La variole du singe est une maladie infectieuse émergente pour laquelle la fréquence des flambées épidémiques et leur taille dans les populations humaines ont régulièrement augmenté. La propagation géographique des cas de la variole s'est étendue au-delà des forêts d’Afrique centrale, où des cas ont été initialement détectés, à d’autres parties du monde où des cas ont été importés. Ce schéma de transmission est probablement dû au déclin mondial de l’immunité aux virus du genre orthopoxvirus (responsables de la variole humaine), suite à l’arrêt de la vaccination antivariolique, dans les années 1980. La variole du singe pourrait donc devenir la plus importante infection à orthopoxvirus chez l’Homme. La modélisation mathématique permet à des chercheurs de l’Institut Pasteur d’affirmer que, dans une population dont l’immunité collective diminue contre les espèces orthopoxvirus, le potentiel épidémique de la variole du singe continuera d'augmenter.
Au début des années 80, suite à l'éradication mondiale de la variole humaine et à l'arrêt de la vaccination antivariolique, les épidémiologistes ont été appelés à évaluer des centaines de cas de variole en République démocratique du Congo (RDC). Ils ont constaté que les nouveaux cas étaient des cas de la variole du singe, dus à des petites flambées de transmission locale qui n’atteignaient pas toute la population. Ainsi, le risque de propagation internationale de la variole du singe fut considéré comme limité. Des études ultérieures ont d’ailleurs montré que le nombre moyen de cas causés par une personne infectée était inférieur à 1, qui est le seuil épidémique.
Une analyse rétrospective confirme la protection due à la vaccination antivariolique
Cependant, ces analyses épidémiologiques n’ont pas pris en compte le fait qu'à cette époque, presque toute la population de la RDC était vaccinée contre la variole humaine et que le vaccin était efficace à 85% contre la variole du singe. « Nous avons réanalysé les données historiques sur la variole du singe pour évaluer son potentiel épidémique, expliquent les chercheurs de l’Institut Pasteur. Notre principal résultat est que, si la population de la RDC avait été entièrement susceptible à la variole du singe, la variole du singe aurait déclenché une épidémie sévère dans laquelle le nombre moyen de cas par individu infectieux aurait été de 1,46-2,67. De plus, nous avons constaté qu'une faible immunité de la population, de l'ordre de 10 à 25%, peut permettre à une personne infectée de provoquer 1,10 à 2,40 nouveaux cas et ainsi de déclencher une épidémie. » C'est le statut de nombreux pays occidentaux, où la vaccination antivariolique a cessé en 1980 ou avant, et où l'immunité a continué de décliner, laissant la population actuelle vulnérable à une pandémie de la variole du singe.
Une diminution de l’immunité collective entraine un risque de santé publique
Depuis les années 80, la situation en RDC s'est progressivement aggravée, l'immunité a régulièrement diminué et les épidémies de singes sont devenues plus importantes et plus fréquentes ; certaines parties de la RDC ont été déclarées régions endémiques pour la variole du singe. « Notre étude de modélisation montre que déjà en 2011-2012, une personne infectée en RDC aurait pu infecter jusqu'à 1,25 nouveau cas. »
La variole du singe est devenue un problème de santé majeur dans d'autres pays africains, tels que le Nigéria et la République centrafricaine. En plus, des cas de variole du singe chez l’Homme et chez des animaux ont été importés dans des pays occidentaux, ce qui pose un risque croissant pour la sécurité sanitaire.
Source
Modelling human-to-human transmission of monkeypox, Bulletin of the World Health Organization, 8 juillet 2020. doi: http://dx.doi.org/10.2471/BLT.19.242347
Rebecca Grant,a Liem-Binh Luong Nguyena & Romulus Brebana
a. Institut Pasteur, Emerging Diseases Epidemiology Unit, 25-28 rue du Dr. Roux, 75015 Paris, France.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Maladies infectieuses émergentes du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.