ivo Gomperts Boneca, responsable du laboratoire Biologie et génétique de la paroi bactérienne à l’Institut Pasteur.
Jusqu’à présent, la communauté scientifique savait que la synthèse de la paroi bactérienne impliquait toute une machinerie protéique. « En 2011, nous avions identifié en particulier un complexe formé de deux protéines, PBP2 et MreC, dont l’assemblage se révélait essentiel au fonctionnement de la bactérie1. Ce complexe protéique est nécessaire à l’élongation de la bactérie, qui sinon aurait une forme ronde. » Le complexe est d’ailleurs appelé élongasome. Or, la forme allongée qu’il confère à la bactérie est liée à la capacité de la bactérie à coloniser la paroi de l’estomac.
La bactérie perd sa forme allongée et meurt
Dans les travaux de 2017, « des techniques de cristallographie nous ont permis d’aller plus loin, de connaître précisément la structure du complexe PBP2-MreC et d’observer ce qui se passait quand ce duo de protéines dysfonctionne. » Résultat : si on perturbe l’association des deux protéines entre elles, non seulement Helicobacter pylori ne peut plus s’allonger, mais elle finir par mourir.
« Une stratégie nouvelle pour vaincre les bactéries serait d’identifier des molécules, des produits naturels issus de plantes ou de champignons, qui empêchent l’assemblage de ce complexe protéique. » C’est l’objet des futures recherches de l’équipe d’Ivo Gomperts Boneca, qui précise : « On a déjà identifié, au cours de nos travaux, une molécule qui perturbe cet assemblage. Nous devons continuer en testant d’autres molécules. »
Ce projet a été financé par le CNRS, l’Institut Pasteur, la Fondation pour la Recherche Médicale, l’European Research Council et les Investissements d’Avenir (Labex IBEID).
1. Characterization of the elongasome core PBP2 : MreC complex of Helicobacter pylori. Meriem El Ghachi, Pierre-Jean Matteï, Chantal Ecobichon, Alexandre Martins, Sylviane Hoos, Christine Schmitt, Frédéric Colland, Christine Ebel, Marie-Christine Prévost, Frank Gabel, Patrick England, Andréa Dessen and Ivo G. Boneca. Molecular Microbiology, Juillet 2011.
Source
Molecular architecture of the PBP2–MreC core bacterial cell wall synthesis complex, Nature Communications, 03 octobre 2017.
Carlos Contreras-Martel1, Alexandre Martins1, Chantal Ecobichon2,3, Daniel Maragno Trindade4, Pierre-Jean Matteï1, Samia Hicham 2,3, Pierre Hardouin1, Meriem El Ghachi2,3, Ivo G. Boneca2,3*, and Andréa Dessen1,4*
1. Université Grenoble Alpes, CNRS, CEA, Institut de Biologie Structurale (IBS), Bacterial Pathogenesis Group, F- 38044 Grenoble, France.
2. Institut Pasteur, Group Biology and Genetics of the Bacterial Cell Wall, F-75015 Paris, France.
3. INSERM, Groupe Avenir, F-75015 Paris, France
4. Brazilian Biosciences National Laboratory (LNBio), CNPEM, Campinas 13084-971, São Paulo, Brazil
Les cancers d'origine infectieuse