Lorsqu’une bactérie envahit un hôte, celle-ci tente de proliférer en se multipliant. La division de la cellule bactérienne est coordonnée par plusieurs mécanismes, dont la synthèse d’un peptidoglycane, un large complexe qui entoure la cellule. Cette synthèse est rendue possible grâce à l’action d’une enzyme spécifique (la transglycosylase lytique). Des chercheurs de l’unité Biologie et génétique de la paroi bactérienne à l’Institut Pasteur ont découvert qu’une certaine région de cette enzyme représentait un talon d’Achille lorsqu’elle était soumise à des interférences génétiques. Cette découverte permet d’envisager cette enzyme comme cible des traitements dans le cadre d’une infection par un pathogène.
La division de la cellule bactérienne est régulée par la synthèse du peptidoglycane, une grande « cotte de maille » complexe entourant la cellule. Celui-ci détermine la forme, la rigidité et la survie de la bactérie. Il sert également d’accroche pour des éléments à la surface de la cellule. La formation du peptidoglycane dépend de l’effort concerté de deux machineries enzymatiques moléculaires. L’une d’elles incluant la transglycosylase lytique présente chez toutes les bactéries à Gram-négative permet entre autres de générer une réponse immunitaire face à l’infection.
Les réactions enzymatiques chez Neisseria meningitidis
Pour mieux comprendre le rôle de cette enzyme dans la physiologie bactérienne et pour évaluer son potentiel en tant que cible des traitements anti-microbiens, les chercheurs de l’unité Biologie et génétique de la paroi bactérienne à l’Institut Pasteur ont réussi à prendre un cliché de haute précision des réactions enzymatiques de la transglycosylase lytique chez la bactérie Neisseria meningitidis (lire la fiche maladie sur les méningites). Cette bactérie a été sélectionnée comme objet d’étude car elle constitue un pathogène humain important qui sert de modèle pour son cousin proche le gonocoque et qui deviennent tous les deux de plus en plus résistant aux traitements antibiotiques.
La machinerie bactérienne fragilisée
« Nous avons identifié une zone d’intérêt chez l’enzyme qui, lorsqu’elle est soumise à des interférences génétiques, compromet l’intégrité de la paroi cellulaire et affecte également la capacité de la bactérie à se diviser et à proliférer », explique Allison Williams, chercheuse au sein de l’unité Biologie et génétique de la paroi bactérienne à l’Institut Pasteur. L’expérience de cette étude a donc permis de diminuer la virulence de Neisseria meningitidis pendant l’infection.
« Nous avons par ailleurs démontré que ces interférences génétiques entraînent d'importantes modifications du peptidoglycane et donc des fonctions de certaines protéines partenaires de l’enzyme transglycosylase lytique », poursuit, Ivo G. Boneca, responsable de l’unité Biologie et génétique de la paroi bactérienne à l’Institut Pasteur. La perturbation de ces protéines partenaires favorise également la fragilité de la paroi bactérienne.
Collaborateur à long terme, le Dr Muhamed-Kheir Taha, responsable de l’unité des Infections Bactériennes Invasives à l’Institut Pasteur conclut : « La diminution de la virulence du méningocoque observée dans cette étude multidisciplinaire peut conduire à des avancées majeures dans la recherche de nouvelles thérapies antimicrobiennes ciblant cette enzyme. »
Cette étude montre donc l’importance de cibler des zones précises de la machinerie moléculaire bactérienne qui peut enrayer l'interaction avec ses partenaires et ainsi ouvrir la voie vers de nouveaux traitements antimicrobiens.
Source
Defective lytic transglycosylase disrupts cell morphogenesis by hindering cell wall de-O-acetylation in N. meningitidis, eLife, 5 février 2020
Allison H. Williams1*, Richard Wheeler1,2, Ala-Eddine Deghmane3, Ignacio Santecchia1,4, Ryan E. Schaub5, Samia Hicham1, Maryse Moya Nilges6 Christian Malosse7, Julia Chamot-Rooke7, Ahmed Haouz8, Joseph P. Dillard5, William P. Robins9, Muhamed-Kheir Taha3, Ivo Gomperts Boneca1*
Affiliations
1Unité Biologie et Génétique de la Paroi Bactérienne, Institut Pasteur; Groupe Avenir, Inserm, 75015 Paris, France
2Tumour Immunology and Immunotherapy, Institut Gustave Roussy, F-94805 Villejuif, France
3Unité des Infection Bactériennes Invasives, Institut Pasteur, 75015 Paris, France
4Universté Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Paris, France
5Department of Medical Microbiology & Immunology, University of Wisconsin-Madison, Madison, WI, USA.
6Unité Technologie et Service BioImagerie Ultrastructural, Institut Pasteur, 75015, Paris, France
7Unité Technologie et Service Spectrométrie de Masse pour la Biologie, Institut Pasteur; UMR 3528, CNRS, 75015 Paris, France
8Plate-forme de Cristallographie, Institut Pasteur; UMR3528, CNRS, 75015 Paris, France
9Department of Microbiology, Harvard Medical School, Boston, MA, USA.
*Correspondence to: Allison H. Williams, e-mail: awilliam@Pasteur.fr / Ivo G. Boneca, e-mail: bonecai@Pasteur.fr
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Résistance aux agents antimicrobiens du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.