On sait depuis 2003, grâce à des chercheurs de l’Institut Pasteur, qu’il existe une part génétique dans l’autisme. Cette même équipe a étudié l’impact de diverses mutations sur les symptômes de ces troubles.
Si les personnes autistes partagent des troubles de l’interaction sociale et des intérêts restreints et stéréotypés, il n’y a pas une seule forme d’autisme car ces symptômes peuvent varier en intensité. L’autisme est aussi souvent associé à d’autres conditions comme la déficience intellectuelle, l’épilepsie ou le mutisme. Cette hétérogénéité complique l’étude de l’autisme, en particulier lorsque les chercheurs veulent comprendre la part de génétique impliquée dans ces troubles.
Depuis 2003, grâce à l’équipe de Thomas Bourgeron à l’Institut Pasteur, on sait qu’il existe une part génétique dans l’autisme. Diverses mutations ont ensuite été identifiées comme des facteurs de prédisposition.
En collaboration avec une équipe de Cambridge, des chercheurs de l’Institut Pasteur ont étudié le génome de 24 000 patients autistes. Ils ont étudié la corrélation entre leurs génomes et les différents symptômes des patients, les troubles du développement associés, la présence ou non d’une déficience intellectuelle et le sexe des patients. Les chercheurs ont dans un premier temps défini 6 facteurs principaux de l’autisme. Ils ont ensuite regardé l’effet des mutations de novo et des scores polygéniques sur ces facteurs. Les mutations de novo sont des mutations présentes chez l’enfant autiste ou non autiste mais absente du génome des parents. Les scores polygéniques (PGS) sont calculés à partir d’analyses d’associations génétiques sur génome entier (GWAS) pour différents traits comme par exemple l’autisme, les troubles de déficit de l’attention et de l’hyperactivité (TDAH), ou encore, le nombre d’années d’étude. Un PGS est la somme de tous les effets des variants fréquents dans le génome pour un trait donné. Les personnes avec un PGS élevé pour l’autisme ont une probabilité plus élevée d’être diagnostiquées autistes.
« Les scores polygéniques permettent d’estimer la contribution des variations génétiques fréquentes dans la population au développement de l’autisme. Ces variations génétiques ont des effets très faibles sur l’autisme, les TDAH ou le nombre d’années d’étude, mais il en existe une grande variété et leur effet cumulatif peut augmenter ou diminuer la probabilité d’être autiste ou la sévérité du trouble », explique Freddy Cliquet, ingénieur de l’unité Génétique humaine et fonctions cognitives à l’Institut Pasteur.
Grâce à cette étude, l’équipe a pu déterminer des différences entre hommes et femmes pour certains facteurs de l’autisme. Par exemple, l’automutilation est un comportement plus fréquent chez les femmes autistes que chez les hommes autistes et les hommes autistes ont plus souvent des troubles du langage plus sévères que les femmes autistes. Concernant l’architecture génétique, la présence d’une mutation de novo impacte principalement le quotient intellectuel des autistes. Les auteurs ont aussi constaté que les personnes avec des PGS élevés pour le TDAH ont des scores plus sévères d’autisme. Ces mêmes scores de sévérités d’autisme sont en revanche plus bas pour des personnes avec des PGS élevés pour le nombre d’années d’étude.
Thomas Bourgeron, responsable de l’unité Génétique humaine et fonctions cognitives à l’Institut Pasteur.
Pour la première fois à cette échelle, nous pouvons aller plus loin que la simple association entre un gène et l’autisme. Nous pouvons comprendre l’effet des différentes architectures génétiques de l’autisme sur les différentes composantes de ce syndrome complexe.
« Pour la première fois à cette échelle, nous pouvons aller plus loin que la simple association entre un gène et l’autisme. Nous pouvons comprendre l’effet des différentes architectures génétiques de l’autisme sur les différentes composantes de ce syndrome complexe. Ces résultats nous renseignent sur les sous-types d’autisme afin que nous puissions par la suite trouver des accompagnements davantage adaptés à chaque personne autiste », explique Thomas Bourgeron, responsable de l’unité Génétique humaine et fonctions cognitives à l’Institut Pasteur.
L’article scientifique rendant compte de ces travaux a été lauréat du prix Gershon 2022 de l’article de l’année, décerné par la société internationale de génétique psychiatrique (ISPG, International Society of Psychiatric Genetics). Ce prix est décerné à un article portant sur des réalisations jugées exceptionnelles dans le domaine de la génétique psychiatrique au cours de la dernière année.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies de la connectivité cérébrale et maladies neurodégénératives du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Source
Genetic correlates of phenotypic heterogeneity in autism, Nature Genetics, 2 juin 2022
DOI : 10.1038/s41588-022-01072-5
Varun Warrier1#, Xinhe Zhang1, Patrick Reed1, Alexandra Havdahl2,3,4, Tyler M Moore5,6, Freddy Cliquet7, Claire S Leblond7, Thomas Rolland7, Anders Rosengren8,9, EU-AIMS-LEAP10, iPSYCH-Autism Working Group11, Spectrum 10K and APEX Consortia12, David H Rowitch13, Matthew E Hurles14, Daniel H Geschwind15,16,17,18, Anders D Børglum8,19,20, Elise B Robinson21,22,23, Jakob Grove8,19,20,24, Hilary C Martin14, Thomas Bourgeron7*, Simon Baron-Cohen1*
*Ces auteurs ont supervisé ce travail de manière conjointe.
- Autism Research Centre, University of Cambridge, UK
- Nic Waals Institute, Lovisenberg Diaconal Hospital, Oslo, Norway
- Department of Mental Disorders, Norwegian Institute of Public Health, Oslo, Norway
- PROMENTA Research Center, Department of Psychology, University of Oslo, Oslo, Norway
- Department of Psychiatry, University of Pennsylvania, Philadelphia, PA, USA
- Lifespan Brain Institute of the Children's Hospital of Philadelphia and University of Pennsylvania, Philadelphia, PA, USA
- Human Genetics and Cognitive Functions, Institut Pasteur, UMR3571 CNRS, Université de Paris, Paris, France
- The Lundbeck Foundation Initiative for Integrative Psychiatric Research, iPSYCH, Aarhus, Denmark
- Institute of Biological Psychiatry, MHC Sct Hans, Copenhagen University Hospital, Copenhagen, Denmark
- Group authorship: details at the end of the manuscript
- Group authorship: details at the end of the manuscript
- Group authorship: details at the end of the manuscript
- Department of Paediatrics, Cambridge University Clinical School, Cambridge, UK
- Human Genetics Programme, Wellcome Sanger Institute, Wellcome Genome Campus, Hinxton, UK
- Program in Neurobehavioral Genetics, Semel Institute, David Geffen School of Medicine, University of California, Los Angeles, Los Angeles, CA 90095, USA
- Department of Neurology, Center for Autism Research and Treatment, Semel Institute, David Geffen School of Medicine, University of California, Los Angeles, Los Angeles, CA 90095, USA
- Department of Psychiatry, Semel Institute, David Geffen School of Medicine, University of California, Los Angeles, Los Angeles, CA 90095, USA
- Department of Human Genetics, David Geffen School of Medicine, University of California, Los Angeles, Los Angeles, CA 90095, USA
- Center for Genomics and Personalized Medicine (CGPM), Aarhus University, Aarhus, Denmark
- Department of Biomedicine (Human Genetics) and iSEQ center, Aarhus University, Aarhus, Denmark
- Stanley Center for Psychiatric Research, Broad Institute of MIT and Harvard, Cambridge, Massachusetts, USA
- Analytic and Translational Genetics Unit, Department of Medicine, Massachusetts General Hospital, Boston, Massachusetts, USA
- Department of Epidemiology, Harvard T.H. Chan School of Public Health, Boston, Massachusetts, USA
- Bioinformatics Research Centre, Aarhus University, Aarhus, Denmark