Pendant la Grande Guerre, on estime à plusieurs millions le nombre d’individus que la sérothérapie antitétanique permettra de sauver. Et cela grâce aux travaux qu'Emile Roux avait réalisés dans les années 1890 sur la sérothérapie et à la production intensive de sérum, pendant la guerre, par l’Institut Pasteur qu’il dirigeait. La sérothérapie antitétanique reste aujourd’hui l’acte de base dans la protection contre le tétanos en cas de blessure profonde susceptible d’être contaminée par le Clostridium.
Le second exemple concerne la sérothérapie antitétanique. La sérothérapie avait d’abord été conçue pour traiter la diphtérie, une maladie alors très fréquente en Europe et qui tuait chaque année des dizaines de milliers d’enfants dans notre pays. Suite à des travaux de deux collaborateurs de Pasteur, Émile Roux et Alexandre Yersin, montrant que le bacille diphtérique sécrétait une toxine, responsable de la maladie, des collaborateurs de Robert Koch, en Allemagne, Emil Behring et Shibasaburo Kitasato, montrent que l’inoculation de toxine partiellement inactivée à des animaux les immunise contre la maladie et provoque l’apparition, dans le sérum de ceux-ci d’une antitoxine (on parlerait aujourd’hui d’anticorps). En 1894, des essais cliniques conduits en parallèle en France et en Allemagne, démontrent que l’inoculation à des enfants d’un tel sérum, provenant de chevaux, peut les guérir de la diphtérie. Ce devait être la sérothérapie.
Le docteur Roux à l’assaut du tétanos
Pendant la guerre, ce ne fut pas tant la sérothérapie antidiphtérique qui devait occuper le devant de la scène que la sérothérapie contre le tétanos, due à une bactérie qui sécrète également une toxine. Le tétanos est une maladie neurologique souvent mortelle qui, dans ses manifestations les plus graves chez l’adulte, provoque des douleurs intolérables dues à des contractures et des spasmes musculaires incontrôlés. La contracture des muscles respiratoires peut entraver la respiration et provoquer la mort par asphyxie ou arythmie cardiaque.
La bactérie responsable, un Clostridium, se développe dans le tube digestif de nombreux animaux, notamment des chevaux, et se retrouve dans leurs excréments, et donc dans la terre, sous forme de spores très résistantes. C’est une bactérie anaérobie stricte, c’est-à-dire qu’elle ne se développe qu’en absence d’air. Si le Clostridium pénètre dans un organisme humain à la suite d’une blessure profonde, et qu’il se trouve donc à l’abri de l’air, il peut se développer et sécréter sa toxine. Celle-ci diffuse dans l’organisme, atteint le système nerveux, et provoque les symptômes musculaires mentionnés.
Deux facteurs essentiels ont fait du tétanos un risque majeur durant la Grande Guerre. Le premier a été l’usage intensif des chevaux, dans la cavalerie comme pour le déplacement de l’artillerie et des approvisionnements : huit à dix millions de ces animaux auraient participé au conflit ; leur crottin a contribué à infester les zones de combats de spores du Clostridium. Le second facteur a été la nature des blessures causées par les armes nouvelles, blessures profondes et souvent contaminées par de la terre.
Dès 1893, Roux avait montré que le sérum antitétanique, s’il n’avait guère d’effet lorsque les premiers symptômes étaient apparus, était en revanche fort efficace s’il était administré rapidement après la pénétration des spores dans l’organisme, et avant que celles-ci n’entraînent la production de quantités importantes de toxine. Il importait donc d’administrer le sérum rapidement à tous les blessés.
La sérothérapie, un acte de base dans la protection contre le tétanos
Dès les premiers jours d’août 1914, sous la direction de Roux, l’Institut Pasteur accroît considérablement sa production de sérum antitétanique. Au moment de la déclaration de guerre, l’Institut possède un peu moins de 300 chevaux produisant chaque mois environ 80 000 flacons de divers sérums, essentiellement contre la diphtérie et le tétanos. À la fin de la guerre, il dispose de 1 462 chevaux, soit environ 5 fois plus, pour produire des sérums. D’août 1914 à la fin de 1918, il aura fourni plus de six millions de doses de sérum pour la France seule. Auront été délivrées, en outre, près de deux millions de doses aux troupes alliées d’Italie, de Serbie, de Belgique, de Roumanie et des États-Unis.
On estime à plusieurs millions le nombre d’individus que la sérothérapie antitétanique permettra de sauver. Et cela grâce aux travaux que Roux avait réalisés dans les années 1890 sur la sérothérapie et à la production intensive de sérum, pendant la guerre, par l’Institut Pasteur qu’il dirigeait. La sérothérapie antitétanique reste aujourd’hui l’acte de base dans la protection contre le tétanos en cas de blessure profonde susceptible d’être contaminée par le Clostridium.
Découvrez notre série consacrée aux Pasteuriens pendant la Grande Guerre
Extrait d’une conférence au Palais de la Découverte, mercredi 21 mars 2018, avec Annick Perrot, conservateur honoraire du musée Pasteur, et Maxime Schwartz, ancien directeur général de l’Institut Pasteur.
Les Pasteuriens pendant la Grande Guerre : introduction
Les Pasteuriens pendant la Grande Guerre : la typhoïde
Les Pasteuriens pendant la Grande Guerre : le tétanos
Les Pasteuriens pendant la Grande Guerre : septicémie et gangrène
Les Pasteuriens pendant la Grande Guerre : la lutte contre les rats
Les Pasteuriens pendant la Grande Guerre : paludisme et Armée d’Orient