Une étude de l’Institut Pasteur, en collaboration avec Johnson & Johnson Innovative Medicine Research & Development (J&J IM R&D), met en lumière les interactions entre une molécule centrale du système immunitaire, l’IL23, et les cellules MAIT, qui interviennent au début de la réponse immunitaire pour combattre les agents pathogènes.
Les maladies inflammatoires chroniques sont cliniquement hétérogènes mais elles partagent des voies inflammatoires communes et sont causées par des aberrations de la réponse immunitaire.
Longtemps étudiée dans des modèles de maladies auto-immunes chez la souris et grâce aux études génétiques (GWAS), l’IL23 apparaît de plus en plus comme un acteur essentiel dans diverses maladies inflammatoires chroniques, notamment la maladie de Crohn ou le psoriasis. Les données montrent également que l’IL23 joue un rôle dans la réponse contre certains agents infectieux
Une étude menée par Lars Rogge, responsable de l’unité Immunorégulation à l’Institut Pasteur, en collaboration avec Johnson & Johnson Innovative Medicine Research & Development (J&J IM R&D) et d’autres équipes de l’institut Pasteur (plateforme de biomarqueurs, Hub de Bioinformatique et Biostatistique et l’équipe dirigée par Laura Cantini), apporte un nouvel éclairage dans la compréhension des interactions entre cette molécule centrale du système immunitaire, l’IL23, et les cellules appelées MAIT qui interviennent tôt dans la réponse immunitaire pour lutter contre les agents pathogènes
Quelles cellules de notre corps répondent au messager IL-23 ?
.L’IL23 est un « messager » (une cytokine) que notre organisme produit pour alerter et activer nos cellules immunitaires. Les scientifiques savaient déjà qu’elle était impliquée dans la genèse de plusieurs maladies inflammatoires, mais ses cibles au sein du système immunitaire et les mécanismes exacts de son action sont encore peu connues.
En menant des analyses moléculaires approfondies sur des prélèvements de patients humains, les scientifiques de l’Institut Pasteur et J&J IM R&D se sont concentrés sur un type de lymphocytes T appelé MAIT (pour “mucosal-associated invariant T”). Ces cellules jouent un rôle de « sentinelles » : elles se situent notamment au niveau des muqueuses, où elles détectent très rapidement la présence de certains métabolites microbiens. Autrement dit, les cellules MAIT interviennent tôt dans la réponse immunitaire pour lutter contre les agents pathogènes.
L’équipe a observé que la majorité des cellules MAIT expriment des récepteurs à l’IL‑23 (appelés IL‑23R). Cela signifie que ces cellules sont particulièrement sensibles au “signal” transmis par l’IL‑23.
La plasticité des cellules immunitaires MAIT
Lorsqu’on stimule ces cellules avec l’IL‑23 (ou des cytokines « cousines », comme l’IL‑12), elles modifient leur comportement : elles produisent différentes molécules, se spécialisent dans diverses tâches immunitaires et peuvent s’adapter très finement aux besoins de l’organisme. Cette « plasticité » est un élément crucial, car elle explique en partie la capacité de notre système immunitaire à réagir à un large éventail de menaces, qu’il s’agisse de bactéries, de champignons ou même de cellules potentiellement dangereuses pour l’individu (exemple : auto-immunité ou développement de tumeur).
Des nouvelles perspectives dans l’approche thérapeutique
En montrant que l’IL‑23 agit de façon puissante sur les cellules MAIT, ces travaux ouvrent la voie à de futures recherches visant à améliorer les traitements déjà existants visant à inhiber l’IL-23, notamment pour les pathologies où l’IL‑23 joue un rôle délétère (par exemple la maladie de Crohn, psoriasis ou l'arthrite psoriasique). Ces travaux démontrent aussi l’intérêt d’explorer comment optimiser ou “réactiver” l’IL-23 pour booster les défenses immunitaires.
Enfin la “plasticité” des MAIT, qui changent de fonction selon le stimuli pourrait être utilisée pour développer de nouveaux traitements immunothérapeutiques, ciblant précisément la bonne sous-population de cellules MAIT.
L’article est accessible ici : https://doi.org/10.1016/j.isci.2025.111898
Ce travail résulte d'une collaboration étroite et initiée de longue date en matière de R&D entre le laboratoire de Lars Rogge et J&J IM R&D, et implique également des cliniciens de l'AP-HP.