Aedes albopictus (Skuse, 1894) ou « moustique tigre » (autrefois appelé Stegomyia albopicta), est originaire d’Asie du Sud-Est. Il est reconnaissable par la présence d’une ligne médiane d’écailles blanches sur le thorax. Ce moustique, fréquent dans son aire d’origine (y compris en Asie tempérée, Chine, Japon, Corée), a été décrit pour la première fois à Calcutta en Inde.
L’invasion d’Aedes albopictus
Avant 1979, la distribution géographique d’Ae. albopictus s’étendait du Pacifique à l’océan Indien (Madagascar) et il est fort probable qu’Ae. albopictus ait accompagné les vagues successives de colonisation du Sud-Ouest de l’Océan Indien par les peuples d’origine indonésienne. À la fin des années 1970, Ae. albopictus a débuté sa phase d’expansion vers d’autres continents, l’Amérique, l’Afrique et l’Europe. Aujourd’hui, l’espèce est établie dans plus de 80 pays. Par exemple en Europe, en 2015, l’espèce est implantée dans au moins 20 pays, en particulier ceux du pourtour méditerranéen. D’année en année, de nouveaux territoires (nouveaux pays, nouvelles régions de pays déjà colonisés) sont envahis et la distribution géographique d’Ae. albopictus doit en permanence être révisée en lien avec les programmes de surveillance entomologique.
Le succès de l’invasion d’Ae. albopictus est lié à sa grande plasticité écologique et physiologique qui lui permettent de s’adapter rapidement aux environnements nouvellement colonisés, mais aussi aux caractéristiques des œufs de cette espèce. Ces derniers peuvent résister plusieurs mois à la dessiccation, permettant ainsi leur dispersion via le transport de toute sorte de récipients vidés de leur eau. C’est ainsi que l’espèce a pu être transportée sur de longues distances dans de nouveaux continents à la faveur du commerce international et notamment de celui de pneus usagés, qui constituent des sites préférentiels pour la ponte et le développement des larves. De plus, les œufs peuvent opérer, en climat tempéré, une dormance (mise en arrêt physiologique induite à l’automne par la diminution de la durée du jour) leur conférant une résistance aux températures hivernales et permettant un maintien des populations jusqu’au printemps suivant.
Aedes Albopictus, une espèce généraliste
Aedes albopictus est une espèce généraliste car capable de coloniser des gîtes larvaires naturels (creux de rocher, trou d’arbre, bambou…) et créés par l’homme (vases, fûts, pneus, regards d’eau pluviale). Elle est aussi généraliste car capable de piquer de nombreux hôtes animaux en l’absence de l’homme. Ces caractéristiques lui permettent donc de coloniser des environnements selvatiques [forêt, NDLR] et anthropiques [relatif à l'activité humaine, NDLR]. Dans ces derniers, elle peut pulluler et jouer un rôle de vecteur majeur notamment d’arbovirus épidémiques (virus de la dengue, du chikungunya, de Zika). Ses préférences trophiques opportunistes en font par ailleurs un potentiel bridge vector capable d’assurer le transfert d’agents infectieux des animaux (sauvages ou domestiques) à l’homme.
Aedes albopictus partage une niche écologique similaire à celle d’Ae. aegypti, aussi lorsque les deux espèces se retrouvent ensemble, elles entretiennent des interactions compétitives. En Amérique du Nord et du Sud, en Afrique Centrale et dans la région de l’océan Indien, Ae. albopictus présente une aptitude compétitive supérieure qui le favorise vis-à-vis d’Ae. aegypti. En Asie du Sud-Est, la situation inverse est pour le moment observée. L’analyse du génome d’Ae. albopictus, dont une première version a été publiée en 2015, devrait permettre de mettre en lumière les mécanismes qui sous-tendent le succès invasif de l’espèce.
La lutte contre Aedes albopictus
La lutte contre Ae. albopictus repose essentiellement sur la destruction ou la protection des petits gîtes exploités pour la ponte et le développement larvaire. On peut aussi, lorsque les gîtes ne peuvent pas être vidés de leur eau, utiliser des prédateurs (poissons ou petits crustacés qui mangent les larves) ou des larvicides (Bacillus thuringiensis, téméphos, pyriproxyfène…). En cas de transmission de virus, une lutte contre les moustiques adultes peut être déployée en complément de la lutte larvicide, au moyen de pulvérisation de pyréthrinoïdes à chaud ou à froid. À noter que certaines populations d’Ae. albopictus sont résistantes aux pyréthrinoïdes.
Texte de Didier Fontenille, directeur de recherche IRD, directeur de l’Institut Pasteur du Cambodge.
Ce texte illustre le dossier "Géopolitique du moustique" - Aller plus loin avec nos experts, publié à l'occasion de la sortie du livre d'Erik Orsenna Géopolitique du moustique, Ed. Fayard.
Source :
Extrait du Chapitre 11. Culicinae (par Didier Fontenille, Christophe Paupy, Anna-Bella Failloux) du livre : Duvallet G., Fontenille D., Robert V., eds, 2017. Entomologie médicale et vétérinaire. Marseille-Versailles, IRD Editions- Quae, 650 pp.
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