6300 nouveaux cas diagnostiqués l'an dernier en France, un tiers de la population mondiale infectée, 2 millions de morts et 8,5 millions de nouveaux cas chaque année : la tuberculose est la deuxième maladie infectieuse au monde après le SIDA, de part le nombre de nouveaux cas. La prévalence de la résistance aux antituberculeux et l'émergence de multirésistance apparaît préoccupante au niveau mondial, risquant de mettre en échec les traitements dans plusieurs régions du monde.
Surveillance mondiale, diagnostic, prévention, traitements : l'Institut Pasteur cherche sur tous ces fronts à améliorer les moyens de lutte contre ce fléau. Plusieurs laboratoires de notoriété internationale mènent des recherches de pointe sur son campus parisien tandis qu'au niveau mondial, un Réseau Tuberculose regroupe une dizaine d'instituts du Réseau International des Instituts Pasteur, qui participent activement aux programmes nationaux de lutte contre la tuberculose dans différents pays. Plusieurs de ces laboratoires participent à des projets financés par la Commission Européenne.
Communiqué de presse
Paris, le 18 mars 2004
L’INSTITUT PASTEUR PARTICIPE A LA SURVEILLANCE EPIDEMIOLOGIQUE EN FRANCE ET DANS LE MONDE
Un Centre National de Référence
Le Centre National de Référence des Mycobactéries à l’Institut Pasteur, co-dirigé par le Pr Gilles Marchal et Véronique Vincent, est un des deux centres français chargés de la surveillance épidémiologique de la tuberculose en France, où quelque 6300 nouveaux cas et 700 décès sont répertoriés chaque année. Il reçoit annuellement 2000 prélèvements à analyser, dont un dixième en provenance de l’étranger, souvent envoyés par des ONG comme Médecins Sans Frontières. Actuellement, une vaste étude est en cours dans le département de Seine Saint-Denis pour caractériser les souches en circulation et comprendre par là-même comment les personnes sont contaminées : ce travail implique des analyses au laboratoire et des enquêtes épidémiologiques. Rappelons que l’Ile-de-France compte 3 à 4 fois plus de cas que la moyenne nationale, et Paris intra-muros 5 à 6 fois plus. Le CNR assure la surveillance de la transmission de la tuberculose multi-résistante au niveau national. L’étude montre un contrôle globalement efficace en France de la tuberculose multi-résistante, malgré les difficulté de prise en charge thérapeutique de ces patients. Le CNR appartient au réseau de laboratoires mis en place par l’Organisation Mondiale de la Santé pour la surveillance de la résistance aux antituberculeux au niveau mondial.
Un réseau international actif sur le front de la lutte
Algérie, Maroc, Tunisie, Côte d’Ivoire, République Centrafricaine, Cameroun, Madagascar, Cambodge, Vietnam, Russie… les Instituts Pasteur présents dans ces pays particulièrement touchés par la tuberculose ont des centres de référence participant activement au diagnostic et à la surveillance de la maladie. Nombre d’entre eux sont impliqués dans les Programmes Nationaux de Lutte contre la Tuberculose, voire les pilotent, comme l’Institut Pasteur d’Alger qui fait référence pour l’Organisation Mondiale de la Santé dans la zone Afrique ou celui de Madagascar, un des pays les plus touchés au monde.
PREVENTION
Faire mieux que le BCG
Le seul moyen préventif dont on dispose aujourd’hui contre la tuberculose est le BCG (Bacille de Calmette et Guérin, vaccin mis au point à l’Institut Pasteur en 1921). Il est efficace dans près de 90% des cas pour prévenir les formes graves de la tuberculose chez l’enfant (méningite tuberculeuse, forme disséminée). Mais à l’âge adulte, la protection reste aléatoire. Une méta-analyse a conclu à une protection ne dépassant pas 50% des individus adultes vaccinés par le BCG. Conséquence : la vaccination par le BCG est insuffisante pour empêcher la transmission de la maladie, seul moyen d’enrayer l’épidémie. Pour faire reculer la tuberculose dans le monde, il faut donc mettre au point des vaccins plus efficaces. Plusieurs équipes de l’Institut Pasteur à Paris unissent leurs efforts en ce sens. L’obtention de la séquence complète du génome de la bactérie responsable de la tuberculose (Mycobacterium tuberculosis) en 1998 grâce à un travail franco-britannique coordonné par le Pr Stewart Cole à l’Institut Pasteur, puis celle de Mycobacterium bovis (le BCG est une forme atténuée de cette bactérie responsable de la tuberculose bovine) en 2002, devrait faciliter considérablement ces recherches. L’Institut Pasteur séquence par ailleurs actuellement la souche BCG Pasteur, dont le génome devrait être décrypté à la fin de l’année.
C’est précisément grâce à la comparaison des gènes de toutes ces mycobactéries qu’une voie de recherche intéressante est explorée par l’équipe de Stewart Cole : il s’agit de rajouter au BCG certains gènes perdus lors de sa fabrication au début du 20ème qui lui conféreraient un pouvoir protecteur supérieur. Les résultats chez l’animal de ce BCG amélioré sont encourageants. Reste aux chercheurs à mieux définir les gènes ciblés pour construire un BCG qui soit plus performant, sans être davantage virulent.
Une autre voie de recherche mise en place par l’Unité de Brigitte Gicquel consiste à cribler des dizaines de bacilles tuberculeux mutants, en sélectionnant ceux qui ne se multiplient pas dans les cellules cibles humaines (macrophages) et qui ne sont donc pas pathogènes, avant de tester leur pouvoir protecteur chez la souris. Une centaine de mutants issus de ce criblage vont désormais être étudiés un à un.
Par ailleurs, le récepteur qui permet à la bactérie de s’attacher à certaines cellules clés de notre système de défense, étape qui enclenche nos réactions immunitaires, a été découvert l’an dernier par la même équipe : les études menées autour de ce récepteur pourraient apporter des outils pour moduler les défenses de l’organisme soit pendant la vaccination, soit pendant la maladie.
Une alternative, explorée par l’équipe du Pr Gilles Marchal, consiste aussi à mieux administrer le BCG, par voie rectale par exemple (suppositoires), ce qui éviterait notamment abcès et utilisation de seringues. Les premiers résultats obtenus à l’Institut Pasteur montrent l’efficacité de cette voie chez l’animal, mais on est encore loin de l’expérimentation humaine.
Les essais cliniques dans le monde
Dans le monde aujourd’hui, un seul essai clinique (phase I) est en cours, issu d’un programme européen, le TB vaccine cluster, qui a été coordonné pendant 4 ans par le Pr Brigitte Gicquel de l’Institut Pasteur (aujourd’hui coordinatrice de TB Ethics, groupement de chercheurs, philosophes, experts en questions éthiques chargé de réfléchir à la mise en place d’essais cliniques dans le monde). Le projet TB-VAC financé par la Commission Européenne pour cinq ans et coordonné aux Pays-Bas regroupe la plupart des laboratoires du projet TB Vaccine Cluster et met en place des essais cliniques de phase I. Deux essais de phase I vont être lancés aux Etats-Unis et deux autres en Europe au cours des deux prochaines années. Ce faible nombre d’essais illustre la difficulté de la communauté scientifique à mettre au point de nouveaux vaccins, qui ne verront le jour que dans plusieurs années.
DIAGNOSTIC
Il y a urgence à mettre au point de nouveaux outils
La méthode aujourd’hui employée pour le diagnostic de la maladie, l’examen des crachats au microscope, n’a pas changé depuis un siècle, et elle ne permet de diagnostiquer qu’un tiers des cas de tuberculose dans les meilleures conditions. Cependant, elle permet de détecter les malades les plus contagieux. Le diagnostic des malades dont les crachats sont négatifs à l’examen fait appel à la culture qui prend 4 à 6 semaines. Les tests de susceptibilité aux antibiotiques réalisés à partir des cultures prennent 3 à 4 semaines supplémentaires. Le manque d’outils pour un diagnostic rapide performant est un problème majeur dans la lutte contre l’épidémie surtout dans un contexte où il existe un traitement efficace. Le Pr Gilles Marchal développe des pistes prometteuses qui devraient permettre à terme d’améliorer et de faciliter le diagnostic biologique : l’une consiste à détecter des molécules sécrétées précocement par la bactérie responsable de l’infection; l’autre vise à mettre en évidence des réactions de défense spécifiques du malade, qui signent l’infection.
TRAITEMENTS
De nouvelles molécules pour parer les résistances
Il existe un traitement efficace contre la tuberculose, une association de quatre antibiotiques. Mais il s’agit d’un traitement lourd, qui doit être suivi au minimum pendant 6 mois. De plus, l’émergence de bacilles tuberculeux multirésistants à ces antibiotiques, qui fait d’ailleurs l’objet d’importantes études d’épidémiologie moléculaire à l’Institut Pasteur, inquiète les autorités de santé publique. Pour ces raisons, il apparaît crucial de trouver aujourd’hui de nouveaux antibiotiques pour lutter contre l’infection. L’Institut Pasteur est historiquement engagé dans la recherche de nouveaux antibactériens puisque les sulfamides, parmi les premiers antibiotiques de synthèse qui ont aussi été utilisés contre la tuberculose y furent mis au point dans les années 30.
Aujourd’hui, plusieurs laboratoires travaillent en synergie. Le laboratoire de Brigitte Gicquel cherche, en particulier dans l’enveloppe de la bactérie, de nouvelles cibles thérapeutiques et d’autres, notamment celui du Pr Pierre-Etienne Bost, testent par différents moyens des molécules actives sur ces cibles. Deux cibles sont déjà en cours d’investigation. Un des objectifs est d’obtenir leur structure en trois dimensions (3D) par cristallographie, puis de faire du "design moléculaire" : la bio-informatique permet d’obtenir la structure 3D de la molécule cible sur l’ordinateur et de rechercher par le "dessin raisonné" la molécule inhibitrice idéale qui pourrait bloquer cette cible. Les candidats sont alors synthétisés puis testés. De plus, des méthodes de "criblage virtuel" permettent de tester des librairies entières de molécules virtuelles. Parallèlement à cette recherche très rationnelle, on teste le pouvoir antituberculeux de collections entières de molécules issues de "chimiothèques". Pour accélérer cette stratégie, l’Institut Pasteur se dote actuellement d’une plateforme de criblage moléculaire à haut débit qui devrait être opérationnelle fin 2004 : elle permettra de tester des dizaines de milliers de molécules en quelques semaines contre des milliers actuellement testées dans le même laps de temps. L’Institut Pasteur pourra donc dès l’an prochain multiplier par 10 ses capacités de criblage moléculaire.
Les chercheurs espèrent ainsi, par ces différentes voies, obtenir des antibiotiques plus efficaces, qui pourraient donc être administrés moins longtemps : en effet, plus le traitement est long, moins les malades y adhèrent augmentant ainsi le risque d’échec thérapeutique et de résistance aux antibiotiques. Raccourcir le traitement actuel, outre l’intérêt logistique et le gain en confort pour le malade, permettra de freiner considérablement le développement de la résistance des bacilles aux antibiotiques.
UNE COORDINATION DE 14 LABORATOIRES POUR UNE MEILLEURE FORCE DE FRAPPE
Outre le Réseau Tuberculose du Réseau International des Instituts Pasteur, plusieurs équipes de l’Institut Pasteur à Paris ont uni leurs efforts pour accroître l’efficacité de leurs recherches. Un Grand Programme Horizontal "Tuberculose", coordonné par le Pr Stewart Cole a notamment été lancé en 2003 : il réunit pas moins de 14 laboratoires du campus. Les principaux impliqués sont :
Unité de Génétique Moléculaire Bactérienne, dirigé par Stewart Cole
Unité de Génétique Mycobactérienne, dirigée par Brigitte Gicquel
Unité de Chimie Organique, dirigée par Pierre-Etienne Bost
Unité de Repliement et Modélisation des Protéines, dirigée par Michel Goldberg
Unité de Biochimie Structurale, dirigée par Pedro Alzari
Centre National de Référence des Mycobactéries, dirigé par Véronique Vincent et Gilles Marchal ainsi que certaines plateformes technologiques de l’Institut Pasteur.
Contact presse
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