Grâce à une vaste étude génomique menée en Afrique centrale sur des populations de chasseurs-cueilleurs pygmées et de villageois agriculteurs, des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec le Museum National d’Histoire Naturelle (France), l’université de Montréal (Québec) et l’université Lumière-Lyon 2 (France), remettent en cause l’impact de l’agriculture dans l’histoire néolithique africaine : elle ne serait en effet la cause directe ni du succès démographique des populations l’ayant adoptée, ni du fort brassage de ces dernières avec les populations pygmées. Les résultats de ces recherches sont publiés dans Nature Communications.
Communiqué de presse
Paris, le 4 février 2014
Les travaux des scientifiques ont été menés en étroite collaboration avec des équipes du Museum National d’Histoire Naturelle, de l’université Lumière-Lyon 2 et de l’université de Montréal. Ils reposent sur l’analyse poussée du génome entier de plus de 300 individus d’Afrique centrale, issus des populations pygmées, le plus grand groupe de chasseurs-cueilleurs persistant aujourd’hui, et des populations sédentaires d’agriculteurs.
On peut dater le développement de l’agriculture en Afrique subsaharienne à il y a environ 5 000 ans. Or, cette étude génomique établit que la principale explosion démographique qu’ont connue les ancêtres des agriculteurs est bien antérieure à cette période. Même si les scientifiques n’excluent pas que les premières communautés de fermiers soient également entrées en expansion il y a 5 000 ans, ils pensent qu’en réalité les ancêtres des actuels agriculteurs, alors chasseurs-cueilleurs, auraient connu il y a 10 000 ans à 7 000 ans un succès démographique tel qu’il leur aurait été nécessaire d’adopter un nouveau mode de vie, de s’établir et d’avoir recours à l’agriculture pour subvenir à leur besoins. A l’inverse, les populations de chasseurs-cueilleurs pygmées auraient elles subi entre - 30 000 et - 10 000 ans un goulot d’étranglement démographique. Ainsi, bien avant l’agriculture, ces deux populations auraient évolué très différemment, indépendamment de toute activité agricole.
L’enquête révèle également d’autres conclusions inattendues : les brassages génétiques entre les pygmées et les peuples fermiers n’auraient commencé qu’il y a environ 1 000 ans. Or, on savait, grâce à l’étude de leurs traditions orales et de leurs langues, ainsi qu’à la diversité génétique de certains agents pathogènes qu’ils partagent, que ces populations cohabitent et entretiennent des contacts depuis déjà 5 000 ans. Ce mélange tardif, qui ne rentre pas dans le schéma démographique classique et témoigne de la structure socio-économique particulière de ces populations, a néanmoins été par la suite très intense : aujourd’hui, les génomes des populations pygmées montrent jusqu’à 50% de mélange avec les populations d’agriculteurs. Un brassage qui ne s’est opéré par ailleurs que de manière unilatérale : les hommes agriculteurs se sont associés aux femmes pygmées, mais rarement l’inverse.
Les chercheurs tentent dorénavant de comprendre les mécanismes génétiques à l’origine du succès ou du déclin démographique observés chez les deux populations. Selon eux, ils pourraient être liés aux pressions environnementales différentes auxquelles ces ethnies ont été soumises par le passé, y compris à celles exercées par les agents pathogènes.
Photographie : Paul Verdu
SOURCE
The impact of agricultural emergence on the genetic history of African rainforest hunter-gatherers and agriculturalists,
E. Patin & all, Nature Communications, 4 février 2014.
* Précédente étude mentionnée dans le communiqué : Human genetic data reveal contrasting demographic patterns between sedentary and nomadic populations that predate the emergence of farming. Aimé C & coll., Mol Biol Evol. 2013 Dec;30(12):2629-44. Epub 2013 Sep 24. doi: 10.1093/molbev/mst156
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