La leptospirose est une zoonose ré-émergente qui touche plus d’un million de personnes et fait près de 60000 morts par an à travers le monde. Cette maladie transmise à l’homme via de l’eau douce contaminée par des bactéries du genre Leptospira a une incidence record en Océanie. Un groupe de chercheurs du Réseau international des instituts Pasteur coordonné par l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie vient de décrire 12 nouvelles espèces du genre Leptospira.
Les chercheurs de l’Unité de Recherche et d’Expertise sur la Leptospirose, dirigée par Cyrille Goarant, à l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie se sont intéressés à la diversité environnementale des leptospires et ont isolé ces bactéries à partir de prélèvements de sols dans des zones à risque de Nouvelle-Calédonie. Grâce à une collaboration avec l’Unité de Biologie des Spirochètes dirigée par Mathieu Picardeau à l’Institut Pasteur à Paris, les génomes complets de ces isolats ont pu être déterminés par la plateforme PIBnet1. A l’Institut Pasteur de Montevideo, l’unité de bio-informatique de Gregorio Iraola a ensuite conduit une analyse extensive de ces génomes, les comparant notamment aux génomes de Leptospira disponibles dans les bases de données. Ces analyses ont montré la présence de 12 espèces nouvelles dans chacun des 3 clusters du genre Leptospira (3 pathogènes, 5 intermédiaires et 4 saprophytes), révélant une biodiversité inattendue des leptospires dans les sols. Cette biodiversité inconnue et l’abondance révélée suggèrent que les sols constituent l’habitat originel du genre Leptospira. En parallèle, des expérimentations en modèle animal suggèrent que les 3 nouvelles espèces pathogènes, ainsi qu’une déjà décrite après son isolement de sols en Malaisie (Leptospira kmetyi, aussi retrouvée en Nouvelle-Calédonie dans cette étude), ne présentent pas de phénotype de virulence. L’analyse détaillée du génome accessoire du genre Leptospira étendu à ces nouvelles espèces éclaire le répertoire génétique et l’évolution vers la virulence dans ce genre bactérien complexe, suggérant notamment que la virulence a été acquise indépendamment dans les clusters « pathogènes » et « intermédiaires ».
Ces travaux, qui viennent d’être publiés dans la revue Microbial Genomics, fournissent de nouvelles informations sur l'évolution de la virulence au sein du genre Leptospira, mais posent également les bases d’une redéfinition de la classification des espèces pathogènes. Ils illustrent à la fois l’importance de l’implantation des membres du Réseau international des instituts Pasteur dans les zones hyper-endémiques et la nécessité de collaboration entre des équipes aux expertises complémentaires au sein de ce réseau.
(1) Pasteur International Bioresources network
Source: Roman Thibeaux; Gregorio Iraola; Ignacio Ferrés; Emilie Bierque; Dominique Girault; Marie-Estelle Soupé-Gilbert; Mathieu Picardeau; Cyrille Goarant. Deciphering the unexplored Leptospira diversity from soils uncovers genomic evolution to virulence. Microbial Genomics, 03 January 2018 doi: 10.1099/mgen.0.000144