Les infections nosocomiales causées par Clostridioides difficile représentent une menace sanitaire importante. Dans une étude récemment publiée, des chercheurs décrivent les mécanismes moléculaires permettant la survie ainsi que l’adaptation et le développement de la bactérie dans l’intestin. Ils montrent le rôle central de la molécule di-AMPc dans les mécanismes de régulation interne de la bactérie, favorisant entre autres la résistance aux antimicrobiens.
Les infections nosocomiales sont un problème majeur de santé publique. À l’origine d’un grand nombre d’entre elles, Clostridioides difficile (C. difficile), une bactérie entéropathogène pouvant entraîner des diarrhées sévères, dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée. Ces troubles digestifs ont généralement lieu à la suite d’une antibiothérapie affaiblissant la flore intestinale de l’hôte et favorisant la colonisation par C. difficile. Les processus d’adaptation de cette bactérie à l’environnement intestinal humain ne sont encore que partiellement connus et une compréhension plus fine des mécanismes sous-jacents s’avère donc cruciale.
La molécule di-AMPc joue un rôle de régulateur
On savait déjà que la composition du microbiote intestinal module la sévérité des infections de C. difficile, grâce aux travaux du laboratoire Pathogenèse des bactéries anaérobies à l’Institut Pasteur, qui s’intéresse au développement de stratégies thérapeutiques contre C. difficile. Dans une étude publiée récemment dans la revue Science Signaling, ces mêmes chercheurs et leurs partenaires (voir « source » plus bas) montrent le rôle central de régulation joué par une molécule appelée diadenosine monophosphate cyclique (di-AMPc). « Il s’agit d’un di-nucléotide dont la production ou la dégradation sont essentielles durant les phases de croissance, d’adaptation à l’environnement et d’infection de C. difficile », explique Bruno Dupuy, responsable du laboratoire.
Résistance aux antimicrobiens, biofilms… : de multiples réactions à l’intérieur de la bactérie
Les chercheurs ont mis en évidence l’implication de di-AMPc dans de nombreuses chaînes de réactions à l’intérieur de la bactérie. La production de di-AMPc est ainsi essentielle à la croissance et à la survie de C. difficile car elle contrôle directement l’absorption de potassium par la modulation de l’activité ou de l’expression des systèmes de transport de potassium (K+). Un lien a également été établi entre la présence de di-AMPc et la résistance bactérienne aux antibiotiques. Quand les antibiotiques utilisés ciblent la paroi cellulaire de la bactérie, la présence de di-AMPc favorise la stabilité de celle-ci. En outre, un lien a été établi entre la présence du di-nucléotide et la capacité pour C. difficile à s’organiser sous forme de biofilms, favorisant ainsi la persistance du pathogène dans l’organisme.
À l’inverse, des concentrations intracellulaires élevées de di-AMPc inhibent l’adaptation bactérienne au stress osmotique. Enfin, l’exposition de C. difficile aux sels biliaires favorise la dégradation de di-AMPc, entraînant dans un second temps une résistance accrue aux sels biliaires eux-mêmes.
Mis bout à bout, « ces mécanismes décrivent des régulations moléculaires complexes où le di-AMPc joue un rôle central », résume Bruno Dupuy. Les molécules interagissant avec di-AMPc représentent ainsi de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles, ouvrant la voie à de nombreuses perspectives de recherche.
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Résistance aux agents antimicrobiens du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.
Source :
c-di-AMP signaling is required for bile salt resistance, osmotolerance, and long-term host colonization by Clostridioides difficile, Science Signaling, 6 septembre 2022
DOI: 10.1126/scisignal.abn8171
Marine Oberkampf1†, Audrey Hamiot1‡†, Pamela Altamirano-Silva2, Paula Bellés-Sancho1§, Yannick D. N. Tremblay1¶, Nicholas DiBenedetto3, Roland Seifert4, Olga Soutourina5, Lynn Bry3,6, Bruno Dupuy1* and Johann Peltier1,5*
- Institut Pasteur, Université Paris Cité, UMR-CNRS 6047, Laboratoire Pathogenèse des Bactéries Anaérobies, F-75015 Paris, France.
- Centro de Investigación en Enfermedades Tropicales, Facultad de Microbiología, Universidad de Costa Rica, San José, Costa Rica
- Massachusetts Host-Microbiome Center, Dept. Pathology, Brigham & Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, MA.
- Institute of Pharmacology & Research Core Unit Metabolomics, Hannover Medical School, Hannover, Germany.
- Université Paris-Saclay, CEA, CNRS, Institute for Integrative Biology of the Cell (I2BC), 91198, Gif-sur-Yvette, France
- Clinical Microbiology Laboratory, Department of Pathology, Brigham & Women’s Hospital, Boston, MA.
† These authors contributed equally.