Une équipe de chercheurs du laboratoire I-STEM (CECS/AFM-Téléthon/Inserm), dirigée par Alexandra Benchoua et Marc Peschanski, en collaboration avec les Pr Thomas Bourgeron (Institut Pasteur/Université Paris Diderot/CNRS) et Richard Delorme (Hôpital Robert Debré/AP-HP), a mis en évidence le potentiel thérapeutique du lithium chez une patiente atteinte d’un trouble autistique rare associé au gène SHANK3. Cette molécule, habituellement utilisée pour traiter les troubles bipolaires, a pu être identifiée grâce au criblage à haut débit de composés chimiques sur des neurones humains obtenus à partir de cellules souches pluripotentes dont celles de la patiente traitée. Cette étude constitue une première étape vers le développement d’outils permettant une approche médicale plus personnalisée des personnes atteintes de troubles du spectre autistique. Ces travaux ont été publiés le 27 mai 2016 dans la revue EBioMedicine.
Les troubles du spectre autistique (TSA) forment un groupe hétérogène de troubles neuro-développementaux qui affectent 1% de la population. Ils représentent un défi pour le développement de pharmacothérapies efficaces en raison de la complexité des symptômes et des degrés de sévérité très variables des symptômes. Pour 10 à 30% des patients avec autisme et déficience intellectuelle, une cause génétique a été identifiée. On estime qu’environ 1 à 2% des enfants avec autisme et retard mental présentent une déficience du gène SHANK3, celle-ci étant responsable du syndrome de Phelan-McDermid (la très grande majorité des patients atteints de ce syndrome ont perdu un fragment du chromosome 22 portant une copie de SHANK3). C’est principalement à cette population que s’est adressée l’étude. La perte d’une des deux copies de SHANK3 cause une diminution de la quantité de la protéine SHANK3 et entraine des atteintes principalement au niveau des points de contacts entre les neurones (les synapses). L’objectif des chercheurs a donc été d’identifier les médicaments susceptibles d’accroitre l’expression du gène en activant la seconde copie toujours fonctionnelle. Toutefois, SHANK3 n’étant exprimé que dans les neurones, il a donc fallu, pour mener cette approche, franchir une barrière technologique consistant à produire in vitro des neurones humains portant les mutations des patients à traiter.
Les chercheurs ont donc développé un modèle permettant de produire des neurones humains à partir de cellules souches pluripotentes. Ce modèle a permis de réaliser un criblage à haut débit de composés pharmacologiques afin de choisir ceux augmentant l’expression de SHANK3 dans les neurones et donc ayant le plus de chance d’être efficace. Les composés identifiés ont ensuite été testés sur des neurones de patients porteurs de mutations SHANK3. Parmi les 202 composés testés, le lithium et l'acide valproïque ont montré la meilleure efficacité, en permettant de rétablir des niveaux corrects de SHANK3 et donc d’améliorer le fonctionnement des cellules neuronales. Une pharmacothérapie au lithium a ensuite été proposée à une des patientes pour laquelle le lithium avait prouvé son efficacité lors des tests in vitro pratiqués sur ses propres neurones. Après un an de traitement, cette étude pilote a permis de mettre en évidence chez la patiente une diminution encourageante du degré de sévérité de l’autisme. Les chercheurs envisagent aujourd’hui la mise en place d’un essai randomisé en double aveugle pour confirmer ces résultats chez un plus grand nombre de patients atteints de ce trouble autistique lié aux mutations de SHANK3.
Plus largement, cette étude montre que les neurones dérivés de cellules souches pluripotentes offrent un modèle cellulaire exploitable et pertinent dans la recherche de traitements spécifiques pour les troubles autistiques liés à des anomalies génétiques. La méthodologie utilisée pourrait ainsi ouvrir la voie à une médecine de précision pour des maladies psychiatriques ou neurologiques.
Ces travaux ont été soutenus par le programme Investissements d’avenir, de l’Agence nationale pour la recherche, de la Fondation Bettencourt-Schueller, de la Fondation Conny-Maeva, de la Fondation Cognacq Jay, de la Fondation Orange, de la Fondation Fondamental, des laboratoires Servier ainsi que par l’AFM-Téléthon grâce aux dons du Téléthon.
Source
Human pluripotent stem cell-derived cortical neurons for high throughput medication screening in autism: a proof of concept study in SHANK3 haploinsufficiency syndrome, Ebiomedicine, 27 mai 2016.
Hélène Darville1, Aurélie Poulet1, Frédérique Rodet-Amsellem2, Laure Chatrousse1, Julie Pernelle3, 4, Claire Boissart1, Delphine Héron5,6, Caroline Nava5,6, Anselme Perrier3,4, Margot Jarrige3,4, Francis Cogé7, Mark J Millan7, Thomas Bourgeron8,9,10, Marc Peschanski3,4, Richard Delorme2, 8 and Alexandra Benchoua1
1 CECS, I-STEM, AFM, 91030 Evry Cedex, France;
2 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Robert Debré Hospital, Department of Child and Adolescent Psychiatry, Paris, France
3 INSERM UMR 861 I-STEM AFM, 91030 Evry Cedex, France
4UEVE UMR 861 I-STEM AFM, 91030 Evry Cedex, France
5 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Department of Genetic an Cytogenetic, Pitié-Salpétrière Hospital, 75013 Paris, France
6 Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06 UMR S 1127, Inserm U 1127, CNRS UMR 7225, and ICM, F- 75013 Paris, France
7 IDR Servier, Croissy sur Seine, France
8 Institut Pasteur, Human Genetics and Cognitive Functions Unit, Paris, France
9 CNRS UMR 3571: Genes, synapses and cognition, Institut Pasteur, Paris, France
10 University Denis Diderot, Sorbonne Paris Cité, Paris, France