Traitement désormais largement utilisé contre les cancers, l’immunothérapie continue pourtant d’intéresser la recherche et de nous en apprendre plus sur notre système immunitaire. Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Institut Pasteur identifie en effet un nouveau mode d’action des anticorps anti-PD1, une immunothérapie très répandue.
Depuis les années 2010, de nouveaux traitements ont massivement fait leur entrée pour lutter contre les cancers : les immunothérapies. Il en existe aujourd’hui de nombreuses différentes, dont le but général est d’aider le système immunitaire du patient à lutter lui-même contre les cellules cancéreuses. Ces thérapies innovantes ont d’ailleurs fait l’objet du prix Nobel de médecine de 2018.
Parmi ces thérapies, les anticorps anti-PD1 sont utilisés pour traiter différents types de cancers comme les cancers du poumon, du rein ou de la peau. Il s’agit d’un traitement efficace, durable chez un certain nombre de patients. Jusqu’ici, son mode d’action semblait bien connu. Dans la tumeur, certains globules blancs, des lymphocytes T, se mettent à exprimer le récepteur PD1 qui, lorsqu’il interagit avec les cellules cancéreuses, transmet un signal négatif qui empêche les lymphocytes T de détruire les tumeurs. « Les anticorps anti-PD1, en bloquant ce récepteur, vont revigorer les cellules tueuses de l’immunité », explique Philippe Bousso, responsable de l’unité Dynamiques des réponses immunes à l’Institut Pasteur.
Un mécanisme d’action spécifique dans le ganglion
Le mécanisme des anticorps anti-PD1 dans la tumeur elle-même était donc bien identifié. Mais ce que l’équipe de Philippe Bousso a découvert, c’est que ce n’est pas le seul endroit où ils agissent. Les anticorps étant injectés dans la circulation sanguine, on les retrouve en effet partout dans l’organisme, et notamment dans les ganglions, les organes où débutent beaucoup de réponses immunitaires. « Un premier résultat, c’est que dans le ganglion, les anticorps vont mobiliser de nouveaux lymphocytes pour aller combattre la tumeur, explique Marion Guérin, chercheuse dans l’unité de Philippe Bousso. Le second résultat, c’est que le mode d’action de l’anticorps est très différent dans le ganglion que dans la tumeur. »
En effet, alors que dans la tumeur les anticorps se fixent sur les cellules tueuses, c’est-à-dire les lymphocytes T CD8, ils interagissent bien plus avec certains lymphocytes T CD4, les cellules T auxiliaires folliculaires, dans le ganglion. Ces cellules T auxiliaires folliculaires n’attaquent pas directement la tumeur, mais elles sécrètent une molécule, appelée interleukine 4, qui va stimuler la prolifération des cellules tueuses.
Les cellules T auxiliaires folliculaires sont les principales cellules ciblées par l'anticorps anti-PD-1, dans les ganglions lymphatiques qui drainent les tumeurs.
Crédit : Institut Pasteur - Margot Bardou- Mathilde Ruggiu- Marion Guérin – Philippe Bousso
Mettre en lumière le rôle clé du ganglion dans l’immunothérapie
« Toute cette chaîne de réactions a un vrai impact sur la réponse antitumorale, souligne Marion Guérin. Les cellules ainsi recrutées sortent du ganglion et rejoignent la tumeur pour amplifier la réponse immunitaire qui s’y est déjà mise en place. » C’est donc un mécanisme majeur dans l’efficacité de l’immunothérapie par anticorps anti-PD1 que les chercheurs ont mis au jour. Ces résultats mettent en évidence le rôle des ganglions dans la réponse immunitaire contre la tumeur, et sont donc à prendre en compte pour le suivi thérapeutique des patients. Par exemple, chez un patient qui doit subir une chirurgie qui lui retire le ganglion, il est important de déterminer s’il doit recevoir des anticorps avant ou après l’opération, afin d’en tirer le meilleur profit.
Cette étude pointe aussi les lymphocytes T CD4 et l’interleukine 4 qu’elles produisent comme des paramètres intéressants qui doivent être pris en compte dans un traitement par immunothérapie pour maximiser son efficacité. Les cellules auxiliaires folliculaires représentent aussi une piste intéressante pour développer des traitements, lorsque la réponse du patient aux anticorps est incomplète, ou en cas de rechute. « Ce sont des cibles très intéressantes pour développer de nouvelles approches thérapeutiques », estime Philippe Bousso.
Source :
Anti-PD-1 therapy triggers Tfh cell–dependent IL-4 release to boost CD8 T cell responses in tumor-draining lymph nodes, Journal of Experimental Medicine, February 28 2024