Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont étudié CyaA, une des toxines majeures de Bordetella pertussis. Cette bactérie est responsable de la coqueluche, actuellement en recrudescence. On savait que la protéine CyaA était acylée dans la bactérie : l’acylation est une réaction biochimique au cours de laquelle une chaîne acyle est ajoutée à la molécule. Les chercheurs montrent par une combinaison d’approches expérimentales que l’acylation de CyaA est critique pour induire le repliement de toute la région hydrophobe de la toxine, lui permettant ainsi d’acquérir une conformation soluble et fonctionnelle. Une découverte importante pour comprendre l’acquisition de la toxicité de CyaA.
La coqueluche est une infection respiratoire causée par la bactérie Bordetella pertussis. Contrairement à une croyance répandue, ce n’est pas une maladie de la petite enfance. En revanche, elle est très contagieuse (1 personne atteinte en contamine 15, d’après Santé Publique France) et se révèle sévère pour l’homme à tout âge. Les décès représentent 1 à 3% des cas de coqueluche (source : Santé Publique France). Bien entendu, pour les petits âgés de moins de 6 mois et les personnes à risque (femmes enceintes, personnes âgées), elle est particulièrement dramatique, et peut même être mortelle (voir notre fiche maladie Coqueluche).
CyaA, une toxine majeure de Bordetella pertussis
La toxine adénylate cyclase (ou CyaA) est un facteur de virulence très important de l’agent responsable de la coqueluche, Bordetella pertussis. « CyaA est synthétisée en tant que pro-toxine (pro-CyaA) puis est convertie dans sa forme toxique par une réaction biochimique : l’acylation », souligne Alexandre Chenal responsable du groupe BiophysiCyaA, au sein de l’unité Biochimie des interactions macromoléculaires à l’Institut Pasteur. CyaA est ensuite sécrétée, envahit nos cellules et subvertit la défense de l’hôte.
« La toxine CyaA est donc acylée dans la bactérie avant d’être sécrétée et d’intoxiquer les cellules humaines, dont les cellules du système immunitaire inné. » Parmi ces cellules du système immunitaire : les macrophages alvéolaires qui assurent la défense contre les pathogènes dans les alvéoles de nos poumons. « L’action de CyaA laisse donc le champ libre à la colonisation des poumons par la bactérie », poursuit le chercheur.
L’activité cytotoxique de CyaA n’est possible que si elle subit cette modification, dite d’acylation. « On savait jusqu’à présent que cette acylation était cruciale pour acquérir la capacité d’intoxiquer les cellules humaines, mais sans en comprendre l’origine moléculaire. »
Comprendre les effets de l’acylation
Pour mieux comprendre l’effet de l’acylation, les chercheurs ont comparé les propriétés fonctionnelles et structurelles des protéines pro-CyaA et CyaA. « Nous montrons par une combinaison d’approches expérimentales que l’acylation de CyaA est critique pour induire le repliement de toute la région hydrophobe, lui permettant ainsi d'acquérir une conformation soluble et fonctionnelle », explique Alexandre Chenal, dont cette découverte s’inscrit dans un travail de fond pour mieux comprendre les facteurs de virulence de B. pertussis et améliorer les applications biotechnologiques basées sur l’utilisation de CyaA qui sont développées au laboratoire. En 2018, son équipe avait déjà révélé un mécanisme d’activation de cette toxine qui expliquait le repliement d’une région déstructurée de CyaA et son activation.
D’un point de vue technique, les travaux de 2019 ont fait appel aux méthodologies à la pointe du développement en analyse par spectrométrie de masse (Thibaut Douché et Mariette Matondo, à l’Institut Pasteur) et mettent en lumière l’excellence de l’activité HDX-MS de la plateforme de RMN biologique (HDX-MS par Sébastien Brier, lui aussi à l’Institut Pasteur). Cette plateforme a été récemment créée sur le campus parisien de l’institut. « Au-delà de son intérêt scientifique, ce travail de biologie intégrative met en exergue la qualité et la synergie des contributions des plateformes de l’Institut Pasteur au service de la recherche », tient à souligner Alexandre Chenal. Le FASEB Journal qui publie ces travaux est une revue scientifique d’influence internationale, publiée aux Etats-Unis, qui fédère les sociétés de biologie expérimentale.
Source
Post-translational acylation controls the folding and functions of the CyaA RTX toxin, The FASEB Journal, 21 juin 2019
Darragh P. O’Brien,*,1 Sara E. Cannella,*,1 Alexis Voegele,*,† Dorothée Raoux-Barbot,* Marilyne Davi,* Thibaut Douché,‡ Mariette Matondo,‡ Sébastien Brier,*,§ Daniel Ladant,*,2 and Alexandre Chenal*,3
*Institut Pasteur, Chemistry and Structural Biology Department, and §Biological NMR Technical Platform, Center for Technological Resources and Research, UMR CNRS 3528, Paris, France;
†Université Paris Diderot Paris VII, Sorbonne Paris Cité, Paris, France;
‡Institut Pasteur, Proteomics Platform, Mass Spectrometry for Biology Unit, USR CNRS 2000, Paris, France