Les cils et flagelles, extensions cellulaires rattachées à la membrane, participent à de nombreux processus comme la réception de signaux sensoriels ou le déplacement des cellules. Les maladies qui affectent ces extensions, les ciliopathies, découlent de dérèglements liés à la longueur des cils et des flagelles. Des chercheurs de l’Institut Pasteur ont tenté de déchiffrer les mécanismes qui déterminent le contrôle de la longueur de ces appendices dans l’espoir d’améliorer le diagnostic de ces pathologies complexes et peut-être de développer de nouvelles approches thérapeutiques.
Les cils et flagelles sont des antennes présentes à la surface des cellules. Certains d’entre eux sont immobiles et servent à détecter des signaux, alors que d’autres sont mobiles et responsables du mouvement de la cellule ou de son environnement. Ils présentent une taille assez variable (de 1 à 100 µm) d’un type de cellule à un autre. Des perturbations de leur longueur sont liées à des maladies génétiques appelées ciliopathies. Il s’agit d’une famille de maladies génétiques très handicapantes qui affectent le développement et le fonctionnement de certains organes comme le cerveau, le rein ou les yeux.
Le trypanosome, un protozoaire très étudié
Chaque cil ou flagelle présente une longueur définie, un processus qui fascine les scientifiques depuis des années. Eloïse Bertiaux, doctorante au sein de l’unité de Biologie cellulaire du trypanosome de l’Institut Pasteur (Paris), dirigée par Philippe Bastin, a souhaité comprendre comment la longueur des cils et flagelles pouvait être contrôlée. Elle a travaillé sur le trypanosome, un protozoaire flagellé qui peut être aisément manipulé au laboratoire. « Le trypanosome est bien connu pour être responsable de la maladie du sommeil en Afrique mais constitue aussi un modèle de travail de premier choix pour étudier les cils et flagelles », précise Philippe Bastin. Lorsque ce parasite infecte son hôte ou la mouche tsé-tsé, il transite par plusieurs stades de développement durant lesquels il assemble des flagelles de différentes longueurs et compositions. Une véritable banque d’informations pour les chercheurs.
De la régulation de la longueur des cils à la compréhension des ciliopathies
En manipulant la machinerie responsable de la construction des flagelles, les chercheurs ont produit des trypanosomes qui assemblent des flagelles de différente longueur. « Notre étude révèle que les cellules allongent leur flagelle à une vitesse donnée et bloquent l’allongement par un processus de verrouillage, explique Philippe Bastin. Une fois le flagelle verrouillé, la longueur est fixée. Les cellules peuvent ainsi réguler la longueur du flagelle soit en changeant la vitesse de croissance, soit en modifiant le moment où le verrouillage est appliqué. »
Ce modèle de croissance et de verrouillage permettra d’étudier les causes des défauts de longueur des cils et flagelles chez les patients souffrant de ciliopathies avec l’espoir de pouvoir mieux diagnostiquer ces pathologies complexes et éventuellement développer de nouvelles approches pour leur traitement.
Source
A grow-and-lock model for the control of flagellum length in trypanosomes, Current Biology, 15 novembre 2018.
Eloïse Bertiaux1,2,4, Benjamin Morga1,3,4, Thierry Blisnick1, Brice Rotureau1 & Philippe Bastin1,5
1. Trypanosome Cell Biology Unit, Institut Pasteur & INSERM U1201
2. Université Pierre et Marie Curie Paris 6, Cellule Pasteur - UPMC
3. Laboratoire de Génétique et Pathologie des Mollusques Marins, Station de La Tremblade - Ronce Les Bains - France
4. Equal contribution
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