La collaboration entre une équipe de l’Institut Pasteur et une équipe espagnole de l’université autonome de Madrid a permis la découverte d’une nouvelle famille d’ADN polymérases capables de démarrer et de répliquer l’ADN sans l’aide d’autres protéines. Toutes les ADN polymérases connues jusque-là avaient besoin d’une amorce, qui peut provenir d’une autre protéine ou d’un fragment d’ADN ou d’ARN préexistant. La découverte d’une ADN polymérase qui peut démarrer seule la synthèse d’ADN, publiée dans la revue Cell Reports, a un grand intérêt évolutif et biotechnologique.
Les ADN polymérases sont des enzymes, présentes dans les cellules ou les virus, qui interviennent dans le processus de réplication de l’ADN. Depuis la découverte de la première ADN polymérase, en 1958, sept familles d’ADN polymérases ont été décrites (A, B, C, D, X, Y et RT), chacunes avec des propriétés biochimiques différentes. Elles ont cependant toutes un point commun. Elles ne peuvent ajouter de nouveaux nucléotides (les briques de l’ADN) à un brin d’ADN ou d’ARN qu’à partir d’une amorce et d’un brin d'ADN déjà existant servant de modèle ; en recopiant un brin complémentaire d’ADN.
Mart Krupovic, de l’Institut Pasteur, et Modesto Redrejo, de l’université autonome de Madrid, et leurs collaborateurs, ont découvert chez la famille B un sous-groupe d’ADN polymérases qui peut directement placer un premier nucléotide en face du nucléotide complémentaire pour commencer la synthèse. Elles n’ont donc pas besoin d’une amorce (ou primer en anglais) pour ancrer de nouveaux nucléotides. La possibilité de copier l’ADN sans avoir besoin d’un initiateur peut être utile pour amplifier l’ADN et la simplicité de ce nouveau mécanisme de réplication pourrait permettre des applications multiples, ce qui a conduit les scientifiques à soumettre une demande de brevet européen.
Ces ADN polymérases autonomes sont codées par un nouveau type de groupe de gènes mobiles que Mart Krupovic a découvert chez les bactéries et qu’il a baptisé Pipolins, pour primer independent polymerase. Les Pipolins sont les premiers éléments génomiques mobiles capables de se répliquer eux-mêmes découverts chez les bactéries. Leur étude pourrait ouvrir de nouvelles perspectives sur les mécanismes de transfert de gènes chez les microorganismes.
Source
Primer-Independent DNA Synthesis by a Family B DNA Polymerase from Self-Replicating Mobile Genetic Elements, Cell reports, 7 novembre 2017.
ModestoRedrejo-Rodríguez1, Carlos D. Ordóñez1, Mónica Berjón-Otero1, Juan Moreno-González1, Cristian Aparicio-Maldonado1, Patrick Forterre2, Margarita Salas1, Mart Krupovic2
1. Centro de Biología Molecular “Severo Ochoa,” Consejo Superior de Investigaciones Científicas and Universidad Autónoma de Madrid, Universidad Autónoma, Cantoblanco, 28049 Madrid, Spain
2. Institut Pasteur, Unité Biologie Moléculaire du Gène chez les Extrêmophiles, Paris, France