La résistance à l’artémisinine, le principal composant des traitements antipaludiques actuels recommandés par l’OMS, est répandue en Asie du Sud-est, mais n’a pas été décrite en Afrique. Dans une étude publiée en 2020, des chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec le PNLP au Rwanda, l’OMS et l’Université de Columbia, ont pour la première fois apporté des preuves de l’émergence de novo de la résistance à l’artémisinine médiée par Pfkelch13 au Rwanda.
L’émergence et la propagation de mutants Pfkelch13 de Plasmodium falciparum résistants à l’artémisinine constituent une menace majeure croissante pour l’éradication du paludisme en Asie du Sud-est. À ce jour, la résistance à l’artémisinine n’a été signalée qu’en Asie du Sud-est et n’a pas été détectée en Afrique, région du monde payant le plus lourd tribut au paludisme.
En 2013-2015, nous avons mené des études cliniques sur l’efficacité des médicaments dans deux établissements de santé du Rwanda et réalisé des investigations génomiques sur des échantillons sanguins prélevés sur une cohorte de patients préalablement traités. Nous avons identifié 14 mutations non synonymes de Pfkelch13 dans 35 des 505 échantillons (6,9 %). Observé sur un seul site (Masaka), l’allèle R561H de Pfkelch13 était prédominant (19/35). Des tests de susceptibilité in vitro ont confirmé le rôle de la mutation R561H de Pfkelch13 dans la résistance à l’artémisinine. Des analyses phylogénétiques de séquences génomiques complètes et des régions flanquantes de Pfkelch13 ont montré que les mutants R561H rwandais de Pfkelch13 provenaient d’Afrique et ne présentaient aucune parenté génétique avec les parasites porteurs de la mutation R561H de Pfkelch13 précédemment identifiés en Asie du Sud-est. La diversité génétique réduite autour de la mutation R561H de Pfkelch13 indique un balayage sélectif récent non associé à un squelette génétique particulier d’Asie du Sud-est ou dont certaines signatures moléculaires révèlent une résistance aux traitements antipaludiques.
Nos découvertes décrivent clairement les signes précurseurs de l’émergence et de l’expansion clonale du mutant R561H indigène résistant à l’artémisinine in vitro de Plasmodium falciparum kelch13 au Rwanda. Elles appellent à renforcer la surveillance des populations de parasites P. falciparum au Rwanda et dans les pays voisins, afin de contenir la propagation de la résistance à l’artémisinine et d’allonger la durée de vie des traitements combinés à base d’artémisinine.
Source: Nature Medicine, 3 août 2020. doi.org/10.1038/s41591-020-1005-2
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Résistance aux agents antimicrobiens du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.