Le cerveau est en mesure de détecter et de réguler une inflammation soit locale soit généralisée. Ces fonctions sont possibles grâce à deux voies de médiation. La première, humorale, implique des structures cérébrales particulières qui permettent le passage de médiateurs inflammatoires circulants dans le cerveau. La seconde, neurale, met en jeu des nerfs, dont les afférences sensitives transmettent le signal inflammatoire détecté localement. Dans une étude expérimentale publiée dans la revue Brain, des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et des cliniciens du GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences ont identifié un circuit neuronal dédié qui, suite à une infection, induit un comportement anxieux quinze jours après la guérison.
Ainsi le nerf vague détecte, grâce à des récepteurs identifiés, une inflammation digestive ou pulmonaire. Des structures et des réseaux cérébraux spécifiques perçoivent et intègrent ces messages humoraux et neuraux afin d’orchestrer une réponse régulatrice à la fois neuroendocrinienne, neurovégétative et comportementale. Ces interventions correctives sont respectivement contrôlées par l’hypothalamus et l’hypophyse, le système nerveux autonome et le système limbique. L’activation neuroendocrinienne se caractérise par une libération de cortisol, principale hormone de stress. La réponse autonomique, par une activation couplée des systèmes sympathique et vagal. Ce dernier favoriserait une réponse locale anti-inflammatoire. Les modifications comportementales affectent l’humeur, l’attention, le sommeil, et l’appétit. Cette réponse a pour finalité de contrôler l’inflammation afin de préserver l’intégrité du milieu intérieur, ou homéostasie. Elle peut toutefois dans certaines circonstances être inadaptée et produire des désordres immunologiques et/ou psychiques.
Une infection sévère, dénommée également sepsis, est la condition la plus fréquente capable de déclencher cette stratégie de défense contre le stress inflammatoire. Principale cause de mortalité dans le monde, ce dernier est un enjeu de santé publique majeur. Fait aggravant, le sepsis est également associé à des troubles chroniques psychologiques, tels qu’une anxiété, une dépression et un syndrome de stress post-traumatique. Ils augmentent significativement le risque suicidaire et impactent durablement la vie personnelle, sociale et professionnelle des patients. « Aucun traitement préventif n’a été ce jour démontré efficace, sans doute en raison d’une compréhension insuffisante de leur physiopathologie, notamment des réseaux neuronaux impliqués dans leur genèse », indique le Pr Sharshar, Chef du pôle Neuro Sainte-Anne.
Dans une étude expérimentale publiée dans la revue Brain, une équipe de chercheurs de l’Institut Pasteur (Laboratoire Perception & Mémoire) et de cliniciens du GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences (Service de Neuroréanimation) ont identifié, à l’aide de technique de pharmacogénétique, un circuit neuronal dédié comprenant le noyau central de l’amygdale et le noyau du lit de la strie terminale. L’activation de ce circuit dans les premières heures du sepsis induit un comportement anxieux quinze jours après la guérison de l’infection. Ce comportement observé chez des souris mime le syndrome post-traumatique observé chez les patients recouvrant d’un sepsis.
« Cette découverte permet d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques en cas de sepsis puisque nous avons observé que l’administration d’un agent capable de prévenir l’hyperactivation de ce circuit réduisait les risques de développer des troubles de l’anxiété » explique le Pr Lledo, chercheur CNRS, responsable de l'Unité "Perception et mémoire" à l'Institut Pasteur. Cet effet serait en partie lié à une diminution de l’activation du centre d’intégration des afférences vagales.
Cette étude a pour mérite d’avoir identifié à la fois un circuit dédié aux troubles anxieux post-sepsis et un potentiel traitement pharmacologique. Ce dernier sera prochainement testé à l’occasion d’un essai thérapeutique multicentrique randomisé. En révélant le lien qui relie la neuro-inflammation aux troubles psychiatriques, ce travail entre en écho avec le contexte actuel de pandémie COVID-19 et de COVID-long.
Source :
Silencing of amygdala circuits during sepsis prevents the development of anxiety-related behaviors, Brain, 20 avril 2022
Lena Bourhy1,2,3,4†, Aurélien Mazeraud1,5†, Luis H A Costa1,6, Jarod Levy2,3, Damien Rei2,3, Estéban Hecquet2,3, Ilana Gabanyi2,3, Fernando A Bozza7,8, Fabrice Chrétien1,4,9, Pierre-Marie Lledo2,3‡*, Tarek Sharshar1,4,5‡, Gabriel Lepousez2,3‡*
† These authors contributed equally to this work
‡ These authors jointly supervised this work
Author affiliations
1 Laboratory for Experimental Neuropathology, Institut Pasteur, Paris, France
2 Laboratory for Perception and Memory, Institut Pasteur, Paris, France
3 CNRS UMR 3571, Paris, France
4 Université de Paris, Paris, France
5 GHU Paris Psychiatrie Neurosciences, Service hospitalo-universitaire de Neuro-anesthésie réanimation, Paris, France
6 Department of Basic and Oral Biology, School of Dentistry of Ribeirão Preto, University of São Paulo, Ribeirão Preto, Brazil.
7 National Institute of Infectious Disease Evandro Chagas (INI), Oswaldo Cruz Foundation (FIOCRUZ), Rio de Janeiro, Brazil
8 D’Or Institute for Research and Education (IDOR), Rio de Janeiro, Brazil
9 GHU Paris Psychiatrie Neurosciences, Service hospitalo-universitaire de Neuropathologie, Paris, France
† These authors contributed equally
‡ These authors jointly supervised this work
* Correspondence to Gabriel Lepousez & Pierre-Marie Lledo, Laboratory for Perception and Memory, Institut Pasteur, 25 rue du Docteur Roux, 75724 Paris Cedex 15, France