Quelques semaines après la parution du livre Le moustique, ennemi public n°1 ? , publié aux éditions Quae, Anna-Bella Failloux, chercheuse à l’Institut Pasteur et co-autrice du livre, revient sur l'expertise pasteurienne sur les maladies à transmission vectorielle.
Dengue, chikungunya, fièvre jaune, Zika… Tant de noms de maladies que l’on a appris à redouter, mais sans forcément comprendre comment elles peuvent arriver jusqu’à nous. C’est l’objet du livre Le moustique, ennemi public n°1 ?, paru le 1er décembre 2022 aux éditions Quae. Ce livre a été coécrit par Anna-Bella Failloux, cheffe de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs à l’Institut Pasteur. Ses travaux se concentrent principalement sur les façons dont les arbovirus, un ensemble de virus transmis par les moustiques, peuvent par ce biais contaminer les animaux vertébrés tels que les humains.
Anna-Bella Failloux.
Crédit : Institut Pasteur/V. Zeitoun
Sur les 3500 espèces de moustiques présentes sur terre, seul 15% d’entre elles piquent les humains.
Contrairement à ce que l’on peut penser, les moustiques ne se nourrissent pas de sang, mais de nectar de fleurs. Seules les femelles peuvent avoir besoin de sang pour, spécifiquement, fabriquer leurs œufs. « Sur les 3500 espèces de moustiques présentes sur terre, seul 15% d’entre elles piquent les humains » explique Anna-Bella Failloux. « Or, un seul moustique peut porter près de dix milliards de particules virales sans subir lui-même d’effets délétères. C’est pour cela que l’on peut appeler ces moustiques des réservoirs à virus. »
Voir aussi : MOOC Medical entomology - Insect vectors and transmission of pathogens
Gardons cependant en tête qu’un moustique ne pique pas l’humain avec pour intérêt de transmettre le virus : c’est plutôt le virus qui infecte le moustique pour finalement être transmis à l’humain. Hormis cela, les moustiques sont des pollinisateurs qui permettent à des espèces florales de se développer. Ils sont aussi un maillon de la chaîne alimentaire, et participent en outre à la régulation des populations animales.
L’Institut Pasteur mobilisé face aux maladies à transmissions vectorielles
Deux espèces de moustiques représentent indirectement une menace pour les populations humaines : le moustique tigre Aedes albopictus et son cousin Aedes aegypti. Ce sont les vecteurs d’arbovirus responsables de maladies graves telles que la dengue, le chikungunya, ou encore Zika. Leurs œufs peuvent survivre plusieurs mois dans des milieux secs tels que les pneus, ce qui leur permet de franchir rapidement les distances. Les moustiques du genre Culex peuvent quant à eux être transportés par les oiseaux migrateurs, et transmettre des virus comme celui de la Fièvre du Nil Occidental ou le virus d’Usutu.
A écouter : le podcast Maladies à transmission vectorielle, une vague à endiguer
Le territoire français, si on inclut les territoires ultramarins, est particulièrement exposé à ces moustiques vecteurs. Par exemple, le virus Zika a émergé en Polynésie, avant de se répandre en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique. Face à ces émergences, le Pasteur Network est en première ligne. A Paris, le cours d’entomologie médicale, dispensé à l’Institut Pasteur depuis 1988, forme des experts du monde entier. Anna-Bella Failloux et Didier Fontenille, un autre co-auteur du livre, l’ont eux-mêmes suivi.
Voir aussi : Le cours d’entomologie médicale de l’Institut Pasteur fête ses 30 ans
« Beaucoup d’enseignements ont tendance à évoluer voire à disparaître au gré des évolutions technologiques », déplore Anna-Bella. « Mais ce cours est le seul à être encore enseigné après plus de trente ans. » Une expertise pasteurienne qui fait partie d’un réseau national et multidisciplinaire de surveillance et de recherche sur les maladies à arbovirus.
Dès 2026, le Centre des maladies à transmission vectorielle de l’Institut Pasteur sera inauguré. Les chercheurs y étudieront de manière spécifique les arthropodes vecteurs (moustiques, tiques, puces, phlébotomes, mouches…). Une quasi-première dans le monde, qui représentera une nouvelle force dans la lutte de ces maladies.
Lire le livre :
Lecollinet, S., Fontenille, D., Pagès, N., & Failloux, A. (2022). Le moustique, ennemi public n° 1 ? (French Edition) (1st ed.). Quae.
- Sylvie Lecollinet est vétérinaire et virologue au Cirad. Elle travaille sur les zoonoses et en particulier celles transmises par les vecteurs moustiques et tiques.
- Didier Fontenille est directeur de recherche à l’IRD et entomologiste médical. Il développe des activités de recherche et d’expertise sur la transmission vectorielle du paludisme et d’arboviroses.
- Nonito Pagès est entomologiste médical et responsable du Centre de recherche et de veille sur les maladies vectorielles dans la Caraïbe au Cirad. Il étudie plus particulièrement les interactions entre les arthropodes vecteurs et les bactéries ou les virus qu’ils portent.
- Anna-Bella Failloux est professeure en entomologie médicale et cheffe de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs de l’Institut Pasteur. Ses travaux se concentrent principalement sur les interactions arbovirus-moustiques.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.