Une étude observationnelle réalisée dans un hôpital français a révélé que les contacts humains étaient responsables de 90 % des cas de transmissions à de nouveaux patients d’une espèce de bactérie résistante aux antibiotiques mais de moins de 60 % de ceux d’une autre espèce de bactérie. Ces constatations suggèrent que l’hygiène des mains est primordiale tout en soulignant la nécessité d’autres méthodes de lutte contre les infections multirésistantes. Audrey Duval, de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et de l’Institut Pasteur à Paris, et ses confrères présentent leurs résultats dans la revue PLOS Computational Biology.
Les patients traités dans les hôpitaux et autres établissements de soins sont de plus en plus confrontés au risque d’infection à bactéries multirésistantes. Nombre de ces microbes produisent des enzymes appelés β-lactamases à spectre élargi (BLSE), qui leur confèrent une résistance aux antibiotiques. La compréhension du mode de transmission humaine des bactéries productrices de BLSE est essentielle à l’élaboration de stratégies de prévention efficaces.
Dans le cadre de leur nouvelle étude, Audrey Duval et ses confrères ont remis des capteurs portables à des centaines de patients et membres du personnel soignant d’un hôpital français. Grâce à ces capteurs équipés d’étiquettes RFID, les chercheurs ont pu suivre les contacts entre patients sur une période de huit semaines. Parallèlement, ils ont systématiquement soumis les patients à un dépistage des bactéries Escherichia coli et Klebsiella pneumonia productrices de BLSE.
L’équipe a découvert que 90 % des cas de transmission de la bactérie K. pneumonia productrice de BLSE à de nouveaux patients pouvaient s’expliquer par un contact direct ou indirect avec des patients infectés au cours des huit semaines précédentes, contre moins de 60 % pour la bactérie E. coli productrice de BLSE. Ces résultats indiquent que les stratégies de prévention axées sur les contacts – hygiène des mains, principalement – peuvent limiter efficacement la transmission de la bactérie K. pneumonia productrice de BLSE. Toutefois, d’autres mesures, telles que la décontamination de l’environnement ou l’utilisation plus raisonnée des antibiotiques, peuvent s’avérer nécessaires pour éviter la propagation de la bactérie E. coli productrice de BLSE.
Les chercheurs suggèrent d’étendre à d’autres espèces multirésistantes ce type d’analyse exploitant des capteurs portables. L’étude de données génomiques plus détaillées pourrait nous éclairer davantage sur le mode de transmission des bactéries productrices de BLSE.
« En combinant épidémiologie numérique et outils de diagnostic microbiologique rapide, nous pourrions entrer dans une nouvelle ère nous permettant de comprendre et de contrôler le risque d’infection nosocomiale à bactéries multirésistantes », explique Audrey Duval.
Source
Close proximity interactions support transmission of ESBL-K. pneumoniae but not ESBL-E. coli in healthcare settings, PLOS Computational Biology, May 30th, 2019
Audrey Duval1, Thomas Obadia2,3, Pierre-Yves Boëlle4, Eric Fleury5, Jean-Louis Herrmann6, Didier Guillemot1, Laura Temime7,8*, Lulla Opatowski1*, The i-Bird Study group
1. Equipe PheMI, unité B2PHI, Inserm, Université de Versailles Saint Quentin, Institut Pasteur, Paris, France,
2. Malaria: Parasites & Hosts Unit, Department of Parasites & Insect Vectors, Institut Pasteur, Paris, France,
3. Institut Pasteur —Bioinformatics and Biostatistics Hub—C3BI, USR 3756 IP CNRS—Paris, France,
4. Sorbonne Université, Inserm, Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique, PARIS, France,
5. Université de Lyon, CNRS, ENS de Lyon, Inria, UCB Lyon 1, LIP UMR 5668, Lyon, FRANCE,
6. Inserm U1173, UFR Simone Veil, Versailles-Saint-Quentin University, Saint-Quentin en Yvelines, France. AP-HP, Service de Microbiologie, Hôpital Raymond Poincaré, Garches, France,
7. Laboratoire MESuRS, Conservatoire national des Arts et Métiers, Paris, France,
8. Institut Pasteur, Cnam, unité PACRI, Paris, France
* These authors contributed equally to this work.
Nota Bene : Cette étude a reçu le soutien de la Commission européenne dans le cadre de la priorité des sciences de la vie pour la santé du 6e programme-cadre (réseau MOSAR, contrat LSHP-CT-2007-037941) et a également été financée par l’État français au travers du programme hospitalier de recherche clinique national et du programme Investissements d’avenir, Laboratoire d’Excellence « Integrative Biology of Emerging Infectious Diseases » (n° de convention ANR-10-LABX-62-IBEID, https://anr.fr/ProjetIA-10-LABX-0062), au bénéfice de D. Guillemot, et par l’École des hautes études en santé publique (EHESP, https://www.ehesp.fr/), au bénéfice de A. Duval. Les bailleurs de fonds n’ont joué aucun rôle dans le plan d’étude, la collecte et l’analyse des données, l’ordre de publication ou la préparation du manuscrit.