Plus d’un million de cellules meurent toutes les minutes dans un corps humain adulte. Que deviennent-elles ? Comment la mort cellulaire influence-t-elle l’ensemble des organes et des tissus vivants, notamment le système immunitaire ? Comprendre comment les différents types de mort cellulaire influence l’immunité est un sujet de recherche majeur pour le développement de thérapies s’appuyant sur une activation du système immunitaire. Pour étudier cette question, des chercheurs de l’unité Immunobiologie des cellules dendritiques (Institut Pasteur/Inserm) sont parvenus à activer spécifiquement dans des cellules les deux types de mort cellulaire, l’apoptose* ou la nécroptose* (nécrose* programmée), et à évaluer la réponse immunitaire associée, dans des modèles in vitro et in vivo.
Ils ont dans un premier temps observé que les cellules nécroptotiques (induites par l’activation d’une protéine appelée RIPK1) provoquaient une forte réponse T CD8+ spécifique, et qu’elles étaient plus immunogènes que les cellules apoptotiques. Ces réponses avaient par exemple la capacité d’induire une réponse immunitaire protectrice contre un modèle de cancer de colon. Mais, contrairement a ce qui était admis, les scientifiques ont ensuite montré que le relargage des DAMPs lors de la nécroptose n’était pas seul responsable de cette forte immunogénicité : une autre cascade de réactions, dépendante aussi de RIPK1, est également impliquée. Cette cascade active une autre voie - la voie NF-ĸB – qui induit l’expression d’un programme génétique inflammatoire au sein des cellules mourantes.
En montrant que RIPK1, par sa capacité à coordonner simultanément les voies de mort cellulaire et d'inflammation, orchestre la réponse immunitaire anti-tumorale, ces travaux fournissent ainsi de nouvelles cibles potentielles dans la lutte contre le cancer.
* voir ci-dessous
Deux façons de mourir
L’apoptose - la mort cellulaire programmée, a longtemps été considérée comme une mort physiologique, “silencieuse” d’un point de vue immunologique : il s’agit d’une mort « naturelle », liée par exemple au renouvellement cellulaire ou la cicatrisation.
La nécrose, elle, est une mort cellulaire accidentelle. Les cellules en nécrose relarguent de manière incontrôlée des molécules appelées les DAMPs, qui constituent pour le système immunitaire un message d’alerte. C’est ce qu’il se passe dans le cas des cellules infectées par un microbe, ou qui subissent une transformation tumorale. Ces cellules produisent des protéines étrangères à l’organisme. Lorsqu’elles meurent, elles sont phagocytées – ou ingérées – par les cellules dendritiques, des cellules du système immunitaire inné capables de récupérer des fragments de protéine (antigènes) issus de ces cellules mourantes. Elles les présentent ensuite à leur surface, afin que ces antigènes soient reconnus par le système immunitaire, ce qui déclenche l’activation des lymphocytes T CD8+, des cellules chargées d’attaquer spécifiquement les cellules porteuses de ces antigènes. Voilà qui explique comment, quand une cellule meurt à cause d’une infection ou d’une transformation tumorale, le système immunitaire peut initier des réponses dirigées contre le virus ou le cancer. Le type de mort cellulaire détermine alors l’ampleur et l’efficacité de la réponse.
Source
RIPK1 and NF-κB signaling in dying cells determine CD8+ T cell cross-priming potential, Science, 16 octobre 2015
Nader Yatim (1,2,3), Hélène Jusforgues-Saklani (1,2), Susana Orozco(4), Oliver Schulz (5), Rosa Barreira da Silva (1,2), Caetano Reis e Sousa (5), Douglas R. Green (6), Andrew Oberst (4) and Matthew L. Albert (1,2)
1 - The Laboratory of Dendritic Cell Biology, Department of Immunology, Institut Pasteur, 25 Rue du Docteur Roux, 75015, Paris, France
2 - INSERM U818, 25 Rue du Docteur Roux, 75015, Paris, France
3 - Frontières du Vivant Doctoral School, ED474, Université Paris Diderot-Paris 7, Sorbonne Paris Cité, 8-10 rue Charles V, 75004, Paris, France
4 - Department of Immunology, University of Washington, Campus Box 358059, 750 Republican Street, Seattle, WA, USA
5 - Immunobiology Laboratory, Cancer Research UK, London Research Institute, Lincoln's Inn Fields Laboratories, 44 Lincoln's Inn Fields, London
WC2A 3LY, UK
6 - Department of Immunology, St. Jude Children’s Research Hospital, 262 Danny Thomas Place, Memphis, TN 38105, USA
Mis à jour le 30/12/2015