Cette année, l’équipe iGEM-Pasteur participait pour la cinquième fois au concours international iGEM (international Genetically Engineered Machine) qui fait la promotion de la recherche en biologie synthétique. Le concours, organisé par le Massachusetts Institute of Technology (Etats-Unis) se tenait du 31 octobre au 4 novembre. L’équipe iGEM-Pasteur 2019 y a présenté son projet DIANE, DIAgnosis is Now Easier. Elle est revenue avec une Médaille d’argent dans la catégorie undergraduates, a été nommée « Meilleur Entreprenariat » et félicitée pour ses compétences en « Biosureté et Biosécurité ».
Près de 3500 participants ont participé au Giant Jamboree, le point d’orgue du concours iGEM qui célèbre l’accomplissement des projets de 375 équipes internationales autour de la biologie synthétique. Les 10 étudiants de l’équipe iGEM-Pasteur 2019 et leurs coachs sont venus soutenir leur projet DIANE, DIAgnosis is Now Easier, un dispositif de diagnostic rapide et portable destiné à indiquer immédiatement aux médecins quelle est la bactérie à l’origine de l’infection à partir d’un échantillon de fluide humain (sang, crachats, urine). « L’idée est d’administrer rapidement le traitement antibiotique adapté au patient car, encore aujourd’hui, les méthodes de diagnostic des infections bactériennes sont parfois longues, de l’ordre de 24 heures, ce qui peut être particulièrement problématique dans les cas de septicémie », explique Ronan Soudy, un des étudiants de l’équipe iGEM-Pasteur 2019. La septicémie tue une personne toutes les cinq secondes dans le monde. Si elle n’est pas traitée rapidement, elle peut conduire à des complications nerveuses et musculaires puis à la mort (lire la fiche maladie Septicémie).
« De plus, le problème de la résistance aux antibiotiques est un enjeu de santé publique à l’échelle mondiale », reprend Ronan. En Europe, le Centre européen de contrôle des maladies (ECDC) évalue à 25 000 le nombre de décès par an résultants de la résistance aux antibiotiques (lire la fiche maladie). Une surmortalité équivalente est observée aux Etats Unis par le CDC d'Atlanta. L’augmentation de la résistance sera responsable d’une augmentation dramatique de ces chiffres comme cela a été modélisé dans le rapport de Lord J. O'Neil sur l’impact de la résistance aux antibiotiques d’ici 2050.
Ce rapport a joué un rôle déterminant dans la prise de conscience politique de l’enjeu de la résistance aux agents antimicrobiens : l’économiste britannique Jim O’Neill est d’ailleurs venu s’exprimer à l’Institut Pasteur, à Paris, en septembre 2019, aux côtés d’experts mondiaux en santé publique, de chercheurs, et de représentants des secteurs public et privé. Stewart Cole, directeur général de l’Institut Pasteur, y a rappelé que, face à l’enjeu de l’antibiorésistance, « un changement de paradigme s’impose ».
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L’élaboration du projet depuis plusieurs mois
« Cette année à l’Institut Pasteur, nous avons créé une équipe composée de dix étudiants travaillant dans des domaines divers tels que la biologie, la physique, la chimie et la propriété intellectuelle, nous permettant d’avoir les compétences nécessaires à concrétiser le projet DIANE », explique Deshmukh Gopaul, le responsable du projet iGEM à l’Institut Pasteur.Voir vidéo ci-dessous.
DIANE Diagnosis is Now Easier: Projet de l'équipe iGEM Pasteur Paris 2019: élaboration d'un dispositif de diagnostic rapide pour lutter contre les morts et les complications liées aux infections bactériennes et contre l'antibiorésistance.
Le dispositif DIANE
Pour diminuer le taux de mortalité due à la septicémie, la campagne « Survivre à la septicémie », lancée par la SCCM (Society of Critical Care Medicine) et l’ESICM (European Society of Intensive Care Medicine), a élaboré des lignes directrices préconisant d’administrer un traitement antimicrobien dans l’heure qui suit la reconnaissance d’une septicémie sévère ou d’un choc septique. Dans ces situations d’urgence, des traitements antibiotiques à large spectre, ou basés sur des hypothèses concernant l’origine de l’infection sont souvent administrés. En conséquence, certaines erreurs de traitement peuvent conduire à une perte de temps critique pour l’état du patient. Mais l’utilisation d’antibiotiques à large spectre participe aussi au développement de la résistance antimicrobienne.
Pour répondre à cette urgence de santé publique, l’équipe iGEM-Pasteur 2019 a décidé de créer un dispositif de diagnostic rapide et portable qui permettrait d’indiquer immédiatement aux médecins quelle est la bactérie à l’origine de l’infection à partir d’un échantillon de fluide humain (sang, crachats, urine), afin d’administrer rapidement le traitement antibiotique adapté au patient.
Le dispositif DIANE est basé sur une méthode de détection bactérienne électrochimique utilisant des aptamères, des morceaux d’ADN capables de cibler des composants spécifiques, fixés à des électrodes en nanotubes de carbone. « Nous avons souhaité créer cet appareil de manière à ce qu’il puisse servir, à la fois en médecine délocalisée dans les services d’urgences hospitalières, mais aussi dans des conditions difficiles lors de missions humanitaires » explique Ronan Soudy.
Le dispositif fonctionne ainsi (voir schéma ci-dessous) : un échantillon de sang portant une bactérie non-identifiée est prélevé. L’échantillon est centrifugé et filtré. Il est ensuite analysé par le dispositif DIANE. En quelques secondes, l’appareil identifie la bactérie. Le patient peut alors recevoir le traitement approprié.
Des perspectives d’utilisation qui ne s’arrêtent pas là
DIANE est adaptable à la détection de tout organisme infectieux. Le projet de l’équipe iGEM-Pasteur 2019 ne sera donc pas seulement utile pour sauver des vies ou éviter des complications dans les cas de septicémie, mais il pourra être utilisé plus généralement pour toute infection bactérienne, afin d’apporter un traitement antibiotique approprié immédiat, luttant ainsi contre la progression de l’antibiorésistance.
A l’avenir, l’équipe d’étudiants souhaiterait adapter son dispositif pour détecter d’autres bactéries, par exemple, celles impliquées dans les infection urinaires. Il pourrait même être envisagé d’élargir la détection à d’autres vecteurs comme les virus ou les champignons.
« Nous aimerions également collaborer avec des ONG pour répondre à des urgences épidémiologiques et ralentir la propagation de pathogènes dans les pays en développement » conclut Ronan Soudy.
Après l’incroyable aventure d’iGEM-Pasteur 2019 à Boston, l’Institut Pasteur remettra en décembre leurs diplômes aux 10 étudiants de l’équipe.