Comme chaque année depuis 2013, l’Institut Pasteur a organisé le 11 décembre dernier une cérémonie en l’honneur des jeunes diplômés ayant soutenu leur thèse de science au cours de l’année universitaire 2016-2017. L’édition 2017 a mis à l’honneur 34 jeunes scientifiques pasteuriens dont 5 ont effectué leur thèse dans un institut membre du Réseau international des instituts Pasteur.
« Nous sommes heureux et fiers d’accueillir sur le campus de l’Institut Pasteur ces jeunes diplômés qui incarnent la vivacité scientifique du Réseau » a déclaré Marc Jouan, Directeur International de l’Institut Pasteur.
Les cinq doctorantes ont réalisé leurs travaux dans les instituts Pasteur de la Guyane, de Madagascar, du Maroc, à l’Institut Pasteur of Shanghai, Chinese Academy of Sciences et à l’institut Scientifique de Santé Publique de Bruxelles sur des thématiques aussi variées que la rage, la résistance aux antibiotiques, le VIH, l’étude des virus de chauve-souris ou la sociologie de la santé.
Andry Herisoa ANDRIANASOLO - Relever le défi de l’accès aux soins à Madagascar
Doctorat en sociologie et démographie
Cellule de socio-anthropologie, Unité d’épidémiologie, Institut Pasteur de Madagascar
Centre Georges Chevrier, Université de Bourgogne
Laboratoire Genre & Santé, Centre Population et Développement, Université Paris Descartes.
Ses travaux ont porté sur les déterminants de l’accès aux soins à Madagascar. Pour cela, elle a étudié les comportements des populations et les pratiques des professionnels de santé en cas de paludisme, de tuberculose et d’infections respiratoires aiguës. Ses travaux ont montré que l’abstention thérapeutique et l’automédication étaient plus fréquentes que les recours aux professionnels de santé, et que les patients adoptant l’une ou l’autre de ces pratiques différaient significativement. Par ailleurs, elle a montré que l’accès des malades aux prises en charge appropriées dépendait de la représentation et de la perception de la gravité des maladies, de leurs coûts, de la disponibilité des médicaments et des autres intrants, de la densité géographique des établissements de santé, et de la qualité de l’offre de soins. Ses résultats soulignent les défis d’une couverture sanitaire universelle à Madagascar, comme ceux de la lutte contre le paludisme et la tuberculose malgré leur soutien international. Andry souhaite à présent poursuivre sa carrière dans les champs de l’entreprise, de la recherche, et de l’action en santé publique ou pour le développement.
Ces travaux de thèse ont été supportés par l’Institut de Recherche pour le Développement, la Fondation Mérieux et l’Institut Pasteur de Madagascar.
Lucie BRACQ - Dissémination du VIH-1 par des cellules géantes multinucléées
Doctorat en virologie
Antiviral immunity and genetic therapy Unit, Institut Pasteur of Shanghai – Chinese Academy of Sciences
Virus et traffic intracellulaire, Institut Cochin (Paris)
Les travaux de recherche menés par Lucie Bracq ont été réalisés dans le cadre d’une cotutelle entre le laboratoire de Serge Benichou de l’Institut Cochin à Paris et le laboratoire de Paul Zhou de l’Institut Pasteur of Shanghai – Chinese Academy of Sciences. Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) cible les cellules du système immunitaire telles que les macrophages, les lymphocytes et les cellules dendritiques. Ces cellules peuvent être infectées par du virus libre mais leur infection par un contact étroit avec une cellule infectée donneuse est largement plus efficace et pertinente in vivo. Cependant, le mécanisme de transmission du VIH-1 aux macrophages par un lymphocyte T infecté reste très peu connu. Grâce à une bourse du Réseau international des instituts Pasteur, le travail de thèse de Lucie Bracq a mis en évidence un nouveau modèle d’infection des macrophages par un processus de fusion cellulaire en deux étapes. Les lymphocytes T infectés sont capables de fusionner avec les macrophages cibles, formant une cellule hybride infectée, capable elle-même de fusionner avec les macrophages environnant et conduisant à la formation de cellules géantes multinucléées infectées capables de produire des quantités importantes de virus infectieux et de survivre aux effets cytopathiques du VIH-1. Ce mécanisme apporte un éclairage nouveau dans la compréhension de l’infection des macrophages et la formation de réservoirs viraux présents notamment au niveau du cerveau des patients infectés. Lucie Bracq poursuivra, dès le début de l’année 2018, ses travaux de thèse dans le cadre d’un postdoctorat à l’Institut Pasteur de Shanghai –CAS, dans l’unité de recherche des maladies virales et vaccins.
Cette thèse a été cofinancée par une bourse doctorale Calmette & Yersin de la Direction Internationale de l’Institut Pasteur et par l’Université de l’Académie Chinoise des Sciences (UCAS).
Kaotar NAYME - Les aliments : Pool de gènes de résistance aux antibiotiques ?
Doctorat en sciences de la santé spécialité microbiologie- Biologie Moléculaire
Laboratoire de Bactériologie Moléculaire, Institut Pasteur du Maroc
Son travail de thèse a eu pour but de mieux comprendre le rôle des denrées alimentaires dans la dissémination de la résistance aux antibiotiques. La jeune chercheuse a étudié pour cela 352 souches d’Escherichia coli d’origine alimentaire dont certaines souches sont pathogènes et entrainent des intoxications. L’étude de la sensibilité aux antibiotiques de ces souches a révélé une résistance importante à des antibiotiques d’intérêt médical tel que les quinolones et les bétalactamines. Plusieurs clones, circulant dans les aliments au Maroc, ont ainsi été identifiés et l’origine génétique de leur résistance caractérisée. L’ensemble de cette étude révèle l’importance de mettre en place des outils évolutifs de surveillance de la résistance des bactéries aux antibiotiques afin d’optimiser l’efficacité de l’arsenal thérapeutique disponible. Kaotar NAYME est chercheur dans le laboratoire de Bactériologie Moléculaire de l’Institut Pasteur du Maroc. Elle poursuit ses travaux sur l’identification de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques et leur caractérisation génétique.
Les travaux de cette thèse ont été financés par l’Institut Pasteur du Maroc.
Arielle SALMIER - Chauves-souris, réservoirs de virus émergents !
Doctorat Physiologie et Biologie des organismes, populations et interactions
Laboratoire des Interactions Virus-Hôtes de l’Institut Pasteur de la Guyane
Les chauves-souris sont des réservoirs privilégiés de nombreux virus, dont certains sont responsables de maladies sévères chez l’homme (Rage, SRAS, Ebola, etc.). En Guyane où 106 espèces ont été répertoriées, peu de données sont disponibles quant à la diversité virale qu’elles hébergent. Le projet de thèse d’Arielle visait à caractériser la diversité virale de trois espèces de chauves-souris (frugivore, insectivore et hématophage) et à étudier la diversité génétique de ces espèces à l’aide de marqueurs mitochondriaux (neutres) et immunitaires (fonctionnels). Elle a mis en évidence une importante diversité virale chez les individus étudiés, caractéristique du régime alimentaire et de l’habitat. L’étude de l’histoire démographique (marqueurs neutres) a révélé une structuration génétique des populations de chauves-souris vampires, non observée pour les deux autres espèces étudiées. L’étude de l’histoire fonctionnelle lui a permis de montrer un potentiel d’adaptation spécifique du micro-environnement pour les trois espèces de chauves-souris. Ces résultats apportent des données fondamentales sur les virus circulants dans les communautés de chauves-souris de Guyane ; nécessaires à la mise en place de programme de surveillance de zoonoses émergentes. Arielle travaille, aujourd’hui, au Laboratoire des Interactions Virus- Hôtes de l’Institut Pasteur de Guyane sur la caractérisation de la diversité virale chez deux espèces d’oiseaux migrateurs.
Pour mener à bien ses travaux, Arielle a bénéficié d’une subvention européenne et d'une subvention « Investissement d'Avenir » gérée par l'Agence Nationale de la Recherche.
Sanne TERRYN - Utilisation de camélidés dans la lutte contre la rage
Doctorat en médecine vétérinaireDépartement des maladies virales, Institut scientifique de santé publique (Bruxelles)
Département de Virologie, Université de Gand (Gand)
Actuellement, la prophylaxie post-exposition contre la rage consiste en une vaccination antirabique associée à l'administration d'immunogloblines antirabiques. Ces dernières se présentent sous la forme d'une solution d'anticorps antirabiques purifiés à partir du sang de personnes vaccinées contre la rage. En raison des coûts élevés associés au processus de purification, le produit est souvent indisponible dans les régions où la rage est encore endémique et où les gens en ont le plus besoin. Au cours de sa thèse de doctorat, Sanne a étudié le potentiel des anticorps monocaténaires pour la prophylaxie et le traitement de la rage à l'aide de modèles murins. Les anticorps monocaténaires sont de petits fragments d'anticorps dérivés d'anticorps à chaîne lourde présents chez les camélidés. Grâce à leur petite taille et leur architecture simple, ces fragments peuvent facilement être produits dans les bactéries et les levures. Elle a pu montrer que ces anticorps monocaténaires pouvaient non seulement neutraliser le virus dans un milieu in vitro, mais aussi prévenir la maladie chez la souris. Lorsqu'ils sont administrés dans un environnement post-exposition, l'effet protecteur des anticorps monocaténaires peut être amélioré en prolongeant la demi-vie et en les combinant avec la vaccination. Puisque ces anticorps monocaténaires peuvent être produits dans un système d'expression de levure et bactérien, les coûts de production sont plus faibles par rapport à la production d'immunoglobulines. Le développement d'anticorps monocaténaires comme immunoglobulines alternatives contre la rage pourrait donc aboutir à un traitement plus accessible aux personnes les plus à risque. Actuellement, elle continue à travailler sur des projets de recherche sur le virus de la rage et travaille en tant que scientifique au Laboratoire de référence pour la rage à l'Institut scientifique de santé publique à Bruxelles.
Sanne Terryn a reçu une bourse de l'Institut Scientifique de Santé Publique à Bruxelles.
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