Décidée en 2014 en réaction à la crise Ebola, la création de l’Institut Pasteur de Guinée marqua la volonté conjointe de la France et de la Guinée de renforcer durablement la lutte contre les épidémies émergentes au service de la population. Avec la survenue de la pandémie de Covid-19, comment ce jeune institut a pu répondre à ses missions de laboratoire de première ligne ?
Une montée en expertise pour devenir partie prenante de projets d’envergure sur la Covid-19
« Nous avons eu l’intuition qu’il y avait des variants présents en Guinée car les profils des courbes d’amplification de PCR étaient différents de ce que nous observions jusque-là » relate Dr Solène Grayo ; « nous ne disposions pas d’outils de séquençage pour déterminer les variants. Grâce au Pasteur Network, nous avons pu envoyer un panel d’échantillons à l’Institut Pasteur de Dakar qui nous a confirmé qu’il y avait des variants mais qu’il ne s’agissait pas de la majorité des échantillons»
L’impact potentiellement grave de la pandémie de Covid-19 sur les pays d'Afrique a conduit à mobiliser les dix instituts africains membres du Pasteur Network autour du projet REPAIR. Financé par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, l’objectif est de conduire un programme de recherche appliqué pour comprendre la circulation du SARS-CoV-2 sur le continent africain. En intégrant ce projet et plus particulièrement sur les volets du diagnostic, du séquençage et de la recherche épidémiologique, l’Institut Pasteur de Guinée a pu bénéficier de l’expertise des autres partenaires du projet dans ces trois domaines.
Le séquençage, un outil indispensable pour détecter précocement la diffusion des variants
Arrivé dès le début de l’année 2021 en Guinée, le variant Alpha s’est propagé rapidement jusqu’à fin mars 2021, co-circulant jusqu’en avril avec le variant Eta dit « variant Nigérien ». Le variant Delta est apparu en mai sur le territoire guinéen. Avec la co-circulation quasi permanente et croissante de ces variants, l’autonomie en matière de séquençage devient donc essentielle.
« Le séquençage est une technique déterminante pour suivre la circulation des variants dans le pays et pour étudier l’évolution du génome », poursuit Dr Solène Grayo. Nous avons bénéficié d’une formation initiale avec la Cellule d’Intervention Biologique d’Urgence (CIBU) de l’Institut Pasteur nous permettant de nous familiariser avec les outils de séquençage comme le MinION. Grâce au projet REPAIR, nous avons pu acquérir les réactifs et consommables adéquats à cet équipement. A ce jour, nous sommes en période de mise au point, faisant encore appel aux compétences de l’Institut Pasteur de Dakar et donc dépendants des frets aériens. Nous avons ainsi une vision en décalé de la circulation des variants, ce qui n’est pas idéal pour suivre l’épidémie ».
Pour répondre à ce besoin accru de séquençage, l’Institut Pasteur de Guinée prend part à un nouveau projet d’envergure lancé officiellement en juillet 2021 : AFROSCREEN. Financé par l’AFD et porté par l’ANRS|MIE, l’IRD et l’Institut Pasteur, ce projet de deux ans vise à renforcer les capacités de séquençage des laboratoires dans 13 pays d’Afrique sub-Saharienne pour surveiller l'évolution des variants SARS-CoV-2 et d’autres agents pathogènes émergents. Le projet supportera financièrement l’équipe mise en place et sa formation, ainsi que les matériels de séquençage, les réactifs et consommables. Les partenaires du projet partageront leurs données via la banque de données ouvertes GISAID, ce qui permettra de suivre et mieux comprendre la circulation dans la région.
« Alors que l’Afrique connait un retard sur le plan vaccinal, nous devons mettre en place une surveillance des variants par le séquençage. Avec la rentrée scolaire et la reprise économique conduisant à la multiplication des échanges internationaux, le risque d’une nouvelle vague épidémique n’est pas à exclure. Nous devons être capable, dès à présent, de répondre à cette demande en séquençage » indique Dr Solène Grayo.
A long terme, cette montée en capacité et en expertise de l’institut permettra de contrôler en temps réel des épidémies en Guinée et d’éviter d’autres pandémies. En alertant précocement sur la diffusion des virus, les autorités sanitaires seront ainsi aptes à déclencher des stratégies ad hoc efficaces de prévention, de gestion des malades ou de vaccination ponctuelle de certaines populations.