Dans un contexte de surutilisation des insecticides, qui conduit à la sélection de moustiques résistants, on sait déjà que cette résistance aux insecticides influe sur les interactions entre les moustiques et les agents pathogènes qu’ils transmettent. Une équipe de chercheurs de l’Institut Pasteur, et ses partenaires, prouvent que des mécanismes de résistance aux insecticides chez le vecteur Culex quinquefasciatus impactent la transmission du virus du Nil occidental.
Au cours de ces dernières décennies, les virus transmis par les arthropodes (arbovirus) qui affectent la santé humaine tels que les virus de la dengue, du chikungunya, du Zika ou du Nil occidental, ont occupé le devant de la scène en raison des épidémies multiples voire des pandémies qui ont affecté le monde. En l’absence de vaccins et de traitements thérapeutiques, la lutte contre les arbovirus s’appuie principalement sur le contrôle des populations de moustiques.
Les conséquences de la surutilisation d’insecticides
L’usage d’insecticides est depuis longtemps la méthode préconisée pour diminuer les densités de moustiques et ainsi, interrompre la transmission des arbovirus. Cependant, la surutilisation d’insecticides conduit à la sélection de moustiques présentant des gènes de résistance aux insecticides. Il a été rapporté que la résistance aux insecticides influe sur les interactions entre les moustiques et les agents pathogènes qu’ils transmettent.
« Nous fournissons la première preuve de l’impact de deux mécanismes principaux de résistance aux insecticides sur la transmission des arbovirus », explique Anna-Bella Failloux, responsable du laboratoire Arbovirus et Insectes vecteurs à l’Institut Pasteur.
La compétence vectorielle pour deux arbovirus
« En utilisant des infections expérimentales, nous avons comparé la compétence vectorielle des moustiques Culex quinquefasciatus résistants aux insecticides (modification de la cible et surproduction d’enzymes de détoxification) versus ceux qui y sont sensibles. Et cela pour deux arbovirus : le virus de la fièvre de la vallée du Rift (VFVR) et le virus du Nil occidental (VNO). » Pour le VFVR, la compétence vectorielle reste inchangée que le moustique soit résistant ou sensible. En revanche, les moustiques résistants transmettent mieux le VNO que les moustiques sensibles.
« Nos résultats soulignent combien il est important de comprendre les effets de la résistance aux insecticides sur la compétence vectorielle et nous impose de reconsidérer les stratégies de lutte anti-vectorielle en limitant la production de moustiques résistants aux insecticides. »
Source
Insecticide resistance genes affect Culex quinquefasciatus vector competence for West Nile virus, Proceedings of the Royal Society, 16 janvier 2019.
Célestine M. Atyame1,2, Haoues Alout3,4, Laurence Mousson1, Marie Vazeille1, Mawlouth Diallo5, Mylene Weill4 and Anna-Bella Failloux1
1. Department of Virology, Institut Pasteur, Arboviruses and Insect Vectors, Paris, France
2.Université de La Réunion, UMR PIMIT (Processus Infectieux en Milieu Insulaire Tropical) CNRS-INSERM-IRD-Université de La Réunion, Île de La Réunion, France
3.INRA, UMR 1309 ASTRE, INRA-CIRAD, 34598 Montpellier, France
4. Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM), UMR CNRS-IRD-EPHE-Université de Montpellier, Montpellier, France
5. Institut Pasteur de Dakar, Unité d’Entomologie médicale, Dakar, Sénégal
Cette étude entre dans le cadre de l’axe scientifique prioritaire Résistance aux agents antimicrobiens du plan stratégique 2019-2023 de l’Institut Pasteur.