Installé depuis 11 ans à Cayenne, Claude Flamand dirige l'unité d'épidémiologie de l'Institut Pasteur de la Guyane. Depuis 2014, cet épidémiologiste et biostatisticien collabore avec le CNES pour prédire les épidémies de dengue dans le temps et dans l’espace grâce à l’imagerie satellite.
« Voiture, hélicoptère, pirogue, nous avons utilisé tous les moyens possibles pour atteindre les gens partout en Guyane », Claude Flamand raconte avec gourmandise la dernière enquête épidémiologique qu'il vient de coordonner. Ce chercheur tient beaucoup à sa double casquette de biostatisticien et d’épidémiologiste car elle lui permet d’adapter au mieux la collecte des informations en fonction des analyses statistiques qu’il souhaite réaliser. Diplômé en mathématiques statistiques appliquée à la biologie, Claude Flamand a débuté sa carrière à l'Institut de Veille Sanitaire (InVS) – actuel Santé Publique France. En poste à la Martinique en 2004-2005, il travaille sur l'évaluation de l'imprégnation au mercure des Amérindiens de Guyane – liée à l’activité d’orpaillage clandestin en forêt amazonienne,– et sur l'exposition au chlordécone aux Antilles – un insecticide, utilisé pendant plus de vingt ans dans les bananeraies. « Les épidémiologistes allaient sur le terrain et moi j’analysais les données collectées. J’aimais exploiter les données pour comprendre les mécanismes de transmission des maladies étudiées mais je trouvais ça tout de même un peu frustrant ! Je me disais qu’en liant ces deux activités, l’interprétation des données serait forcément plus fine » explique Claude Flamand.
Fin 2005, il s’installe 2 ans en Aquitaine pour se former à l'épidémiologie d'intervention. Il apprend alors à élaborer des protocoles d’études, à animer des réseaux de surveillance, à mener des investigations de terrain… Avec ce nouveau bagage, il retourne à l’InVSs en Guyane. Entre 2007 et 2013, il travaille à la mise en place des systèmes de surveillance des maladies infectieuses prioritaires et à l’évaluation des situations d’urgence sanitaire.
Parallèlement, Claude Flamand prépare une thèse : « Mon sujet consistait à analyser les facteurs climatiques et environnementaux associés à la dengue en Guyane avec pour objectif de prédire la survenue d’épidémie plusieurs mois à l’avance ».
Avant même de terminer sa thèse, il rejoint l’Institut Pasteur de la Guyane comme responsable de l'Unité d'épidémiologie en 2013. Il élargit rapidement ses recherches au chikungunya, puis au Zika récemment introduits dans les Amériques. « Aujourd’hui, nos recherches portent à la fois sur l’épidémiologie des arboviroses et les facteurs qui influencent la transmission. Pour cela nous nous intéressons à une variété de déterminants qui peuvent être climatiques, environnementaux, socio-comportementaux, immunologiques… L’objectif est d’intégrer ces informations dans des modèles de transmission pour essayer de comprendre et de prédire la propagation des maladies ». A Cayenne, Claude Flamand collabore depuis 2014 avec le Centre national d'études spatiales (CNES), sur un projet innovant, DETECT, pour cibler les zones à haut risque et prédire plusieurs mois à l'avance, une épidémie de dengue.
Modèle de présence de moustiques adultes en milieu urbain issue du projet DETECT. Image: Pléiades du 12/09/2012, , distribution Astrium DS. Crédit : CNES
La méthode consiste à utiliser des images satellites pour caractériser l’environnement à une échelle très fine: “Grâce à des images très haute définition, nous pouvons identifier des habitations autour desquelles on observe de la végétation, beaucoup d’arbres fruitiers ou de plantes, une piscine etc. Des entomologistes collectent ensuite sur place des moustiques et des larves. En croisant les données environnementales obtenues par satellite avec les données de terrain, nous essayons d’obtenir des modèles extrapolables à l’ensemble des zones d’habitation”.
Alors qu'il serait difficile, long et coûteux d’aller partout voir où se trouvent les moustiques, cette méthode une fois validée fournira une cartographies très utiles aux services de la lutte anti-vectorielle pour prioriser les interventions de démoustication dans les zones à risque. Déjà bien avancé, le projet Detect devrait se terminer en 2019 après une phase de validation sur le terrain qui permettra de confirmer que le modèle prédit avec précision les lieux où se concentrent les moustiques et les gîtes larvaires.
L’unité d’épidémiologie de l’Institut Pasteur de Guyane couvre aujourd’hui une large gamme de déterminants de la transmission des arboviroses. « La combinaison de toutes ces données spatiales, climatiques, environnementales, socio-comportementales, immunologiques pourra nous permettre dans l’avenir de savoir quand aura lieu une épidémie, quelle population sera touchée » résume Claude Flamand. Des travaux de recherche qui devraient donc pouvoir aboutir sur la mise en place d'actions concrètes pour la santé des populations.
Claude Flamand, responsable de l'unité d'épidémiologie à l'Institut Pasteur de Guyane
- 1981 : Naissance à Fort-de-France (Martinique)
- 2003 : Maîtrise des Sciences et des Techniques, Informatique Statistiques Appliquées aux Sciences Humaines (Université Paris V)
- 2004 : Master 2 Mathématiques statistiques appliquées à la biologie (Université Paris V)
- 2004-2005 : Biostatisticien à la Cellule Antilles-Guyane de l’Institut de Veille Sanitaire (Fort-de-France)
- 2005-2007 : Programme National de formation à l'épidémiologie de terrain (InVS, ENSP)
- 2007-2013 : Epidémiologiste à la Cellule Antilles-Guyane de l’Institut de Veille Sanitaire (Cayenne)
- 2011-2015 : Doctorant en Epidémiologie et Santé publique (Université Paris-Saclay)
- Depuis 2013 : Responsable de l'unité d'épidémiologie à l'Institut Pasteur de la Guyane