Pathogènes transmis par les tiques, les flavivirus peuvent provoquer des maladies graves, comme des atteintes neurologiques. Une étude menée à l’Institut Pasteur décrypte comment ces virus parviennent à passer entre les mailles de l’immunité.
Les flavivirus sont des pathogènes transmis par des vecteurs : des insectes comme les moustiques ou des acariens comme les tiques. En Europe, la tique est le vecteur qui transmet le plus de maladies virales, notamment l’encéphalite à tique, provoquant des troubles neurologiques. Ces virus se transmettent directement par piqûres, mais aussi en infectant du bétail comme les chèvres, et peuvent ensuite atteindre les populations humaines par la consommation de fromage au lait cru. « Le dernier foyer en France s’est établi à partir d’une fromagerie dans l’Ain au printemps 2020, développe Nolwenn Jouvenet, responsable de l’unité Signalisation antivirale à l’Institut Pasteur. Les virus responsables sont donc à surveiller de près. » Il s’agit d’un enjeu de santé publique majeur dans les régions tempérées, y compris aux États-Unis, où l’on observe déjà une recrudescence des maladies associées à ces virus.
Une protéine qui bloque une voie de l’immunité
Ces virus ont de plus la capacité à échapper au système immunitaire inné, la première ligne de défense de notre immunité. Si ce phénomène était déjà étudié pour les flavivirus transmis par les moustiques, le mécanisme de cet échappement n’était pas connu pour ceux transmis par les tiques. « Ces virus codent 10 protéines, dont la protéine NS5. Nous avons découvert que cette protéine interagissait avec une enzyme très importante de l’immunité innée, explique Ségolène Gracias, ingénieure dans l’unité de Nolwenn Jouvenet et première autrice de l’étude. Bien que la protéine NS5 des flavivirus de moustiques soit également capable de contrecarrer la réponse immunitaire, elle le fait en ciblant une autre protéine cellulaire. C’est donc un nouveau mécanisme d’échappement que nous avons mis en évidence. »
En s’accrochant à cette enzyme, la protéine NS5 bloque toute une cascade de réaction qui aboutit normalement à la production d’interféron, des molécules qui signalent la présence du virus aux cellules et empêchent sa réplication. Comprendre ce processus est une étape cruciale pour lutter contre ces virus. « Nous espérons que cette découverte guidera une stratégie vaccinale, comme le développement d’un vaccin vivant atténué codant pour une protéine NS5 modifiée qui serait incapable d’inhiber la réponse interféron », poursuit Nolwenn Jouvenet. Ce type de vaccin, déjà utilisé contre le flavivirus qui cause la fièvre jaune, induit une protection très efficace. « C’est en caractérisant les interactions entre virus et cellules que nous pourrons au final améliorer notre panel thérapeutique. »
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Source
Tick-borne flavivirus NS5 antagonizes interferon signaling by inhibiting the catalytic activity of TYK2, EMBO Reports, 20 octobre 2023 - https://doi.org/10.15252/embr.202357424